Belgique

Procès des attentas de Bruxelles : la franchise à double tranchant de Bilal El Makhoukhi

Bilal El Makhoukhi est un ancien combattant. En Syrie, il a rencontré celui qui sera l’organisateur des attentats du 13 novembre 2015 de Paris, Abdel Hamid Abaaoud, alors que ce dernier n’était qu’un soldat parmi d’autres. En Syrie toujours, Bilal El Makhoukhi a combattu sur la même ligne de front que Najim Laachraoui, qui se fera exploser le 22 mars 2016 à Zaventem après avoir supervisé la confection de l’explosif.

Un combattant aguerri

« Je n’étais pas là pour cueillir des fleurs », dit cet homme, qui a combattu, sous le commandement de Tchétchènes, face à des ennemis, installés comme lui sur une ligne de front, à quelques dizaines de mètres.

Bilal El Makhoukhi a été atteint à l’automne 2013 par un tir de sniper au pied. Pendant sa convalescence en Syrie, Laachraoui l’a réconforté sur son lit d’hôpital. La mort dans l’âme, El Makhoukhi est rentré en Belgique, où il se fera amputer. « Quand on m’a dit que je devais rentrer, j’ai pleuré comme un bébé », a-t-il expliqué mercredi devant la cour d’assises.

« J’ai passé les meilleurs jours de ma vie en Syrie, même si c’était dur. Je sentais que je servais à quelque chose. Je n’échangerais pas une vie de château contre cela, malgré ce que j’ai vécu. »

Voilà qui a le mérite de la franchise. Comme sa vision des attentats de Bruxelles : « Je ne vois pas la différence entre les bombes qui tombaient du ciel en Syrie et la bombe dans le métro. Dans les deux sens, il y a des innocents qui vont mourir. »

Même si, comme il l’a expliqué devant la cour d’assises, il a quelque peu évolué : « Avant de voir ici les victimes, les victimes étaient pour moi des chiffres. […] Les victimes, cela pousse à réfléchir. » Il est lucide : « Je ne peux être fier d’être ici dans le box. »

Lorsque, en décembre 2015, après les attentats de Paris, la justice belge diffuse un avis de recherche sur un prétendu Soufiane Kayal, qui était le faux nom de Najim Laachraoui, il ne réagit pas. « Je ne l’avais pas reconnu à 100 % », a-t-il expliqué jeudi. Il le rencontre en janvier 2016 à Bruxelles. « Il m’a dit qu’il était là pour des attentats en Europe », a reconnu jeudi Bilal El Makhoukhi.

Mais il nuance : « Après, je n’étais pas dans la confidence du où , quoi , comment ? Moi, je comptais repartir en Syrie. » Il ne le cache pas : Najim Laachraoui lui a demandé des logements et des armes. « Des armes, je n’en ai pas trouvé », insiste-t-il.

Le gardien des armes

Ces Kalachnikovs, avec lesquelles les trois terroristes de Zaventem se photographieront dans la cache de la rue Max Roos, il les a pourtant tenues en main. Conscients qu’ils se feront exploser le lendemain, les kamikazes enverront un message en Syrie la nuit précédant leur équipée mortelle. Ils expliqueront à leur commanditaire, Abou Ahmed, qu’ils les ont confiées à « Abou Imrane » pour qu’il puisse les remettre à de futurs commandos.

Or, la Kunya de Bilal El Makhoukhi est Abou Imrane. Après l’avoir longtemps nié, Bilal El Makhoukhi a reconnu en juin 2022 avoir évacué les armes la veille des attentats. Il reconnaît même avoir tenté de contacter Abou Ahmed, via la messagerie cryptée dont on lui avait expliqué les secrets, même si, comme il le précise, ce ne fut pas sans mal car l’informatique n’est pas son fort.

Mais, précise-t-il, il n’a jamais obtenu de réponse d’Abou Ahmed. Quant au sort des armes, il se tait, reconnaissant simplement les avoir déplacées « dans le coffre d’une voiture », avec une personne dont il refuse de divulguer le nom. « Si cela ne mettait en cause que moi, je le dirais. » Mais il se tait, conscient que « cela ne m’arrange pas. Cela m’enfonce encore plus ».

Tout au plus, quand Me Guillaume Lys, avocat de l’association de victimes V-Europe, lui fait remarquer que ces armes pourraient être utilisées pour une action terroriste, il répond que ces personnes « ne sont pas liées au terrorisme », même si « ce ne sont pas des enfants de chœur. S’il devait se passer quelque chose, ce se serait déjà passé. Je ne veux pas que des gens rentrent en prison à cause de moi ».

Et à Me Gabie-Ange Mindana, qui lui demande s’il est prêt à demander pardon. Il est tout aussi cash : « J’en ai envie. Mais il faut que cela vienne de moi. Si je vous le dis maintenant, ce serait de manière hypocrite. »