France

Eurovision 2023 : Marco Mengoni, la star italienne qui voudrait finir septième

De notre envoyé spécial à Liverpool (Royaume-Uni)

S’il y a un candidat de l’Eurovision 2023 qui ne se fait pas de bile, c’est assurément Marco Mengoni. L’Italien est une star dans son pays où il a collecté soixante et onze disques de platine en même pas quinze ans de carrière. Le passage par Liverpool cette semaine pour le concours de chansons n’est qu’un apéritif avant la tournée des stades transalpins à guichets fermés qui l’attend cet été. Et puis, l’Eurovision, il connaît déjà. Il a représenté son pays il y a pile dix ans. En chantant L’Essenziale, il avait fini septième. « Sept est un nombre qui me porte chance, j’aimerais bien finir à nouveau à cette place-là », affirmait-il à 20 Minutes fin avril à Paris, quelques heures avant son concert à La Cigale.

Après cette confidence, il nous signalait que son staff, dans notre dos, ouvrait de grands yeux. Comme s’il avait énoncé une énormité en ne s’imaginant pas au sommet. « La victoire ne m’intéresse pas. Ce que je veux, c’est bien faire et être satisfait de ma prestation », insistait-il. Marco Mengoni est tout de même conscient des attentes de l’autre côté des Alpes : « Lors de ma première participation, l’Eurovision n’était pas très suivi en Italie. Mais, depuis quelques années, les gens se mettent à faire des fêtes à la maison pour le regarder, ce regain d’intérêt me fait plaisir. »

La victoire du groupe Maneskin en 2021 a en effet contribué à raviver cette flamme auprès du public. Elle a aussi montré aux artistes transalpins qu’elle était un précieux tremplin pour élargir leur audience à l’international. Cette ambition, Marco Mengoni la garde dans un coin de la tête, en nous assurant qu’il aimerait reprendre des cours de français pour chanter dans notre langue et même qu’il se verrait bien faire un duo avec Aya Nakamura. En attendant, il bénéficie d’une certaine notoriété au-delà des frontières italiennes. Sa mini-tournée européenne des dernières semaines, passée par Paris, Bruxelles, Francfort et Zurich, affichait complet à chaque fois, emballant un public composé en grande partie de compatriotes expatriés et de fans d’ailleurs conquis lors sa première participation à l’Eurovision. Cet automne, il sera de retour dans la capitale française pour un concert au Zénith, le 25 octobre.

« J’utilise la musique pour moins souffrir »

Quand on lui demande de quelle manière il se présenterait à quelqu’un qui ne le connaîtrait pas, il laisse s’installer un long silence. Il trouve l’exercice « difficile ». On lui suggère de parler de son rapport à la musique. Il rebondit : « Je ne sais pas si je commencerais par là. La musique est ma passion, mais plus sûrement un moyen qui me permet de me libérer et de panser mes blessures. Je l’utilise pour moins souffrir. »

Depuis qu’il a remporté le télécrochet italien X Factor en 2009, ses fans connaissent son tempérament torturé, angoissé, tourmenté. Ancien obèse, il a révélé souffrir de dysmorphophobie et avoir du mal à accepter qu’on le qualifie de beau gosse. Il manque cruellement de confiance en lui. « C’est une de mes caractéristiques, cela fait partie de moi, assume-t-il. C’est une force qui m’aide à mieux ressentir ce qui m’entoure et une faiblesse quand je n’arrive pas à la gérer. Aux yeux des autres, elle peut sembler être une faille. »

Il n’est pas non plus à l’aise avec le statut de star. « Je me répète toujours : « Je suis Marco Mengoni, je viens de Ronciglione, un petit village près de Rome. J’ai été élevé par mon grand-père », poursuit-il. J’ai des amis qui font des boulots différents du mien, cela me rattache à la normalité, même si je n’aime pas ce mot. »

Sept ans de psychothérapie

Ses sept albums studios ont tous atteint au moins la deuxième place des meilleures ventes en Italie. En trois participations au Festival de Sanremo, le mythique rendez-vous de la chanson italienne, son palmarès se compose d’une troisième place et deux victoires, dont la dernière en février dernier, qui lui vaut de participer à l’Eurovision. A-t-il peur de l’échec ? « Je crois en avoir déjà connu dans ma carrière. J’ai parfois sorti des disques et cela ne s’est pas passé comme je l’espérais. J’ai souvent eu du mal à dire non à des choses qui m’ont mené à la frustration. Sur certains morceaux, je n’ai pas réussi à transmettre le message que je voulais faire passer au public », énumère-t-il.

Marco Mengoni se réfugie régulièrement dans la méditation et l’introspection. Il y a sept ans, « après un moment difficile », il a entamé une psychothérapie. Il y a deux ans, il a repris des cours à l’université, en psychologie. « Tout ce qui concerne les rêves me passionne. Le jour, notre esprit contrôle nos pensées en cherchant à nous faire le moins souffrir possible, en nous cachant les choses qui nous font le plus mal, alors que la nuit, l’inconscient fait tout ressortir, explique-t-il. J’ai souvent bataillé avec cela et parfois pas, parce que c’est là que se révèlent certaines vérités. »

C’est cette « relation » intime qu’il a voulu décrire dans Due Vite, la chanson qu’il interprétera à l’Eurovision et qui est déjà un carton couronné de platine dans son pays. Cette ballade typiquement italienne semble parler d’une relation amoureuse mais il faut plutôt l’entendre comme un dialogue entre l’artiste et son inconscient. « Si cette chanson est la toute dernière est qu’ensuite la lune explose, je serais là pour te dire que tu fais erreur, que tu te trompes et tu le sais, la musique n’arrive pas jusqu’ici. (…) Toutes les fuites, les gifles, les erreurs que tu commets quand quelque chose te secoue. Je sais bien que tu ne dors, dors, dors, dors, dors jamais », chante-t-il ainsi dans le refrain qu’il entonnera à Liverpool, samedi. Sans se faire trop de bile. Ou presque. « Cela ne peut jamais être « trop facile » de participer à l’Eurovision. C’est une épreuve où on est parfois contre soi-même. Cette fois-ci, pour moi, je dirais que c’est excitant. »