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Comment les JO 2024 doivent permettre à Paris de rattraper son retard sur l’accessibilité dans les transports

Des Jeux « pour inclure », des Jeux « exemplaires en matière d’accessibilité universelle ». C’était la promesse faite lors de la présentation du projet Paris 2024, et un projet colossal à mener car la Ville de Paris est loin d’être exemplaire en la matière. Prendre le métro avec une poussette est déjà bien compliqué, mais pour une personne à mobilité réduite, cela relève de la science-fiction.

Les ascenseurs se comptent sur les doigts de la main : seule la ligne de métro 14 est équipée. L’APF France handicap s’est mobilisée à plusieurs reprises ces dernières années pour dénoncer ce manque d’accessibilité. En 2018 déjà, les militants dénonçaient le fait que seulement neuf stations sur les 303 de l’époque étaient adaptées. Aujourd’hui, il y en a treize, soit toute la ligne 14. Il est prévu qu’il y en ait sept supplémentaires d’ici à 2025.

Les transports « pas adaptés » pour les personnes à mobilité réduite en l’état

« Pour Paris 2024, il n’y aura pas d’amélioration spécifique sur cette accessibilité au niveau des métros », annonce déjà Laurent Probst, directeur général d’Île-de-France Mobilités. Mais, alors, comment se rendre sur les 24 sites olympiques situés dans la région ? « Il ne faut pas oublier que tous nos RER, 539 lignes de bus, et un tiers des tramways sont accessibles pour les personnes à mobilité réduite », répond-il.

En septembre 2018, APF France handicap avait organisé une manifestation pour alerter sur le fait que seules 9 stations sur 303 à Paris étaient accessibles aux personnes à mobilité réduite.
En septembre 2018, APF France handicap avait organisé une manifestation pour alerter sur le fait que seules 9 stations sur 303 à Paris étaient accessibles aux personnes à mobilité réduite. – AFP

Ces modes de transports présentent toutefois d’importantes limites selon Patrice Tripoteau, directeur général adjoint d’APF France handicap. « Il y a deux places pour fauteuil par bus, ce n’est rien pour un dispositif olympique, note-t-il. Et puis, les gares d’arrivées des transports en commun ne sont pas tout proches des sites olympiques. Il faudrait donc parcourir, parfois un kilomètre, parmi la foule, à la force des bras pour faire avancer le fauteuil ? » Environ 350.000 personnes en situation de handicap vont venir du monde entier. Elles ne peuvent être laissées pour compte.

« L’idée n’est pas de miser sur les transports pour les personnes en fauteuil, mais sur des navettes que nous allons mettre en place », signale le directeur général d’Île-de-France Mobilités, qui travaille en collaboration avec le comité d’organisation des Jeux. Lors de l’achat d’une place par une personne en situation de handicap, il lui sera proposé de réserver une navette. Elles partiront de toutes les gares parisiennes afin de rejoindre tous les sites olympiques. « La dépose sera faite au plus proche du site, quasiment comme pour les VIP », poursuit Laurent Probst. Le prix n’est pas encore fixé, mais il ne devrait pas dépasser celui d’un billet de transport en commun.

Les personnes à mobilité réduite traitées comme des VIP ?

Patrice Tripoteau se dit tout à fait favorable à ce dispositif, « mais il ne sera pas suffisant ». Par exemple, « les personnes qui viennent de Belgique ou de l’est vont plutôt venir en voiture afin d’éviter les contraintes du train pour les personnes à mobilité réduite », note-t-il. Dans ce cas, la navette n’est pas une option. Mais qu’en est-il des parkings ? « Parfois on nous parle d’une distance d’un kilomètre avec l’entrée du site olympique. » Le problème revient alors au même que lors de l’usage des transports en commun.

« Il y aura un système de dépose-minute pour les personnes à mobilité réduite, juste devant le site. L’accompagnant pour ensuite aller garer la voiture avant de rejoindre son proche », explique Ludivine Munos, responsable de l’intégration paralympique et de l’accessibilité à Paris 2024, et ancienne championne paralympique de natation. Le comité d’organisation semble avoir réponse à tout sur l’accessibilité. Mais, pour les associations, ces solutions ne seront pas suffisantes pour satisfaire toutes les personnes qui en ont besoin.

Pour Patrice Tripoteau, il faut rester vigilant : « On est dans la dernière ligne droite. Dans six mois, ce sera trop tard si les propositions ne sont pas bonnes. » C’est pour cela que l’APF France handicap enchaîne les rendez-vous avec les ministres et le comité d’organisation. « Tous nos interlocuteurs avaient bien en tête les problématiques que l’on soulevait, maintenant, ils sont dans la recherche active de solutions », note le directeur général adjoint d’APF.

La réputation de la France en jeu

« Pour toute l’organisation, nous abordons les Jeux avec le regard d’une personne en situation de handicap », précise Ludivine Munos. Par exemple, les places dans les stades ont été déplacées ou surélevées afin que les personnes en fauteuil roulant puissent avoir de la visibilité même si les spectateurs de devant se lèvent. Toutefois pour le Collectif handicaps, le nombre de places dédiées est très limité. Les poteaux pour empêcher les voitures de se garer aux abords des stades sont colorés de sorte qu’une personne mal voyante puisse bien le distinguer. Les épreuves et cérémonies seront en audiodescriptions.

« Pour tous les temps forts comme les cérémonies d’ouverture et de fermeture, le dispositif d’accessibilité sera le même que pour les épreuves olympiques », souligne l’ancienne championne de natation. Idem pour le village olympique qui se trouvera entre Saint-Ouen et Saint-Denis. Aucune marche, mais des rampes, des prises suffisamment basses, des boutons de couleur distinguable… Tout semble prévu, mais il reste encore à tout mettre en œuvre dans les temps.

« Les personnes du monde entier vont avoir un regard sur la France. C’est l’image du pays qui risque d’en prendre un coup s’il n’y a pas un effort très particulier », tient à souligner Patrice Tripoteau. La championne de tennis fauteuil, Charlotte Fairbank, estime que, pour l’instant, ce qui est mis en place « ne suffit pas du tout ». « On se bat pour avoir un maximum de stations accessibles, mais les installations sont tellement vieilles que c’est presque impossible. Quand je voyage à Londres ou Barcelone, je vois que, à Paris, on a pas mal de retard. Donc on espère qu’avec les Jeux en 2024, la ville sera plus accessible », avait-elle expliqué à 20 Minutes il y a quelques semaines lors d’une émission sur Twitch.

La volonté du Comité d’organisation n’est pas seulement l’inclusivité sur la durée des Jeux. Comme souligné depuis l’attribution, l’héritage laissé est une notion importante. En lien avec le Cojo, la Ville s’est engagée au travers d’un plan d’action à « optimiser l’héritage des Jeux en faveur des personnes en situation de handicap ». Ce plan comprend notamment la mise en accessibilité de Paris et l’accélération de la participation de ces personnes « à la vie de la cité ».

« Les performances réalisées par les athlètes paralympiques constituent une occasion unique de mettre un coup de projecteur sur les compétences des personnes en situation de handicap », précise le plan héritage et durabilité des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Pour accompagner ce mouvement, l’accessibilité est un enjeu central. De ce point de vue, Paris 2024 sera-t-il à la hauteur de Londres en 2012, qui fait unanimement figure de référence en la matière ?