France

Inflation : « Les hyper et supermarchés ont su renouer avec une partie de la clientèle »

15,8 % en un an. C’est la hausse constatée par l’Insee, entre mars 2022 et mars 2023, sur les prix des denrées alimentaires. L’explication tient en un mot : l’inflation. Mais comme dans n’importe quelle crise, certains acteurs tirent leur épingle du jeu, à commencer par la grande distribution. Le secteur, ébranlé par la baisse de la fréquentation pendant la crise du Covid-19, a multiplié les initiatives pour le pouvoir d’achat, notamment avec le trimestre anti-inflation. L’opération, à l’initiative du gouvernement, permet de bloquer les prix sur certains produits alimentaires. Retour sur ce regain d’activité avec Franck Lehuédé, spécialiste consommation au Crédoc, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie.

Avec le Covid, les consommateurs boudaient les supermarchés. Comment expliquer leur retour en grâce ?

Par les tarifs qui y sont pratiqués dans ce contexte de crise économique. Outre le blocage des prix de certains produits avec le trimestre anti-inflation, il y a régulièrement des opérations de promotion et des réductions proposées par le système des cartes de fidélité. Les hyper et super ont également été capables de trouver des prix discount et ils ont l’avantage d’avoir des gammes larges en matière de prix. On peut y trouver des produits de marques nationales, généralement plus chers et des produits de premiers prix. Cela va attirer plus de consommateurs, car ils vont pouvoir choisir des produits en fonction de leurs moyens. Ils ont su renouer avec une partie de la clientèle qui les fréquentait moins régulièrement.

Quelles sont les stratégies mises en place pour faire baisser les prix ?

Les grandes enseignes réduisent au maximum les coûts de gestion interne au sein de l’entreprise pour que l’écart entre le prix acheté et le prix vendu soit le plus faible. On retrouve aussi ces stratégies par les produits d’appel, notamment avec le carburant. Ces stations-essence sont souvent les moins chères du quartier.

Cette augmentation de la fréquentation dans les hyper et supermarchés, se fait-elle au détriment des commerces de proximité ?

Après des années très fastes pendant la pandémie, la fréquentation des commerces de proximité a un peu baissé en 2022. Au moment de la pandémie, une partie des consommateurs ont redécouvert ces commerces du coin de la rue par peur de se rendre dans des hypermarchés. Mais ils ont aujourd’hui un budget restreint et ils s’y rendent moins souvent. Sur l’année 2023, cependant, la fréquentation est restée stable et, surtout, elle toujours au-dessus du niveau d’avant la crise sanitaire.

Les consommateurs s’orientent de plus en plus vers le discount. Comment expliquez-vous ce changement ?

Ce changement s’explique par le pouvoir d’achat. Les consommateurs se sont demandé comment réagir face à une telle inflation. On n’avait pas connu un tel choc depuis les années 70. Le positionnement prix des commerces indépendants est plus élevé que celui des hyper et super. C’est pourquoi le modèle des hard-discount, des solderies alimentaires comme Action et les magasins anti-gaspi connaissent un grand succès auprès des consommateurs.

Biocoop, placé en redressement judiciaire depuis le 26 octobre dernier, a déjà fermé 4 de ces magasins. Est-ce la fin, selon vous, des supermarchés bio ?

Les commerces d’alimentation spécialisés ne vont pas mal mais on est sur une dimension spécifique au bio. Ce secteur a eu le vent en poupe jusqu’à 2018. Ce n’est pas qu’une question de prix. A partir de 2019, les consommateurs ont mis dans la balance la promesse environnementale, les bienfaits de ces aliments pour la santé. Mais la concurrence des produits locaux, en circuit court ou de fabrication régionale, qu’on a vu se diffuser dans les hyper et super, a amené à faire baisser la consommation dans les magasins bio.

Est-ce que la position dominante des hypermarchés va durer ?

Tant qu’il y aura de l’inflation, je pense qu’il y aura toujours une primauté donnée aux hyper, super et au hard-discount. Mais on ne peut pas savoir si une autre crise économique ou sanitaire bousculera ce modèle.