France

« Elle videra la mégabassine de Sainte-Soline en 22 jours », près de Grenoble, l’extension d’une usine fait réagir

Ce ne sera pas comme à Sainte-Soline. L’ambiance sera « familiale » et le parcours « a été déclaré ». « De toute façon, le site est ultra-protégé, ce n’est pas au milieu de champs », annonce Robin, pour le collectif Stop Micro. Ce samedi, à 10h30, il donne rendez-vous à la gare de Brignoud, et espère bien mobiliser autant que dans les Deux-Sèvres sur « cette question de la préservation de l’eau et son accaparement pour des intérêts privés ». Dans le viseur de ce collectif ? L’extension de l’usine STMicroelectronics et « les menaces que cette entreprise fait peser sur cette ressource qui devient rare ».

Spécialisée dans la production de puces (semi-conducteurs), cette multinationale a été le centre de l’attention cet été, quand Emmanuel Macron s’est déplacé, dans la vallée du Grésivaudan, près de Grenoble. Le chef du gouvernement n’est pas venu pour dénoncer ce « pillage de l’eau », selon les termes de Stop Micro, mais pour annoncer « le soutien financier de l’Etat » à l’extension du site de Crolles.

L’extension de l’usine, la goutte de trop

« Cette annonce a été reçue dans un enthousiasme unanime des élus vantant la création d’emplois dans cette stratégie de l’exécutif français de s’imposer dans la microélectronique sur le marché européen », se souvient Robin. Mais au même moment, il rappelle que « tout le bassin grenoblois » était au cœur de six semaines « au plus haut niveau de l’alerte sécheresse » avec « des restrictions de la ressource pour tous ». Enfin presque tout le monde. « Les industries n’étaient pas concernées car, selon les autorités, elles faisaient déjà tout ce qu’elles pouvaient », pointe-t-il.

Cet événement a été la goutte de trop pour le Grenoblois. « Ce projet est un non-sens écologique », argue-t-il. Il s’explique : « Ce qu’oublient de mentionner le gouvernement et les médias, c’est que cette industrie nécessite énormément de matériaux rares et beaucoup d’électricité et d’eau. Selon des données officielles, l’usine de Crolles de STMicroelectronics couplée à celle de Soitec, à côté, plus petite mais dans le même domaine, utilisera 29.000 m3 d’eau par jour, soit la consommation d’une ville de 160.000 habitants, ou 700.000 douches ou encore 12 piscines olympiques. »

Le collectif a également fait le rapprochement avec le projet de Sainte-Soline. « La multinationale videra en 22 jours cette mégabassine, prévue pour une consommation sur un an », affirme-t-il.

« Polluer et gaspiller l’eau de l’Isère pour des biens high-tech »

Selon le collectif, STMicroelectronics utilise surtout cette eau pour nettoyer les plaques de silicium qui intégreront des objets high-tech. Ces technologies servent ensuite à la création « du smartphone à la voiture connectée en passant par les appareils médicaux, les télécommunications et les objets du quotidien comme les cartes vitales ou bancaires », pour reprendre les termes de l’entreprise.

Robin ajoute : « STMicro rend l’eau de Grenoble ultrapure pour la débarrasser des ions etc. Elle devient impropre à la consommation pour nettoyer ces plaques, qui contiennent des produits chimiques ». Selon lui, l’eau rejetée est alors polluée. « On est donc prêt à gaspiller et à polluer l’eau de l’Isère pour des produits qui ne sont pas de premières nécessités », constate-t-il.

Des objectifs de recycler l’eau

Contactée par 20 Minutes, la société assure que son « industrie ne nécessite pas d’utiliser d’eau potable » et que des « programmes ambitieux sont en cours » pour recycler l’eau consommée. « Nous sommes mobilisés pour économiser, recycler et réutiliser l’eau nécessaire à nos processus de production et progressons en continu sur ces 3 axes. Nos efforts nous ont permis de recycler 43 % de l’eau utilisée à Crolles en 2022, le taux visé pour 2023 est de 49 % », répond l’entreprise franco-italienne. Avant d’ajouter : « STMicroelectronics coopère étroitement avec l’ensemble des parties prenantes des territoires pour concilier nos besoins en eau avec ceux de la communauté ».

Le collectif dénonce aussi cette « coopération ». « On conteste la production de l’usine parce que, malgré les promesses de recyclage, ce qui est sûr, c’est que la consommation d’eau augmente. Mais on s’étonne aussi de voir que les élus locaux, maire ou députés, prennent position contre les mégabassines à l’autre bout de la France mais restent silencieux, ou même, applaudissent le pillage de l’eau ici », s’exclame Robin.

Sollicitée, la métropole grenobloise n’avait pas apporté de réponses à l’heure où ces lignes sont publiées.