France

« La demande est phénoménale »… Les récupérateurs d’eau de pluie, une arme contre la sécheresse

Il avait démarré modestement il y a une vingtaine d’années en découpant une vieille cuve de plastique, qu’il avait placée sous la gouttière de la maison. Une petite réserve d’à peine 200 L d’eau, qui lui servait à arroser les fleurs et les plantes en pot. « C’était trop juste pour le potager. » Depuis, Michel a progressivement augmenté sa capacité de stockage, en récupérant deux cuves de 1.000 L chacune, avant de transformer son ancienne fosse septique en une réserve de 3.000 L cachée sous la terre. Avec quelques vieux tuyaux percés, il s’est aussi fabriqué un goutte-à-goutte, qu’il enfouit sous terre lorsqu’il fait ses semis de haricots. 

Tout est alimenté à l’eau de pluie collectée sur le toit de sa maison. Grâce à ses réserves hivernales, cet habitant de Saint-André-des-Eaux (Loire-Atlantique) ne sort plus une goutte d’eau potable pour arroser son jardin ou son potager de 150 m². « Avant, j’arrosais déjà le moins possible mais il pleuvait davantage. Aujourd’hui, c’est plus chaud, plus sec. Mais il me suffit d’une bonne pluie d’orage pour tout remplir », confie le jeune retraité.

Comme lui, de nombreux Français se sont équipés pour récupérer l’eau de pluie, bien souvent pour arroser leur jardin. Ces deux dernières années, le recours à ces cuves de plastique s’est largement accentué, sous l’effet de la canicule et des inquiétantes sécheresses qui ont frappé notre pays. « La demande est phénoménale depuis un an, et c’est tant mieux. Récupérer ses eaux de pluie, c’est juste une pratique de bon sens, les gens se la réapproprient parce qu’ils voient qu’il pleut différemment. Ils veulent être plus indépendants, gagner en autonomie », constate Thomas Contentin, directeur de la société Aquality et président des Industriels français de l’eau de pluie (Ifep).

Le niveau anormalement bas des cours d’eau et des nappes en 2022 avait contraint la quasi-totalité des départements à interdire l’arrosage des jardins l’été dernier. Face à ce constat, les collectivités sont de plus en plus nombreuses à inciter leurs habitants à s’équiper en récupérateur d’eau de pluie. Nantes vient par exemple d’annoncer une aide de 50 €, valable à partir de septembre. La collectivité Eau du bassin rennais proposera quant à elle un chèque de 25 € et une remise de 10 % dans la plupart des enseignes de jardinage à partir de jeudi 6 avril. « Selon nos estimations, 10 à 15 % de l’eau potable que nous distribuons est utilisée au jardin. On voit que la marge de progrès est importante », détaille Ludovic Brossard, vice-président de la collectivité.

Faut-il craindre une pénurie de matériel ?

Si le coût des cuves de plastique a augmenté ces dernières années, leur achat reste rapidement rentable pour les particuliers, au point d’en faire un produit de plus en plus recherché. Faut-il s’inquiéter d’une pénurie avec la multiplication des politiques incitatives des collectivités ? « Il n’y a aucun risque. Les industriels des métiers du plastique sont prêts », assure Thomas Contentin.

Mais y a-t-il un risque pour la ressource à généraliser ces installations, qui interceptent une partie des précipitations ? « Non, car la surface de captation est finalement très faible. C’est même vertueux. On intercepte l’eau au moment où elle tombe naturellement avant qu’elle ne soit souillée sur les trottoirs et les routes et qu’il faille la traiter. Dans la plupart des métropoles françaises, les eaux pluviales sont mélangées aux eaux usées. Pendant les orages, elles viennent saturer les stations d’épuration », assure le président de l’Ifep. « Au contraire, on capte l’eau pour la stocker et la reverser dans le milieu quand il en aura besoin », enchaîne Ludovic Brossard.

« Aucune comparaison possible » avec les bassines

Faut-il y faire un parallèle avec les bassines qui font tant débat ? « Il n’y a aucune comparaison possible. Les volumes dont nous parlons sont très faibles. Et ils ne sont pas pompés dans les rivières », poursuit l’élu rennais.

Si l’utilisation de l’eau de pluie est largement répandue pour l’arrosage des jardins, elle l’est beaucoup moins à l’intérieur des maisons. Les professionnels du secteur espèrent que les propos récents d’Emmanuel Macron sur la réutilisation des eaux usées permettront de faire avancer la question. « On peut tout à fait utiliser les eaux de pluie pour les toilettes ou la machine à laver. Pour un foyer moyen, on parle d’une centaine de litres d’eau par jour, et tous les jours. C’est considérable. On a longtemps été habitués à tourner un robinet sans chercher à savoir d’où venait l’eau et où elle repartait. Au regard des enjeux à venir, on doit changer nos pratiques, aller plus loin », prévient Thomas Contentin. Ce dernier assure qu’un système de récupération d’eau de pluie pour les toilettes se fait « très facilement » dans une construction neuve. « Il faut simplement prévoir un deuxième réseau pour ne pas qu’ils se mélangent ». Tout en reconnaissant que pour l’ancien, « c’est plus compliqué ».