France

Mais pourquoi Aix-en-Provence est-elle la ville la « moins stressante » de France ?

« Aix-en-Provence, la ville la moins stressante de France ? C’est clairement des gens qui n’y habitent pas ! » Depuis son commerce du centre-ville piéton, où il s’est installé il y a une dizaine d’années, Florian, la trentaine, voit plutôt sa ville comme un « mini-Paris », à rebours donc du palmarès 2023 du Figaro classant la cité aixoise comme étant celle où « la nervosité des habitants est la moins mise à l’épreuve ». Cela devant Angers, Nantes et Rennes, et loin devant Marseille, qui arrive en 18e position du classement. « Pourtant tout est speed à Aix, les gens ne sont pas forcément agréables, ils ne passent pas leur vie en terrasse, l’ambiance n’est pas au farniente. Et c’est une ville assez répressive aussi, avec plein de règles partout. Avec le soleil certes… », poursuit Florian.

L’ensoleillement mensuel moyen est l’un des 12 indicateurs retenus par le quotidien. Et sans surprise, Aix-en-Provence se distingue à ce titre des villes du Grand Ouest. Sur la densité de population au km² et la part de surface non artificialisée (autrement dit les parcs et jardins) également, qui lui font gravir les échelons par rapport aux autres villes du panel. Autre élément jouant en sa faveur : les incivilités. Même si elles sont plus nombreuses par exemple qu’à Nice, on compte 9,2 actes de destructions et dégradations volontaires pour 1.000 habitants à Aix, contre 15 actes à Marseille, 10,1 à Angers, 11,8 à Montpellier et 8,1 à Nice. Mécano depuis six ans à Aix, Yacine apprécie cette ville « très calme, où il fait bon vivre car il y a un aspect de sécurité ». « Le centre-ville est piéton, quand on s’assoit boire un coup en terrasse, tu n’es pas dans le bruit des klaxons », ajoute-t-il. Puis : « La tranquillité, ça se paie. »

Trente-cinq heures par an perdues dans les bouchons

« On se sent bien dans ce cœur de ville piéton avec ses fontaines, ses jolies pierres, ses jeunes en terrasse, et qui n’est pas agressif côté incivilités, commente de son côté Sébastien Mathiot, chargé d’action chez AtmoSud pour les Bouches-du-Rhône. Aix est une ville qui a fait un travail pour repousser les voitures plus loin. Il y a moins de bruit, une meilleure qualité de l’air, une dynamique comme ailleurs dans le département qui est à l’amélioration ». « Aix n’est pas un point rouge en matière de qualité de l’air », poursuit-il, quand Marseille par exemple a une source de pollution supplémentaire avec le transport maritime.

Seule la pollution sonore est de toute façon retenue par le quotidien comme facteur de stress. Et au pourcentage de population exposée à plus de 68 décibels, Aix-en-Provence fait jeu égal avec Marseille, soit 9,5 % selon les chiffres du Figaro, qui ne précise pas s’ils sont ou pas à échelle départementale (on retrouve une même similarité sur le taux de traitements psychotropes dans la population, soit 8,7 %, pour Aix, un taux supérieur aux 7,9 % d’Angers par exemple). Quant aux heures perdues par an dans les bouchons, la cité aixoise fait un nouvelle fois moins bien que sa consœur angevine en seconde position, avec trente-cinq heures contre vingt-cinq heures pour Angers (on ne parle pas des 83 heures perdues à Marseille). De fait, mieux vaut éviter aux heures de pointe la D9 vers la zone d’activités ou l’A51 et la N296.

Des yogis et des élèves

« Aix n’est pas une ville stressante si on reste dans l’hypercentre, ce qui concerne une certaine catégorie de population, et si vous avez un boulot, un bon niveau de revenus pour vous loger et pas des horaires de bureaux pour la voiture », commente Jean-Louis Gauvin, vice-président de l’association Devenir, qui réunit d’anciens architectes et paysagistes militant pour un meilleur cadre de vie. Reste que l’image d’Epinal du cours Mirabeau est forte : « Tous les samedis, remarque-t-il, les cars de croisiéristes viennent de Marseille voir le marché d’Aix. C’est ce cadre idyllique et la Sainte-Victoire qui sont mis en avant à chaque fois. » 

Pour les agoraphobes, ce n’est sans doute pas le meilleur jour pour vivre la ville en mode détente. En matière de stress urbain, tout dépend au final du point de vue que l’on adopte, comme le résume Pierrich Plusquellec, codirecteur du Centre d’étude sur le stress humain dans une interview dans La Presse : « A Bali, on ne voit personne se fâcher dans les énormes bouchons de circulation. C’est une question d’attitude. Ce n’est pas ce qui m’arrive qui importe, mais comment je le vis. »

Et si le secret « d’Aix no stress » résidait ainsi dans… le nombre de salles de yoga, et une certaine façon de vivre la ville. De tous les facteurs retenus par le palmarès, c’est en effet celui qui distingue véritablement Aix-en-Provence du quatuor de tête : elle bénéficie de 3,4 salles de yoga pour 1.000 habitants, quand les trois autres villes en comptent moins de deux. 

Responsable de l’association Layama, qui depuis 2009 enseigne le yoga à Aix-en-Provence en pleine nature, sur le site de Bibemus, Gaëlle Devic a vu cette conversion s’opérer. Elle-même a initié nombre de futurs professeurs et un public nombreux en donnant, durant une dizaine d’années, des cours au Décathlon Village de Bouc-Bel-Air : « Je voulais retrouver l’ambiance des grands groupes que j’avais connue en Californie. Les gens sont de plus en plus éduqués au yoga, qui n’est pas seulement des postures mais un art de vivre, une manière de se nourrir, d’interagir. » 

Autant d’indices pour le titre de la ville la moins stressante de France ? Gaëlle Devic sourit… et temporise : « Aix est une ville où il y a de l’argent, une ville bobo par excellence, et avec un accès direct à la nature, donc forcément on est moins stressés ! »