France

Didier Raoult se livre et règle ses comptes dans son autobiographie

Il s’était fait plutôt discret depuis son départ de l’IHU en septembre 2022. Didier Raoult, 71 ans, était visiblement occupé à la rédaction de son autobiographie, son dix-septième livre, dans lequel il règle en partie ses comptes avec ses détracteurs, promis aux « poubelles de l’Histoire ». Il revient aussi en longueur sur la pandémie de Covid-19 et de son approche faite à l’IHU, promouvant notamment l’efficacité de l’hydroxychloroquine. « Nous avions bel et bien raison », écrit le microbiologiste marseillais. Mais l’ex-directeur de l’IHU se livre aussi un peu intimement, parlant de son enfance, de sa saga familiale, des « capacités hors normes dont la nature [l]’avai [t] doté » et de sa carrière avortée de marin.

Et comme tout le monde ne peut pas « lire une centaine de livres chaque année, hors ouvrages scientifiques », ce que soutient faire Didier Raoult depuis l’âge de ses dix ans, 20 Minutes a lu pour vous Didier Raoult, autobiographie sans concession, ouvrage qui paraît ce jeudi chez Michel Lafon.

Il se rêvait marin

En un peu plus de trois cents pages, Didier Raoult a structuré son autobiographie en dix-neuf chapitres et trois grosses thématiques chronologiques : l’enfance, son activité professionnelle pré-Covid et son ascension académique avant d’arriver enfin à la période de la pandémie qui lui valut « une notoriété comparable à celle des artistes et sportifs de renom », écrit-il, jugeant cela « parfois même désagréable ».

De son enfance – Didier Raoult est né Sénégal où son père était médecin militaire – nous retiendrons que le célèbre et controversé infectiologue a redoublé sa cinquième – « je ne trouvais aucun intérêt aux cours » – et nous livre quelques anecdotes étayant son caractère irrévérencieux, rétif à l’autoritarisme, comme ce jour, où, à l’âge de 7 ou 8 ans, il urine au milieu de la classe après avoir essuyé le refus de son instituteur de se soulager aux toilettes. De quoi alimenter l’image d’un personnage hors-norme, incompris et quelque peu marginal quoique brillant. Didier Raoult a été renvoyé de deux lycées pour mauvaises conduites, commit une « fausse tentative de suicide », « destinée à alerter [s] es parents sur [s] on mal-être ».

Avec cette autobiographie, Didier Raoult s’inscrit pleinement dans sa saga familiale, faite « d’ancêtres corsaires », « d’aînés de résistants ». « Dans ma famille, cette famille de héros, j’ai trouvé ma place (…) j’étais la quatrième génération d’officier de la Légion d’honneur. Quand Napoléon l’a créée, il disait qu’après deux ou trois générations le titre était définitivement acquis à la famille. Ce qui correspond à un titre de noblesse », explique-t-il.

Après s’être brièvement rêvé en marin avec une expérience en marine marchande, le jeune Raoult obtient un bac littéraire en candidat libre, y allant « les mains dans les poches », s’amuse-t-il. Une poignée de semaines à la faculté des lettre d’Aix-en-Provence suffisent à le dissuader de suivre cette voie, et de finalement embrasser celle de son père : la médecine. La certitude de sa supériorité, fort de son QI de 180 qu’il mentionne entre parenthèses dans son livre, émane de sa plume – ou de celle d’Hervé Vaudoit, « collaborateur de ce livre » – au fil des lignes et des chapitres. Un orgueil, voire une arrogance, qui colle aujourd’hui encore à la peau du médecin le plus controversé de France.

Cela est particulièrement notable par les différents incipit – ces petites phrases souvent tirées d’autres livres qui introduisent les chapitres – qui nous renseignent sur ses modèles, héros intimes, et révèle peut-être son penchant présomptueux. Il s’autocite dans l’incipit du chapitre du 13 intitulé « II n’est pas de sauveur suprême » (un vers du chant communiste L’Internationale), auquel il ajoute un « ni Bill Gates, ni Pfizer, ni Gilead » de sa composition (L’Internationale poursuit avec « ni dieu, ni césar, ni tribun »). Mais il convoque aussi Hannah Arendt, la philosophe qui a défini le totalitarisme, du Karl Marx, Friedrich Nietzsche, Marc Bloch, Albert Camus ou encore Galilée, qui eut tord d’avoir raison avant tout le monde. (Pour être honnête, je m’attendais à un moment donné de cette litanie qu’il cite Fidel Castro et son célèbre « Condamnez-moi, peu m’importe, l’histoire m’absoudra », mais ce n’est jamais venu).

« Ceux qui m’ennuient auront disparu dans les poubelles de l’Histoire »

La partie que l’on attend tous, celle où arrive le moment Covid – « ce vent de folie qui a soufflé dans les rangs de nos décideurs » – qui est abordé avec méthode. Didier Raoult revient sur peu ou prou toutes les polémiques scientifiques autour des études publiées par son équipe de chercheurs et ses prises de position en faveur de l’hydroxychloroquine. Il retrace le fil des événements, des publications scientifiques et contre-publications, qu’il entreprend de démontrer en quoi elles sont biaisées. « Nous avions bel et bien raison », signe-t-il au terme de ses chapitres sur le traitement qu’il préconisait. Plus globalement, il se livre aussi à une attaque frontale des lobbys de l’industrie pharmaceutique, « Big Pharma », écrit le médecin, qui conclut : « la corruption est endémique, pas fantasmagorique ». Et distribue les tacles à certains de ses collègues, dont Karine Lacombe ou Jean-Paul Stahl, avec lesquels il est par ailleurs en procès pour diffamation. « Pendant que beaucoup de collègues faisaient de la politique sur les plateaux de télévision à Paris, nous avons continué à faire de la science à Marseille. »

Il consacre la fin de son ouvrage aux derniers événements de l’IHU, dont il a quitté la direction en septembre 2022, sans parvenir à obtenir le droit de conserver un bureau. Et notamment les inspections de l’Agence du médicament ou des Affaires sociales. Il conclut enfin sur une envolée qui ne le rendra pas moins présomptueux : « J’ai nommé un millier de microbes (…) dont tout le monde sait et saura que c’est nous qui les avons baptisés pendant que tous ceux qui m’ennuient auront disparu dans les poubelles de l’Histoire ». Après la lecture de ce livre reste une certitude : Didier Raoult a une très haute idée de lui-même. Il appartient à chacun de se dire s’il a raison ou non de se penser ainsi.