Belgique

Abrini minimise, Abdeslam dit qu’il n’a rien à voir avec les faits : retour sur le premier interrogatoire des accusés des attentats de Bruxelles

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Pour ces deux hommes, aujourd’hui âgés de 33 et 38 ans, l’enjeu de ce procès devant la cour d’assises ne se compte pas en années de prison en plus. Mercredi, après quatre mois de procès, chacun avec leurs mots, ils ont laissé entendre, au cours de leur premier interrogatoire, que le procès était trop grand pour eux.

Mohamed Abrini a ainsi souligné que si les principaux auteurs des attentats n’étaient pas morts, “on nous aurait appelés les petites mains”. Salah Abdeslam a fait valoir que sa “présence ici dans le box était une injustice” car il a été arrêté une semaine avant les attentats de Zaventem et Maelbeek.

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Abdeslam n’assume pas

Salah Abdeslam, qui s’est exprimé posément, d’une voix douce, a tenté de donner une image policée de lui-même, se parant de qualités, tout en se donnant une image de victime. Ainsi de sa première condamnation, pour une tentative de vol, avec Abdel Hamid Abaaoud. “C’était une erreur de jeunesse, On était sorti avec des amis un peu alcoolisés. On a tapé sur une porte de garage. Ils m’ont mis cela sur le dos”, dit-il de cette tentative de cambriolage qui lui a valu un an de prison avec sursis.

”Je travaillais à la STIB. On m’a accusé et à cause de cela, j’ai perdu mon emploi”, a-t-il poursuivi. Après les attentats de Paris, il a été arrêté le 18 mars 2016, trois jours après avoir fui la planque de la rue du Dries après un échange de tirs avec la police. “Je me suis simplement enfui. J’étais en cavale après Paris. On m’a fait deux procès. Vingt ans de prison, c’est excessif”, dit-il de sa condamnation pour la rue du Dries.

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Il estime que l’on ne peut lui reprocher les attentats du 22 mars 2016. “Le projet a vu le jour après mon arrestation. J’étais en prison et je n’étais au courant de rien”, insiste-t-il, jugeant que “ma présence ici dans le box c’est une injustice”.

Interrogé sur sa famille, Salah Abdeslam est dithyrambique. Sa mère ? “Une femme courageuse”. Son père ? “Un homme admirable”. Ses frères ? “Protecteurs, toujours bienveillants”. “Cela constitue un pilier majeur de ma survie. J’ai encore beaucoup d’années de prison”, dit-il de sa famille.

À l’entendre, il aurait aimé ouvrir un magasin. La modestie ne l’étouffe pas quand on lui demande de parler de lui. Des qualités ? “Sans être prétentieux, je dirais, poli, honnête et sincère”. Des défauts ? “Des défauts, je ne sais pas”. Des proches l’ont dit réservé ou fermé ? “Réservé, ce n’est pas un défaut”, corrige-t-il.

Abrini, le délinquant assumé

Mohamed Abrini, de son côté, assume son passé de délinquant, essentiellement des vols qui lui ont valu de multiples condamnations, dès ses 18 ans. “Quand vous goûtez à l’argent, c’est difficile de s’arrêter”, dit-il parlant “d’une société du paraître, avec sa dictature du bonheur”.

Il n’a pas fait appel de sa condamnation à Paris : “On nous a fait porter des vestes trop grandes pour nous. On a pris pour ce que d’autres ont fait. Il fallait étancher la soif de sang de l’opinion publique”. Il estime que la cour n’est pas “apte à juger cette affaire. Elle nous dépasse tous. Comment voulez-vous juger une affaire avec des chefs d’État ainsi que de l’EI qui ont décidé et nous au milieu ?”

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El Makhoukhi, le terroriste assumé

Bilal El Makhoukhi a un tout autre parcours qu’Abdeslam et Abrini. Les enquêteurs voyaient en lui “Abou Imrane”, l’homme qui avait récupéré et caché les armes que les terroristes du 22 mars 2016 détenaient dans leur planque de la rue Max Roos à Schaerbeek.

Il l’a longtemps nié. Lors d’une dernière audition, en juillet 2022, il a avoué que c’était bien lui. Aujourd’hui, il reconnaît que les écoutes réalisées à la prison de Bruges, dans lesquelles on l’entend parler de ces armes avec Mohamed Abrini, l’ont convaincu de passer aux aveux.

Bilal El Makhoukhi assume en effet son passé de terroriste. Il reconnaît sa participation dans les événements qui ont conduit aux attentats. Il le reconnaît sans peine : parti en Syrie rejoindre les rangs du djihad. Il y a rencontré Najim Laachraoui, qui se fera exploser à Zaventem. En Syrie, il a été atteint d’une balle au pied. Il n’est pas rentré en Belgique de gaîté de cœur. “J’étais bien amoché”, dit-il.

Il a voulu se faire soigner en Syrie, et ensuite en Turquie mais cela n’a pas marché. Les médecins l’ont amputé en Belgique. Il le concède : “A mon retour, j’étais déprimé. J’avais envie de retourner en Syrie”. Condamné dans le dossier Sharia4Belgium, il a terminé de purger sa peine sous bracelet électronique, sept jours avant les attentats du 22 mars 2016. Il sera réarrêté.

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”Si je n’avais pas arrêté, je serais reparti en Syrie”, reconnaît-il. Et quand on lui demande si l’on peut, comme le font certains, lui reconnaître comme qualité l’honnêteté, il répond dans un petit sourire : “Je ne serais pas ici si j’étais honnête”.