France

Lille : Une prime pour délaisser sa voiture aux heures de pointe, bonne ou mauvaise idée ?

Tenter de désengorger l’autoroute aux heures de pointe. La métropole de Lille va lancer, dès le mois d’avril, une expérimentation visant à récompenser les automobilistes qui acceptent de délaisser leur voiture sur les autoroutes A1 (Paris-Lille) et A23 (Valenciennes-Lille) entre 7h et 9h et entre 16h30 et 18h30. Objectif : modifier les habitudes de déplacement et réduire les embouteillages récurrents aux abords de Lille. Le dispositif sera-t-il efficace ?

Un principe simple : laisser la voiture au garage

Le programme Ecobonus – c’est son nom – fonctionne comme un péage à l’envers. Les automobilistes qui renoncent à utiliser leur véhicule pendant les heures de pointe sont récompensés de 2 euros par trajet évité, soit 4 euros par jour et 80 euros par mois, si le conducteur volontaire est assidu. La métropole de Lille espère recruter 5.000 volontaires pour cette expérimentation qui va débuter en septembre et doit durer neuf mois.

L’idée de ce test est dans les tuyaux depuis 2016, date à laquelle les élus de la Mel ont découvert une expérience similaire menée à Rotterdam, aux Pays-Bas. « Trois mois après la fin du dispositif, plus de 85 % des conducteurs évitaient toujours l’heure de pointe pour se déplacer », souligne la Mel, dans son communiqué de presse.

Selon le site Consoglobe.fr, l’initiative néerlandaise avait permis de réduire le trafic autoroutier de 17 %. « Si on parvient à le réduire de 6 % chez nous, ça suffira à fluidifier la circulation », assure Damien Castelain, président de la Métropole de Lille (Mel). Il est vrai que l’A1 voit passer 12.000 véhicules par heure au plus fort de la circulation.

Qui est concerné par l’expérience ?

La Mel a ratissé au-delà de son territoire pour dénicher les volontaires. Ce sont les habitants d’un rayon passant par Béthune, Lens, Arras, Cambrai et Valenciennes. Les pré-inscriptions se font entre le 3 avril et le 12 mai sur le site internet changercarapporte.fr.

« En mai et juin, nous allons vérifier l’éligibilité des volontaires via des caméras Lapi [lecture automatique des plaques d’immatriculation] installés à trois endroits sur l’A1 et l’A23. Il faut que les automobilistes fréquentent actuellement ces axes aux heures de pointe », explique Damien Castelain.

Les volontaires sélectionnés devront ensuite télécharger une application dédiée et accepter un suivi GPS sur leur téléphone pour vérifier qu’ils ont bien changé leur mode déplacement. « Nous faisons confiance, mais nous allons tout de même effectuer des contrôles », souligne le président de la Mel.

Un dispositif pas si inédit et efficace que ça

Présenté comme inédit en France par la Mel, ce dispositif ne l’est pas tant que ça. En 2017, la ville de Boulogne-Billancourt avait déjà testé le péage positif, qui suivait exactement le même principe. La commune n’avait pas poursuivi l’expérience.

Le groupe écologiste de la Mel dénonce, pour sa part, un projet « cosmétique et illusoire, reposant sur une chimère : l’idée que les personnes, qui se retrouvent dans les embouteillages aux heures de pointe, pourraient faire autrement avec 2 euros par trajet évité. » Selon ces élus, « l’expérience de Rotterdam s’appuyait sur la vidéo pour identifier et contrôler 12.000 participants et atteindre 5.000 trajets évités par jour en moyenne. Le ministère de la Transition écologique note que cette expérience n’est pas faisable en France. Par ailleurs, d’autres expériences s’appuyant sur la géolocalisation ont montré un important risque de fraude ».

Un article de La Tribune, paru en janvier, remettait même en cause l’efficacité de cette mesure d’encouragement. Contrairement à ce qu’affirme la Mel, deux rapports néerlandais, l’un du ministère des Infrastustrures et de l’Environnement et l’autre d’un cabinet indépendant, dressent un bilan très mitigé du dispositif qui a finalement été abandonné après avoir été expérimenté dans différentes villes des Pays-Bas.

Une mesure parmi d’autres

Le dispositif Ecobonus fait partie des expérimentations visant à changer les modes de transport au sein de la métropole de Lille. Son financement s’élève à 11,3 millions d’euros avec des aides de l’Etat et éventuellement de l’Union européenne et de la région Hauts-de-France. Si les objectifs de ce premier test sont atteints, la Mel souhaite renouveler l’expérience en déployant le dispositif sur d’autres axes : l’A25 (Dunkerque-Lille) , l’A22 (Belgique-Lille) et la RN41 (La Bassée-Lille).

Par ailleurs, une autre expérience doit voir le jour en 2023, à l’initiative de l’Etat : la voie réservée au covoiturage. « D’ici à la fin de l’année, voire même d’ici à juillet, la troisième voie de l’A1 sera réservée aux covoitureurs avec une prime de 100 euros cumulable avec l’Ecobonus », annonce Damien Castelain. Pour l’instant, le covoiturage reste une pratique marginale sur le territoire. Les statistiques de la Mel traduisent une moyenne de 1,1 passager par voiture sur le réseau autoroutier. Il y a donc de la marge.