France

« Ils cherchent à faire du bruit »… Secoué en Alsace, Macron constate la fracture mais veut tracer sa route

De notre envoyée spéciale à Muttersholtz et Sélestat (Bas-Rhin)

Au jour 2 des « 100 jours » d’apaisement et d’unité annoncés dans son allocution lundi soir, Emmanuel Macron est arrivé dans le Bas-Rhin en constatant que la situation est, au contraire, plutôt tendue et divisée. Le programme de ce mercredi avait tout pour illustrer le chantier du « travail » – lui aussi engagé lundi soir – dans une usine de construction en bois de Muttersholtz, Mathis. L’entreprise familiale participe notamment à la construction du centre aquatique de Saint-Denis pour les Jeux olympiques et paralympiques. « Ces Jeux, que nous sommes si fiers d’accueillir, font travailler tout le pays ! », s’enthousiasme le président.

Enthousiastes, les manifestants et manifestantes près de l’usine le sont moins : « Pas de retrait, pas de JO », peut-on lire sur des pancartes non loin de l’entrée. Dès le matin, ils étaient plusieurs dizaines, syndicalistes, « gilets jaunes » ou non, venus avec les désormais inévitables casseroles. Il y en a d’autres pour le huer très fort et crier « Macron démission » devant la mairie de Sélestat, quelques heures et kilomètres plus loin. Pas inédit, mais impressionnant. « Ça s’appelle un comité d’accueil », relativise l’Elysée, pour qui ce type d’événement était de toute façon écrit. « Ce n’est pas une région spécialement apaisée », assure même un proche de l’Elysée, à deux doigts de nous décrire une Alsace rouge dans une circonscription où la Nupes a fait 16 % aux législatives.

Moins bravache au fil de la journée

Il y a bien quelques soutiens du président, mais Emmanuel Macron prend la marée lors de ce court bain de foule. « J’ai 34 ans, je suis vraiment inquiète. On vous demande une seule chose : un signe d’apaisement. Et là, on ne le voit pas », lui dit vertement une syndicaliste, parée du foulard bleu de l’Unsa, connu pour être modéré et réformiste. « On n’a jamais eu un gouvernement aussi corrompu », « Ce n’est pas une démocratie, monsieur Macron ». Ce ne sont que de petits extraits de ce que reçoit le président.

Plus tôt dans l’après-midi donc, son petit mot aux salariés terminé, le chef de l’Etat s’approche des journalistes. Regards interloqués : « C’est avec nous qu’il fait le bain de foule ? » Il n’y a pas de « micro tendu » prévu à ce moment-là, et cette façon de saluer un à un les journalistes présents est pour le moins inhabituelle : Emmanuel Macron a clairement envie de parler. Interrogé sur les manifestants qui l’attendent et qu’il entend en entrant dans l’usine, le président dégoupille une formule dont il a le secret : « C’est pas les casseroles qui feront avancer la France. On peut relancer massivement l’industrie de casseroles aussi… On produit pas assez ! »

L’industrie de la casserole

Plus tôt dans l’après-midi donc, son petit mot aux salariés terminé, le chef de l’Etat s’approche des journalistes. Regards interloqués : « C’est avec nous qu’il fait le bain de foule ? » Il n’y a pas de « micro tendu » avec le président prévu à ce moment-là, et cette façon de saluer un à un les journalistes est pour le moins inhabituelle : Emmanuel Macron a clairement envie de parler. Interrogé sur les manifestants qui l’attendent et qu’il entend en entrant dans l’usine, le président dégoupille une formule dont il a le secret : « C’est pas les casseroles qui feront avancer la France. On peut relancer massivement l’industrie de casseroles aussi… On produit pas assez ! »

Peut-être que les manifestants et manifestantes veulent vous parler ? « Non, je ne crois pas qu’ils cherchent à parler, ils cherchent à faire du bruit. Si on est dans une société où on n’écoute que les gens qui font du bruit, on ne s’en sort pas ! (…) On peut convaincre des gens qui vous écoutent, pas des gens qui ne vous écoutent pas. » Dans cette réponse, « le bruit » ferait presque écho à « la foule », mot qu’Emmanuel Macron avait utilisé pour décrire les manifestants contre la réforme des retraites devant des élus de la majorité à l’Elysée, le 21 mars.

« J’ai vu bien pire »

Il faut peut-être plus comprendre quelque chose comme : « je suis du côté de la majorité silencieuse », comme quand il dit « la réalité de tout le pays, ce n’est pas seulement ceux qui font du bruit avec des casseroles ou qui râlent ». Emmanuel Macron trace donc sa route, la contestation étant reléguée au statut de péripétie : « J’ai vu bien pire », dit-il l’air serein aux journalistes, après le bain de foule de Sélestat, sans doute en référence aux « gilets jaunes ». Qu’on se le dise : le chef de l’Etat va continuer à traverser le pays : il a d’ailleurs rendez-vous dès jeudi dans l’Hérault sur le sujet de l’éducation, autre chantier annoncé lundi soir sur « le progrès ».

« Je le serai par beau temps et par temps de pluie, annonce le président avant de quitter l’Alsace. S’il pouvait y avoir quelques jours de beau temps, ça ne me déplairait pas. Mais s’il doit y avoir beaucoup de pluie et beaucoup de vent, je le ferai quand même. » Sauf que, si le temps est ainsi à Sélestat, qui a voté Macron à 60 % il y a un an, comment sera-t-il demain jeudi à Ganges, qui a voté Le Pen à 51 % ?