France

Grève du 15 mars : Malgré les poubelles et les manifs, les touristes saluent le « charme français de la rébellion »

Ils ont voulu voir la France et ils ont vu la France… On ne sait pas si en 2023, Jacques Brel aurait revu les paroles de sa chanson, mais il faut admettre que les touristes étrangers, venus visiter la ville la plus romantique du monde, ont été servis en ce mercredi 15 mars 2023.

Entre les poubelles qui dégueulent de tous les trottoirs de la « Ville Lumière » et la manifestation contre la réforme des retraites qui coupait la capitale en deux, limitant les visiteurs dans leurs trajets, on se doutait que la carte postale allait se révéler moins idyllique que prévu. Hors catastrophe, il n’existait pas pire journée pour visiter Paris. Alors à 20 Minutes, nous avons sillonné les lieux touristiques pour savoir ce que les touristes étrangers vivaient vraiment en cette période trouble.

« Paris reste Paris »

« Si on enlève l’odeur, c’est supportable. » Hilares, Kerstin et Markus résument parfaitement ce que la grande majorité des visiteurs de la capitale flairent. Tous deux originaires de la banlieue d’Innsbruck en Autriche, ils viennent pour la première fois à Paris : « On est ensemble depuis deux ans et nous n’avions jamais fait de vrai voyage jusqu’ici. C’est une première lune de miel. »

Les poubelles omniprésentes dans chaque rue, ça ne les surprend pas. Prévenus par leur hôtel de la situation avant leur arrivée, ils se sont vus proposer un report de leur voyage, qu’ils ont refusé : « Le coût était trop cher et puis Paris reste Paris. » Pourtant, le choc a été rude dimanche dernier : « Les infos en Autriche parlent de la grève ici, mais quand on le voit en vrai, c’est plus impressionnant. » Tant pis, déterminés à profiter, ils restent dans leur bulle : « La Tour Eiffel est assez haute pour qu’on ne voit pas les poubelles sur les photos et assez belle pour faire oublier le reste. »

« On sait pourquoi c’est si sale »

Une philosophie adoptée par la majorité des touristes en cette « journée en enfer » à Paris. Pas de Bruce Willis ici pour sauver la situation alors Marcio, Mauro et Ronald, trois amis brésiliens en « road trip » en Europe depuis trois semaines : « Nous savions qu’il y avait des mouvements ici, sans trop savoir ce qu’il se passait. Maintenant sur place, on comprend mieux. » Pas échaudés pour un sou, ils sillonnent la ville en omettant les détritus : « On sait pourquoi c’est si sale. C’est épisodique, pas de chance. Mais ça ne nous empêchera pas de profiter. »

Les Champs-Elysées, bien qu'épargnés par l'amoncellement de déchets gardent quelques traces de la situation.
Les Champs-Elysées, bien qu’épargnés par l’amoncellement de déchets gardent quelques traces de la situation. – R.Le Dourneuf / 20 Minutes

Comme eux, la plupart des touristes ne peuvent ignorer la tâche sur le séjour. Mais une fois sur place, pas question de laisser échapper l’occasion. « Le côté hygiénique laisse à désirer parfois. Mais les lieux touristiques comme la Tour Eiffel ou les Champs Élysées restent propres. Alors on fait avec » commentent, pas découragés, Uma et Ted. Tous deux de Chicago, ils sont venus visiter leur fille, Laura, étudiante en musique à Paris. « C’est un mélange entre Emily in Paris et Ratatouille, sauf que Ratatouille fait les poubelles plutôt que la cuisine », s’esclaffe Uma.

Des quartiers « inexploitables » pour Instagram

Tout le monde n’est pas si positif sur la situation à Paris. Certains pour le panorama, comme Avara qui regrette que l’image poétique de la capitale soit gâchée. Adepte d’Instagram, cette Indienne peste au sujet de certaines rues de Paris indisposées aux clichés à cause des poubelles. Heureusement pour cette grande rousse, la rue de l’Université reste aussi immaculée que sa vue sur la Tour Eiffel : « Mais certains quartiers magnifiques sont inexploitables à cause des déchets. »

Une situation que d’autres prennent avec philosophie. Julianne, une Irlandaise venue avec son mari et ses deux enfants, profite des Champs Élysées, à peine touchés par la grève des éboueurs : « Ça pourrait être problématique. Mais en même temps, c’est” so french” de faire la grève qu’on pourrait croire que ça fait partie des visites », s’esclaffe-t-elle. Plus sérieusement, elle pose le pour et le contre.

Pourquoi pas se joindre à la manifestation ?

Un peu déçue de l’image qu’elle montre de Paris à ses enfants, elle en profite pour leur expliquer la raison de ce carnage : « Les Français se battent pour leur droit. On les caricature pour ça. Mais ce sont eux qui ont raison. Ils ont la rébellion dans le sang, et on devrait s’en inspirer plus souvent parce qu’ils ne se laissent pas faire. C’est l’occasion d’expliquer à nos enfants que si les poubelles sont là, c’est parce que des gens les ramassent tous les jours. Et qu’aujourd’hui ils disent que leur métier est trop dur. »

A peine ces paroles prononcées qu’elle s’interroge sur la pertinence d’aller voir la manifestation du jour : « Ça semble un peu violent parfois, mais notre logeur AirBnb nous a dit que ça ne craignait rien tant qu’on n’allait pas à la fin. »

Vue de la Tour Eiffel depuis les quais de Seine, Paris le 15 mars 2023
Vue de la Tour Eiffel depuis les quais de Seine, Paris le 15 mars 2023 – R.Le Dourneuf / 20 Minutes

Avertis, ils y retrouveront peut-être Ambrozy et Weronika, deux Polonais, la vingtaine qui tombent par hasard sur le début de la manifestation devant les Invalides : « On est venu en touristes voir le bâtiment et on a vu toute cette agitation. Des policiers de partout, des gens avec des drapeaux, de la musique. On a décidé de pique-niquer ici pour regarder un peu. » Peu coutumiers des manifestations, ils sont impressionnés de l’organisation et de la foule qui se draine sur la place : « On voit toujours les images de violences, mais là, on a plus l’impression d’arriver à Sziget », s’amuse Ambrozy.

« C’est aussi le charme des Français »

Emballés par les drapeaux, l’ambiance et la musique, ils sont à deux doigts de se joindre au cortège : « Nous n’avons que trois jours à Paris, donc on ne sait pas encore. Mais c’est tentant. Pour les manifestations, les Français sont les rois et c’est légitime de défendre ses droits. »

Pour Sofia et Martin, deux étudiants anglais en Erasmus à Nice et Grenoble, pas de doute, ils seront de la procession : « Nous sommes venus rendre visite à un ami français qui était dans notre université l’année dernière. Et nous avons décidé de manifester », explique Sofia. Sa deuxième manifestation après une première contre le Brexit pendant son adolescence : « C’est aussi le charme des Français d’être capable de retourner le pays pour ce genre de chose. En Angleterre, nous avons une grande tradition de lutte syndicale. Mais ça s’est éteint depuis quelques décennies. Alors on vient prendre des cours », sourit-elle. Des cours au milieu des poubelles, c’est aussi cela le « french flair ».