Belgique

Procès des attentats à Bruxelles: « On traite les détenus moins bien que les animaux de Pairi Daiza »

« Généralement, lorsqu’on pense à la prison comme terreau de radicalisation, on pense au fait que des personnes pourraient en recruter d’autres », a indiqué la criminologue de l’UCLouvain Fabienne Brion. Elle répondait à une question de l’avocat de l’accusé Hervé Bayingana Muhirwa, Me Vincent Lurquin. « Ce qu’on prend moins souvent en considération, c’est que la prison est par excellence le lieu où vous désespérez du droit, de la justice, de la démocratie. On se rend compte que les personnes en prison sont essentiellement des gens pauvres, d’origine étrangère voire sans titre de séjour. »

C’est dans ce contexte que la prison est une « excellente caisse de résonance pour les discours radicaux »: « l’État islamique va faire valoir que la démocratie est un leurre, que la justice est injuste… Ce discours-là, si vous le recevez quand vous êtes en prison, il fait davantage mouche. »

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« La prison est un lieu de désespoir et donc de recrutement », a résumé la professeure de l’UCLouvain.

Corinne Torrekens a ajouté que la prison était aussi un lieu « où on a énormément de temps ». « La pratique religieuse intense peut apparaître comme ritualisante : elle structure la journée et le temps », a-t-elle ajouté, se basant sur des rencontres avec des détenus dans le cadre d’une étude de terrain.

Me Lurquin a ensuite interrogé les témoins sur les sorties au préau de son client, autorisées uniquement en compagnie de deux autres accusés au procès, toujours les mêmes. Hésitant quelques instants et prévenant qu’elle allait mettre les « pieds dans le plat », la politologue Corinne Torrekens a déclaré: « Cela a une série d’impacts, c’est évident. C’est difficile de venir défendre le modèle démocratique quand on traite des êtres humains moins bien que des animaux de Pairi Daiza. »

La professeure a conclu cette séquence en espérant « avoir apporté de la complexité » au débat. « Le fait que vous nous ayez donné du temps, qu’on ait pu apporter de la complexité, c’est déjà beaucoup », a-t-elle dit.