Belgique

Sommet de l’OTAN : “On va vers de nouveaux plans de défense mais chez nous, le PTB et Ecolo tiennent des propos insensés et dangereux”

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“Ce que nous décidons de faire aujourd’hui changera la face du monde pour les prochaines décennies”, a même averti Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’Otan. L’OTAN s’inquiète notamment de l’insuffisance des mesures actuelles face à l’évolution des menaces pour la sécurité.

Elle n’y va pas par quatre chemins : les 2 % du PIB consacrés à la Défense doivent désormais constituer un plancher et non un plafond. Avec le député fédéral Jasper Pillen, vice-président de l’Open Vld et membre de la commission parlementaire de la défense, on passe en revue les nombreux défis à venir pour notre armée.

Le prochain sommet de l’OTAN est jugé essentiel pour la suite. Pourquoi ?

“Chaque sommet est ultra-important mais celui-ci l’est sûrement encore plus car il se déroule pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale en pleine guerre totale. Il y a bien eu des guerres civiles dans le passé mais une guerre totale aux frontières de l’Europe, c’est une première pour l’OTAN. Il y aura donc un signal fort envoyé aux États membres pour continuer l’effort au niveau de l’investissement en matière de Défense”.

guillement

L’armée n’a pas besoin d’un sac avec plusieurs milliards d’euros car on ne sait pas l’absorber »

En Belgique, la vulnérabilité militaire ne date pas d’hier. Elle trouve son origine dans le désinvestissement de la Défense belge entamé longtemps avant la fin de la Guerre froide. Entre 1981 et 2019, le pouvoir d’achat du budget belge de la Défense a même chuté de 2,39 milliards d’euros. Peut-on réellement inverser la tendance ?

“En Belgique, le gouvernement actuel a quand même décidé d’augmenter le pourcentage du PIB consacré à la Défense à hauteur de 1,54 % à l’horizon 2030 contre 1,3 % par rapport à ce qui avait été annoncé par le gouvernement précédent. Cela n’a rien à voir avec ce qui a été fait par les gouvernements Michel ou Di Rupo. Il faut remonter aux années 90 pour retrouver un taux budgétaire aussi élevé. Mais le monde a changé, tout comme le contexte sécuritaire”.

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Concrètement, qu’est-ce que cela implique ?

“On a besoin d’expliquer avec pédagogie à notre population pourquoi il faut investir plus pour protéger notre bien-être et notre sécurité, c’est notre responsabilité actuelle. Je défends le travail de ce gouvernement mais en 2024, on devra aller beaucoup plus loin et cela demandera des sacrifices au niveau budgétaire. Pour l’OTAN, on doit faire plus et je pense que les investissements militaires feront partie des chapitres extrêmement importants durant l’été 2024, notamment pour notre Défense et en matière de politique extérieure, cela va demander beaucoup d’attention de la part des différents partis”.

La vision de certains partis en matière de Défense vous préoccupe. Pourquoi ?

“L’année prochaine, nous avons des élections en Belgique et je ne pense pas que l’armée et nos investissements militaires aient une place dans le débat politique. Pourtant, cela en vaudrait la peine au vu du contexte actuel. Au quotidien, on entend certains écolos et le PTB raconter n’importe quoi sur ces questions, ce qu’ils disent est insensé. Ce que le PTB dit est même dangereux. C’est méconnaître et ne pas accepter la réalité que de nier la violence russe et ne pas être favorable aux investissements qui permettent à la Belgique d’être davantage protégée. Dans ce parlement fédéral, ils ont du mal à assumer leur position, notamment quand il s’agit de voter pour des résolutions qui condamnent la Russie par rapport à ces agissements”.

guillement

Il y a beaucoup de travail à faire, notamment pour élever notre niveau de résilience »

Pour en revenir aux nouvelles exigences militaires, les membres ont décidé d’accroître leur présence sur le flanc oriental, le nouveau modèle de forces mettrait en place 300 000 soldats de l’OTAN sur le territoire de l’Alliance. Notre armée peut-elle vraiment avoir un rôle à jouer ?

“Si on m’avait dit en octobre 2020 que le gouvernement De Croo investirait dans de l’artillerie, dans la capacité de mettre des mines et tout autre matériel de guerre, je n’y aurais pas crû un instant. Je ne partage pas l’avis de ceux qui disent que nous ne sommes pas prêts en Belgique à relever les nombreux défis à venir. Plusieurs officiers avec qui j’ai discuté me donnent d’ailleurs raison : l’armée n’a pas besoin d’un sac avec plusieurs milliards d’euros car pour le moment on ne sait pas absorber ça. Dans un premier temps, l’armée doit être capable d’absorber tous les investissements et le matériel qui viennent d’arriver”.

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Vous pointez du doigt le manque de personnel ?

“Oui, nous avons beaucoup de nouveau matériel mais il faut de nouvelles recrues pour le gérer. En commission Défense, on parle de chars en plus, de casernes et de F-35 et c’est super intéressant mais on ne parle pas assez du personnel. On a besoin de beaucoup plus au vu de nos besoins. Depuis 1990, l’armée belge est passée de 90.000 militaires à près de 24.930 membres aujourd’hui. On perd des gens non-stop (entre l’attrition et les départs à la retraite), il faut stopper l’hémorragie. La ministre a accordé tout un volet d’investissement pour le personnel (dont une hausse des salaires) mais il faut aller plus loin, rendre le métier encore plus attractif”.

Si le Plan STAR de la ministre Dedonder a permis à la Défense d’augmenter ses capacités, les experts militaires estiment qu’il lui a permis “seulement” de rattraper les capacités perdues à l’horizon 2030.

“C’est pour cette raison qu’un nouveau plan d’investissement, un plan Star + par exemple, doit faire partie des futures priorités du gouvernement. Il y a beaucoup de travail à faire, notamment pour élever notre niveau de résilience, absorber toutes les dépenses récentes et augmenter notre stock de munitions (qui est actuellement très bas, comme la majorité des pays européens). L’objectif est vraiment de conserver une armée opérationnelle, crédible et fiable sur le long terme”.

Les dépenses de défense selon le PIB des pays de l'OTAN en 2022
Les dépenses de défense selon le PIB des pays de l’OTAN en 2022 ©IPM Graphics