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Le succès du longe-côte, entre marche aquatique « vivifiante » et discipline « parmi les plus physiques »

C’est le premier grand rendez-vous de l’année pour la discipline en France. Ce week-end, plus de 450 participants sont attendus en Loire-Atlantique pour le Festival de longe-côte de La Baule. L’événement, dont la journée de samedi sera consacrée aux qualifications des régions Bretagne, Pays-de-la-Loire et Nouvelle-Aquitaine en vue du championnat de France, sera l’occasion de donner un coup de projecteur à un sport largement méconnu mais qui séduit pourtant chaque année de plus en plus d’adeptes.

« Il y a un vrai engouement, que ce soit pour la compétition ou le simple loisir, confirme Patrick Pouget, conseiller technique national à la fédération de randonnée. On recense un peu plus de 8.000 licenciés en France dans près de 140 clubs. Ça augmente en permanence. Il y a des nouveaux clubs qui se créent tous les ans, y compris loin du littoral. Et on ne compte pas les pratiquants non licenciés probablement beaucoup plus nombreux. »

A l’international, aussi, le longe-côte (dites plutôt aqua walking) a la cote. Mais de quoi parle-t-on au juste ? De ces seniors que l’on voit déambuler dans l’eau, en parallèle de la plage, en agitant gentiment les bras ? Ou de ces marcheurs affûtés et déterminés dont le haut du corps semble briser la houle ? Et bien les deux à la fois ! « Le longe-côte, c’est de la marche aquatique avec deux règles incontournables. La première c’est que le niveau d’eau doit se situer impérativement entre le nombril et la poitrine. La seconde c’est qu’il est interdit de courir : on avance avec toujours un pied posé », explique Patrick Pouget.

Romain Leray, à la fois président du club de La Baule, coach de longeurs et ancien champion de France, y apporte une nuance supplémentaire. « Il faut mettre de l’intensité, avoir envie de se dépasser. Ce n’est pas de la balade les pieds dans l’eau. On lutte contre cette image. Cette confusion participe à une représentation déformée de notre sport. »

« Tous les ans des accidents, même mortels »

A l’origine, lorsqu’elle a été inventée en 2005 du côté de Dunkerque, le longe-côte était effectivement une méthode de musculation conçue spécifiquement pour l’entraînement des rameurs. Mais sa « convivialité » (on marche en groupe) et ses bienfaits « vivifiants » en ont rapidement fait une discipline populaire auprès des fans de randonnée et de baignade, en particulier les plus âgés. « Aujourd’hui encore, la majorité des pratiquants ont plus de 50 ans, admet le conseiller technique national. Mais le développement de la compétition depuis près de dix ans permet d’attirer un nouveau public, plus jeune, plus sportif. On a, par exemple, beaucoup de triathlètes ou trailers qui passent au longe-côte. »

Il faut dire que la discipline ne manque pas d’atouts. « Ce n’est pas cher puisqu’il suffit de chaussons ou chaussures et éventuellement d’une combinaison s’il fait froid. C’est très peu impactant pour l’environnement. Et, surtout, c’est excellent pour la santé », résume Romain Leray. « Elle permet un renforcement musculaire et cardiovasculaire sans traumatisme articulaire, notamment le dos. Elle favorise la circulation sanguine et améliore l’équilibre et l’endurance », précise Patrick Pouget. « Le contact avec l’eau, les vagues, le vent, ça vide la tête. C’est épuisant et à la fois très relaxant », complète Virgnie, 48 ans, qui pratique régulièrement en Vendée.

Le plaisir ferait presque oublier le danger, réel pour les personnes isolées. « Il y a tous les ans des accidents, même mortels. C’est pour cela qu’il est impératif de faire des sorties encadrées sur des plages référencées. La fédération en a homologué près de 200. Il ne faut pas qu’il y ait un fort dévers, pas d’obstacle, pas de vase. L’idéal est un fond sableux régulier. Il ne faut pas pratiquer en cas d’orage. Et, bien sûr, faire très attention aux courants. En Atlantique, il y a beaucoup de sites dangereux, surtout en Nouvelle-Aquitaine. » Le risque d’hypothermie est aussi à prendre en compte en hiver, ajoute le coach de La Baule, qui, lui, limite les sorties à une durée de 45 minutes.

« Les chronos explosent presque chaque année »

Côté technique, une fois le bassin immergé (on le rappelle, c’est obligatoire), il est nécessaire d’ajuster la hauteur d’eau afin qu’elle soit la plus basse possible. « Plus l’eau est haute, plus c’est difficile. La résistance hydrique est sept fois plus importante que celle de l’air. C’est probablement l’une des activités les plus physiques qui existent », estime Romain Leray. Le plus gros du travail est effectué par les jambes. Les bras s’emploient, eux, à effectuer un mouvement de crawl. « Contrairement à la course à pied, les gros gabarits sont avantagés, ils résistent mieux au courant », observe le coach baulois. Certains usent aussi d’outils de propulsion (pagaies, gants palmés, plaquettes). « Ça n’a pas vraiment d’incidence sur les performances, estime Patrick Pouget. En compétition leur usage est limité essentiellement pour des raisons de lisibilité. Les spectateurs ne comprenaient pas pourquoi certains longeurs avançaient à mains nues et d’autres avec une pagaie. »

Lors des championnats de France de longe-côte 2022 à Sangatte (Pas-de-Calais).
Lors des championnats de France de longe-côte 2022 à Sangatte (Pas-de-Calais). – J.Leleu/FFR

La compétition, certains ne jurent que par elle. Notamment dans la catégorie reine, celle des 18-39 ans. Un peu comme en athlé, les concurrents s’affrontent sur des parcours chronométrés de sprint (50 m, 200 m) ou de fond (400 m, 1000 m). « Les chronos explosent presque chaque année, c’est impressionnant, constate le conseiller technique national. Et depuis la création d’une équipe de France l’année dernière, le niveau a encore grimpé. Certains amateurs demandent d’ailleurs à créer une catégorie « experts » ou « professionnels » pour équilibrer les chances. Mais il n’y a pas de professionnels en longe-côte. Pour l’instant, la fédé préfère des catégories d’âge. »

Les clubs méditerranéens trustent jusqu’à présent les meilleurs résultats. Mais le champion français, Benjamin Farcinade, est licencié en Loire-Atlantique. Bien préparée, mieux structurée aussi que les pays voisins pour lesquels le longe-côte est une pratique encore plus émergente, la France a d’ailleurs raflé la plupart des médailles du premier championnat d’Europe, en septembre dernier, en Espagne.

Avant de rêver à un possible avenir olympique ? « C’est juste un rêve, on en est loin, considère Patrick Pouget. Il faudrait d’abord toucher un plus large public et les médias. Il faut qu’on modifie nos épreuves pour les rendre plus visuelles, qu’elles puissent passer à la télé. On commence à le faire en instaurant des éliminations. On verra mieux les compétiteurs et il y aura plus de suspense. Et puis est-ce qu’on doit forcément devenir un sport de haut niveau ? Est-ce qu’on laisserait autant de place aux loisirs et aux seniors si c’était le cas ? Je n’ai pas la réponse. » Le prochain championnat de France se déroulera les 3 et 4 juin en Gironde, au lac de Carcans-Maubuisson. Car, oui, dans sa volonté de démocratisation, le longe-côte s’ouvre désormais aussi au milieu lacustre. Quitte à faire tiquer un peu les puristes.