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RDC: quand le Président vole au secours du milliardaire

Le gouvernement de Kinshasa présentait cet accord comme “sa” victoire face à un des hommes les plus puissants du pays qui a bâti une fortune de plus d’un milliard de dollars dans les secteurs miniers et pétroliers, grâce au soutien indéfectible du régime Kabila qu’il avait aidé à installer au début des années 2000. Selon le pouvoir de Félix Tshisekedi, cet accord a permis de faire rentrer deux milliards de dollars dans les caisses de l’État congolais sans compter les actifs que Dan Gertler a rétrocédés à la RDC.

Missive présidentielle

Quelques semaines plus tard, en mai 2022, Félix Tshisekedi s’est fendu d’un courrier à l’attention de son homologue américain Joe Biden pour demander la levée des sanctions qui pèsent sur Dan Gertler depuis 2017.

Pour le Trésor américain, en effet, l’homme d’affaires a amassé une fortune “grâce à des opérations minières et pétrolières opaques et corrompues portant sur des centaines de millions de dollars en RDC”. Dan Gertler a toujours contesté ces sanctions mais quelques mois plus tard, en 2018, les autorités américaines, loin de faire marche arrière, ont sanctionné quatorze de ses sociétés et véhicules financiers offshore. Désormais toutes les opérations en dollars lui sont interdites.

Quand Félix Tshisekedi évoquait le « glissement » de Kabila

Une pression américaine qui aurait porté ses fruits selon la lettre de Félix Tshisekedi publiée intégralement ce début de semaine par le New York Times. Félix Tshisekedi explique que “M. Gertler et son groupe ont renoncé à toutes leurs licences d’exploitation d’or et de fer, à leurs permis de forage pétrolier sur le lac Albert et à une partie importante de leurs futurs revenus provenant des redevances sur le cuivre et le cobalt dus par des tiers. La valeur totale des actifs et des droits ainsi accordés à la République démocratique du Congo est estimée à environ 2 milliards de dollars américains”, avant de poursuivre un peu plus loin en expliquant “Nous estimons dorénavant, et ce, en toute confiance, que la République démocratique du Congo ne nourrit plus de griefs à l’encontre de monsieur Gertler et son groupe” et d’avancer que de nombreuses ONG locales qui avaient combattu M. Gertler partagent cette lecture, sans oublier de mettre en garde la Maison-Blanche sur les dégâts collatéraux éventuels du maintien de ces sanctions sur de futurs investisseurs potentiels en RDC.

Action, réaction

Depuis plusieurs semaines, les ONG congolaises et internationales, avisées du lobby orchestré à Washington par le régime de Félix Tshisekedi, avaient repris la plume pour critiquer le contenu et les limites de l’accord entre Kinshasa et Dan Gertler qu’elles jugent “défavorables pour les caisses de l’État” et pour demander à l’administration Biden de maintenir les sanctions contre l’homme d’affaires et son empire.

Le politologue et porte-parole de l’ONG le Congo n’est pas à vendre (CNPAV) Jean-Claude Mputu s’est exprimé dans les médias congolais le 28 février dernier, ce qui lui vaut… de se retrouver devant la justice congolaise notamment pour “diffamation” et “imputation dommageable”.

”je maintiens tout ce que j’ai dit. Les chiffres que je donne sont vérifiables”, explique M. Mputu qui affirme que “depuis la signature de l’accord avec le gouvernement congolais, M. Gertler a gagné plus de 60 millions de dollars de royalties”. “Quant à ce qu’il a rétrocédé, ce sont des actifs qui ne sont pas mis en valeur. Il n’y a pas eu d’estimation certifiée par des agences indépendantes. Dan Gertler a conservé les actifs qui gagnent de l’argent”. “Ils cherchent à criminaliser les lanceurs d’alerte”, prévient l’avocat Me Hervé Diakiese, un des défenseurs de M. Mputu. “Au Congo, ces lanceurs d’alerte ne bénéficient d’aucun soutien public, d’aucune loi. Ils sont même souvent exposés aux dérives des pouvoirs”.