France

Marseille : Repas gratuit et pressing, l’ancien ministre Hubert Falco à la barre pour détournement de fonds

Ce mardi, le maire de Toulon et ancien ministre Hubert Falco comparaît devant la sixième chambre du tribunal correctionnel de Marseille aux côtés de l’ancien président du conseil départemental du Var Marc Giraud pour détournement de fonds publics et recel. Hubert Falco est accusé d’avoir bénéficié de services du conseil départemental, notamment de repas préparés par les cuisiniers de la collectivité, alors qu’il ne présidait plus depuis longtemps l’institution. 20 Minutes fait le point sur cette affaire « du frigo » qui a fait polémique dans le Var, avec, en toile de fond, le suicide d’un des lanceurs d’alerte.

Quels sont les faits ?

Hubert Falco est accusé exactement de recel de bien provenant de soustraction et, détournement ou destruction de biens d’un dépôt public entre le 2 avril 2015 et le 31 décembre 2018. Le maire de Toulon et ancien secrétaire d’Etat de Nicolas Sarkozy, aujourd’hui soutien affiché d’Emmanuel Macron, est soupçonné d’avoir pris des repas à la cafétéria du conseil départemental du Var entre 2015 et 2018.

Tout commence en 2016, comme le rapporte Mediapart dans un article sur le sujet publié en juin 2022. Des fonctionnaires du conseil départemental signalent une situation qui leur paraît anormale auprès de la secrétaire générale du syndicat Unsa au sein du conseil départemental, Faouzia Mehazem. Ces fonctionnaires fréquentent la cafétéria de l’institution, et y voient l’ancien ministre déjeuner, seul, à la même table, au fond du réfectoire. Or, Hubert Falco n’était plus président de la collectivité depuis 2002. D’autres racontent qu’un des cuisiniers du conseil départemental est affecté à temps plein au service d’Hubert Falco. Un frigo serait même dédié au maire de Toulon et son épouse, avec à l’intérieur, des repas préparés d’avance pour les soirs et les week-ends.

Pour les seuls frais de bouche, les policiers estiment qu’Hubert Falco a détourné 1.500 euros par mois. Il est aussi accusé d’avoir bénéficier d’un marché public passé entre le conseil départemental et une entreprise de pressing pour laver son linge personnel, notamment ses débardeurs, ses chaussettes ou ses pyjamas. 

Quant à Marc Giraud, il est soupçonné d’avoir permis à Hubert Falco de bénéficier de ses avantages alors qu’il était à la tête du conseil départemental, et se retrouve donc accusé de soustraction, détournement ou destruction de biens d’un dépôt public. Dans ce dossier, le syndicat Unsa et l’association Anticor se sont constitués parties civiles. « On ne peut qu’être frappé par cette capacité pour un élu d’envergure comme monsieur Falco pour utiliser les services d’une collectivité longtemps au vu et au su de tout le monde sans que qui que ce soit ne se pose la question, s’étonne Me Alain-David Pothet, avocat d’Anticor dans cette affaire. Certains disent qu’on embête monsieur Falco pour trois feuilles de salade. Ce n’est pas vrai ! Il avait un frigo qui lui était dédié ! Ça me laisse perplexe de voir comment un homme politique aguerri ne peut pas comprendre pendant des années qu’un tel agissement est anormal. »

Qui a révélé l’affaire ?

La première alerte à la justice est faite le 1er janvier 2019 par la secrétaire générale de l’Unsa au sein du conseil départemental, qui saisit le Parquet national financier sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale, qui oblige tout fonctionnaire ayant connaissance de possibles faits délictueux à les dénoncer.

Le 16 octobre 2019, Le Canard enchaîné révèle l’affaire au grand public dans un article intitulé « Les secrets gelés du frigo d’Hubert Falco. » Deux jours plus tard, dans les colonnes de Var-Matin, l’avocat d’Hubert Falco, Me Thierry Fradet, annonce qu’il va porter plainte pour dénonciation calomnieuse.

Le 26 février 2020, le chef cuisinier du conseil départemental du Var est entendu par les enquêteurs de la brigade financière de Marseille. Il raconte aux enquêteurs le fonctionnement dont il aurait été témoin qui permettait à Hubert Falco de bénéficier d’un maître d’hôtel et d’un cuisinier de la collectivité à son service exclusif. Le 28 février 2020, soit deux jours plus tard, la secrétaire générale de l’Unsa au sein du conseil départemental porte plainte pour menaces de mort réitérées, après avoir reçu des courriers anonymes menaçants.

Le 11 mars 2020, soit moins de quinze jours après avoir été auditionné par les enquêteurs, le chef cuisinier du conseil départemental est retrouvé mort, pendu sur sa terrasse dans les hauteurs de Toulon. Il est vêtu d’un tee-shirt siglé du logo du conseil départemental du Var.

Que disent les prévenus ?

« J’estime que mon client est plus témoin que prévenu dans ce dossier, affirme l’avocat de Marc Giraud, Me Jean-Claude Guidicelli. Je trouve un peu ridicule voire minable et piteux de venir participer à un débat durant lequel on va lui demander : “Monsieur le président, pour quelle raison avez-vous accepté que l’ancien président du conseil départemental vienne se sustenter à la cafétéria du conseil départemental, dont le prix du plateau-repas est de deux euros ?” » Il estimait que c’était une coutume selon laquelle les anciens présidents du conseil général viennent se sustenter. Il n’a fait que faire perdurer une forme de tradition républicaine. Et il est curieux que la coutume se transforme en délit. » Contacté, l’avocat d’Hubert Falco n’a pas donné suite à nos sollicitations