France

Drogue : De plus en plus d’enfants « victimes collatérales » de la cocaïne par ingestion accidentelle

Jeudi dernier, à Paris, un père de famille a été condamné à trois mois de prison avec sursis après que son bébé a été hospitalisé pour avoir ingéré, accidentellement, de la cocaïne. Un cas étonnant mais de moins en moins exceptionnel pour la professeure Isabelle Claudet, cheffe des urgences pédiatrique au CHU de Toulouse. C’est justement parce qu’elle s’alarmait de voir de plus en plus d’enfants admis pour une intoxication à la poudre blanche, « en particulier ces trois dernières années », qu’elle s’est lancée dans l’étude baptisée « CocaKid » à paraître dans la revue scientifique Clinical Toxicology.

Au-delà d’une jeune « mule », de quelques mineurs isolés qui se sont drogués volontairement ou de bébés sous coke par diffusion dans le lait maternel, elle y recense des dizaines de cas d’ingestions accidentelles par des enfants de moins de quinze ans sur la période 2010-2020 qui se sont terminés dans un service d’urgences pédiatriques. « Les enfants sont des victimes collatérales des addictions de leurs parents. Ils trouvent de la cocaïne à la maison qu’ils vont inhaler ou lécher, en pensant que c’est du sucre ou autre chose », souligne la spécialiste.

Davantage de cas en Occitanie et en Ile-de-France

D’après l’étude, « les admissions annuelles ont été multipliées par 8 en onze ans », et plus de la moitié des cas se sont produits les deux dernières années. La pédiatre fait le lien avec l’augmentation de la circulation de la cocaïne en France. « Elle est plus pure pour un prix qui n’a pas bougé, voire qui a baissé, dit-elle. Et il y a depuis le confinement une forme d’ubérisation dans les modes d’achat et de livraison qui fait qu’elle arrive plus facilement dans les domiciles ». 46 % des cas recensés, admis aux urgences avec essentiellement des symptômes neurologiques de type convulsions ou cardiovasculaires, avaient moins de cinq ans. Et, plus hallucinant encore, 66 % d’entre eux étaient non seulement positifs à la cocaïne mais aussi à d’autres produits stupéfiants. « Il s’agit donc d’un véritable problème de santé publique », alerte Isabelle Claudet, dont l’étude montre que l’Occitanie, proche de l’Espagne où accostent les trafiquants colombiens, et l’Île-de-France, avec ses aéroports et ses routes vers les Pays-Bas et la Belgique, sont plus perméables à cet inquiétant phénomène.

La pédiatre toulousaine plaide pour une sensibilisation par les intervenants de santé des parents connus pour leurs addictions.  « Dans permanences des PMI [Protection maternelle infantile], au niveau des médecins qui suivent les enfants, sans juger, il faut absolument mettre en garde les parents des dangers encourus », prévient-elle.