Belgique

Peu de partis jouent le jeu de la transparence sur l’identité de leurs collaborateurs parlementaires

Au Parlement wallon, les élus expérimentés disposent généralement de plus de collaborateurs personnels que leurs homologues des autres assemblées, lesquels se voient alors souvent contraints de céder les contrats dont ils ont droit pour constituer un pool de conseillers au service du groupe parlementaire ou d’une autre structure liée au parti. Les groupes reconnus (au moins cinq élus) disposent des moyens supplémentaires pour le recrutement de collaborateurs. Tout cela est autorisé par la loi du 4 juillet 1989. Aucun organisme ne contrôle si les personnes engagées font effectivement un travail en lien avec le Parlement. C’est ce qui rend le système opaque. Un ancien collaborateur d’un groupe nous confiait qu’en période de campagne électorale, de nombreux collaborateurs sont sollicités pour coller des affiches.

Un bourgmestre PS non réélu

La Libre a essayé de connaître l’identité des collaborateurs des groupes politiques francophones à la Chambre, au Parlement wallon, au Parlement de Bruxelles-Capitale et au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Une demande a été adressée à l’ensemble des partis selon la procédure qui avait été suivie pour un travail similaire que La Libre avait réalisé lors de la législature 2014-2019 sur le seul Parlement wallon. À l’époque, il y avait 270 collaborateurs pour l’ensemble des députés wallons. Dans cette longue liste, on retrouvait, par exemple, le secrétaire général du CDH, la fille du compagnon – lui-même élu – d’une députée socialiste ou encore un ancien bourgmestre PS non réélu.

Le mail envoyé aux différents groupes ainsi qu’aux porte-parole des partis précisait que la “démarche n’est pas de publier ces listes de manière exhaustive mais de savoir qui sont ceux qui travaillent chaque jour aux côtés des parlementaires”.

Mais, au final, peu ont accepté de jouer le jeu. Écolo et Les Engagés ont transmis la liste de l’ensemble de leurs collaborateurs. Le groupe MR du Sénat a fait de même, tout comme le groupe MR du Parlement wallon qui s’est cependant contenté de livrer la liste des collaborateurs au service du groupe. Et les autres ? Rien. Tous se sont retranchés derrière le RGPD (règlement général sur la protection des données) pour refuser de nous transmettre leurs listes. Le PS ne nous a même pas répondu. Les Engagés et Écolo avaient aussi avancé cet argument, mais ils ont considéré que la demande de La Libre était légitime.

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On se retranche derrière le RGPD

Le chef de groupe MR à La Chambre, Benoît Piedbœuf, a répondu ceci : “Je n’ai pas d’objection par rapport à vos recherches et votre façon de traiter le dossier. Mais, selon la loi belge ainsi que selon les directives européennes, les informations que vous nous demandez de vous transmettre sont des données personnelles. Leur communication est dès lors limitée et au minimum soumise à l’accord formel des intéressés, sous peine d’enfreindre la loi. Il y a parmi nos collaborateurs, certains qui s’opposent à cette communication. En tant que responsable, je dois me soumettre à cette volonté. Ce n’est pas de la mauvaise volonté, c’est le respect d’une législation impérative. Nous n’avons rien à cacher, mais nous avons à respecter la loi. Le fait que certains soient distraits par rapport à leurs obligations les regarde”.

Un avis rendu par l’Autorité de protection des données (APD) relatif à la publicité de l’administration (Avis 42/2023) nous éclaire un peu quant à la légitimité de notre demande. Moyennant certaines réserves et nuances, la demande de La Libre pourrait être rencontrée. “Le transfert des données aux journalistes pourrait sembler proportionné et justifiable s’il cadre dans un débat d’intérêt public. Il y aura un exercice de balance à faire entre, d’une part, les droits et libertés des personnes, et, d’autre part, l’intérêt éventuel de la société à disposer de l’identité d’un collaborateur ou d’une collaboratrice parlementaire”, explique Aurélie Waeterinckx, porte-parole du l’APD. Elle précise aussi que ce n’est en aucun cas un avis officiel de l’APD qui ne peut pas s’exprimer “sur des cas concrets en dehors du cadre d’un dossier officiel”.

Pour conclure, rappelons que les noms des collaborateurs des cabinets ministériels dont on parle beaucoup en ce moment sont eux tout à fait publics.

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