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« Bardot » : Comment la minisérie raconte la naissance de l’icône « BB » ?

Et la télé recréa Bardot ! Au fil de six épisodes de 52 minutes, Bardot, minisérie coécrite et coréalisée par Danièle Thompson et Christopher Thompson, diffusée ce lundi à 21h10 sur France 2, retrace l’ascension de Brigitte Bardot (Julia de Nunez) de ses débuts à 15 ans en 1949 jusqu’à la naissance de son fils en 1960. De son éducation rigoureuse à sa rencontre avec Henri-Georges Clouzot pour La Vérité en passant par le scandaleux Et Dieu… créa la femme, ce biopic permet de découvrir comment Brigitte Bardot est devenue l’iconique « BB ».

« Quand j’ai fini Sous le soleil à Saint-Tropez, je me suis dit : “Je veux raconter Bardot”, parce que c’est toute l’histoire du cinéma et celle d’une des femmes qui a le plus marqué », raconte le coproducteur Pascal Breton, que 20 Minutes a rencontré lors d’une table ronde organisée par France Télévisions.

« Les Grandes Manœuvres »

« Ce qui nous intéressait, c’était de nous pencher sur la naissance de l’icône BB, de réfléchir à la genèse de ce mythe, de connaître la femme et la jeune fille derrière. On s’est demandé : “Qui était cette jeune fille ? Et comment est-elle devenue ce phénomène ? Et qu’est-ce que cela fait pour une jeune fille de devenir une superstar ?” », explique la coproductrice Judith Rochelois.

Le duo de producteurs fait alors appel à Danièle Thompson et Christopher Thompson : « Avant d’accepter, on s’est plongé dans la documentation monumentale de l’époque et on s’est dit qu’il y avait quelque chose de passionnant à raconter », explique Danièle Thompson.

« Brigitte est au courant du projet. Elle a échangé avec Danièle et Christopher et a exprimé toute sa confiance à l’égard du projet, tout en exprimant le souhait de rester loin de tout cela, tranquille », ajoute la coproductrice Judith Rochelois.

« Cette sacrée gamine »

« Tu ne ressembles pas encore à une vedette de cinéma ma pauvre chérie », lâche Anne-Marie Bardot, la mère de Brigitte, à l’adolescente alors qu’elle se prépare pour un rendez-vous avec « Monsieur Allégret ». Cette réplique résume à elle seule l’éducation rigoureuse et le milieu de la haute bourgeoisie dont Brigitte Bardot est issue.  « Cette mère amène sa fille à tous les castings tout en lui disant à quel point elle n’est pas du tout prête, ingrate et pas assez intelligente. Leurs rapports sont très compliqués », s’amuse Géraldine Pailhas, qui prête ses traits à Anne-Marie Bardot, la sévère mère de la future star.

« Vous les barbez, maman », lance la fausse ingénue dans le bureau du réalisateur, qui la reçoit en présence de son assistant, un certain Roger Vadim (Victor Belmondo), qui allait devenir son premier amour et son premier époux. « Il avait une apparente insouciance et avait cette philosophie de sourire à la vie quoiqu’il arrive », salue Victor Belmondo.

« Ce qui nous a plu, c’est le regard de Danièle et de Christopher sur ce personnage et plus encore, en tant que service public, sur une époque, c’est en creux le portrait d’une époque qui finit et celui d’une époque qui commence », souligne Morad Koufane, directeur délégué des séries internationales du groupe France Télévisions.

« La Bride sur le cou »

« On voulait aussi parler de cette époque, du fait que même avec un destin aussi exceptionnel, on n’échappe pas aux carcans dans lequel se trouvaient les femmes de l’époque, qui était plus proche du XIXe siècle qu’aujourd’hui », renchérit Danièle Thompson.

Dans la société française aseptisée de la fin des années 1950, la jeune Brigitte Bardot apparaît d’emblée comme une femme libre, rebelle et anticonformiste. « Bardot représente une révolution, qui était une révolution inconsciente, elle a été une féministe sans le vouloir », analyse Danièle Thompson.

« Et Dieu… créa la femme »

« Jusqu’au moment où l’on a trouvé Julia de Nunez, on se disait que c’était une ambition folle que de faire une série sur Bardot, parce que la comparaison avec l’icône qu’a été Brigitte allait être compliquée. On a cherché non pas des sosies, mais des personnes capables d’incarner les personnages », rapporte Judith Rochelois.

Dès le prégénérique du premier épisode, la révélation Julia de Nunez danse cette transe quasi animale au cœur d’Et Dieu créa la femme. « J’ai pris beaucoup de cours de danse : du classique, du mambo et flamenco. Dans la vie, je ne suis pas très bonne danseuse. La danse m’a beaucoup aidée pour l’incarner », confie l’actrice. Et d’ajouter : « Ce n’est pas qu’une danse, c’est un défouloir, un espace de liberté extrême »

Le film de Roger Vadim, sorti en 1956, fait de son épouse un sex-symbol planétaire.  « Ce qui lui arrive n’est pas banal du tout. Elle fait 17 films avant Et Dieu créa la femme, dont certains avec des rôles principaux. Elle a une carrière normale. Tout d’un coup, ce film arrive et la vie ne sera plus jamais la même », explique Danièle Thompson.

« Elle est devenue à son époque une actrice ultra-célèbre, objectifiée, presque déjà animalisée, poursuivie. Elle suscite une vague d’admiration et de haine planétaire » , abonde Christopher Thompson. « On n’imagine pas ce qui s’est passé aux Etats-Unis quand le film est sorti. C’est une chose démentielle : des gens excommuniés, l’interdiction de montrer ce film qui allait provoquer des émeutes », se souvient Danièle Thompson.

« L’Affaire d’une nuit »

« On ne voulait pas être exhaustif, mais on a choisi les chapitres qui nous semblaient intéressants et de mettre en scène les rapports entre des personnages intéressants : ses rapports avec ses parents, sa rencontre avec Vadim dans le premier épisode, le tournage de Et Dieu créa la femme qui marque la fin d’une histoire d’amour et le début d’une autre, et ainsi de suite », explique Christopher Thompson.

A chaque nouvel épisode, un nouvel amour : Jean-Louis Trintignant (Noham Edje), Jean-Louis Trintignant, Sacha Distel (Fabian Wolfrom), Gilbert Bécaud (Mikaël Mittelstadt) ou encore Jacques Charrier (Oscar Lesage). C’est « une femme éprise de liberté, qui a une façon extrêmement volontaire de vivre sa vie et de choisir les hommes avec qui elle a envie d’être », note Christopher Thompson.

« On pense que la série va raconter le regard des hommes sur elle, mais elle raconte tout autre chose, la façon de se mouvoir de cette femme dans cette société, au milieu de tous ces hommes qu’elle désire les uns après les autres », renchérit Géraldine Pailhas.

« Elle aime les hommes et elle l’assume. Ça ne se faisait pas à l’époque d’avoir un amant après l’autre, et en plus, même si cela se faisait, cela ne se savait pas, mais c’était impossible pour elle de se cacher, dès qu’elle mettait le nez dehors, elle se faisait choper », commente Danièle Thompson.

Au fil des épisodes, « Cette liberté qu’elle incarnait s’est retournée contre elle », déplore la scénariste et réalisatrice qui estime que cette « déferlante de notoriété mondiale l’a cassée. Cela a empêché une carrière normale de fleurir. » Une créature qui demeure une icône, « toujours sans filtre », sourit Christopher Thompson.