France

De Nice à Lille, ces cimetières « chouettes lieux de vie » à visiter

Visites guidées, expos, concerts, conférences, etc. Jusqu’à dimanche soir, c’est la 8e édition du Printemps des cimetières « seul événement national dédié exclusivement au patrimoine funéraire », dixit le site de la programmation 2023. Lancé en 2016, ce printemps pas comme les autres réussit depuis à fédérer plus de 66 départements et à programmer plus de 300 animations. Et il permet de « susciter l’intérêt des Français qui ne sont pas concernés par le deuil, de parler d’un sujet que l’on évoque trop rarement », estime Sarah Dumont, autrice et fondatrice de Happy End.

Celle qui a également lancé les Apéros de la mort voit d’un bon œil cette « réappropriation des cimetières » : « A Bologne (Italie), on y organise tout l’été des concerts. Le programme est très riche. On s’y rejoint pour partager un moment en famille. C’est une belle réussite. » Et aux Ulis, des graffeurs y ont repeint l’entrée, égayé les poubelles. Quand, à Brest, les brebis aident à l’entretien des pelouses, ou ailleurs, les cours de yoga y fleurissent tout comme les jardins potagers. « Faire vivre nos cimetières sans manquer de respect à nos défunts, c’est aussi rendre hommage à nos morts autrement », avance encore Sarah Dumont. Selon elle, admirer l’architecture d’une sépulture ou « déambuler entre les allées avec les poussettes », c’est aussi enfin reconnaître « notre finitude et peut-être au final avoir moins peur de ce que l’on ne connaît pas ». Alors entre la tombe blanche d’Eddie Barclay et la mystérieuse « tombe aux bouchons » à Rennes, 20 Minutes vous livre un tour des cimetières des régions. Ceux qui ont du talent, ceux qui étonnent, ceux qui rayonnent.

Le cimetière Miséricorde, le « Père Lachaise nantais »

C’est sans conteste le plus emblématique cimetière de Nantes. Niché depuis 1793 au nord-ouest du centre-ville, le cimetière Miséricorde a acquis sa renommée grâce aux illustres défunts qui y reposent. On trouve ainsi de grandes familles bourgeoises (Graslin, Dobrée), des industriels (Lefèvre-Utile, Cassegrain, etc.), des militaires (Cambronne, Mellinet, etc.), des intellectuels et scientifiques (Laënnec, Mangin, etc.), des bâtisseurs (Pommeraye, Ceineray, etc.), des anciens maires (Guist’hau, Bellamy, etc.), des fusillés célèbres de la Résistance (Jost, Fourny, etc.), des religieux ou même les parents de Jules Verne. Voilà pourquoi il est surnommé le « Père Lachaise nantais ». Mais l’autre particularité de Miséricorde, c’est la beauté de ses monuments funéraires, parfois spectaculaires, et de ses grandes allées bordées de cyprès et tilleuls. Ce qui en fait un lieu de promenade apprécié des habitants.

Les allées bordées de tilleuls du grand cimetière Miséricorde, à Nantes.
Les allées bordées de tilleuls du grand cimetière Miséricorde, à Nantes. – Frédéric Brenon

A Rennes, la mystérieuse « tombe aux bouchons »

Il est surnommé le Père-Lachaise rennais. Plus ancien cimetière de Rennes, le cimetière du Nord abrite quelques célébrités locales parmi ses 14.000 tombes comme les familles Oberthur, Pinault ou Bessec. Mais son monument funéraire le plus emblématique et intriguant est la tombe de l’abbé Joseph Thébault, plus connue sous le nom de « tombe aux bouchons ». En très mauvais état, la sépulture est en effet jonchée de dizaines de bouchons de liège et de capsules de bières déposés telles des offrandes. Un rituel qui n’a pas encore livré tous ses mystères. Selon certains, les gens le feraient pour tenter de soigner leur alcoolisme.

A Terre-Cabade, Sainte Héléna fait toujours des miracles

Avec ses grandes colonnes néo-égyptiennes à l’entrée, le vieux cimetière toulousain de Terre-Cabade, construit en 1840, vaut le détour pour ses allées ombragées et ses grands hommes, avec notamment depuis peu Just Fontaine, et quelques monuments funéraires à la limite de la mégalomanie. Mais c’est une tombe plus humble, recouverte de lierre et tapissée d’ex-voto, qui y attire les foules (superstitieuses). Celle de Sainte Héléna. Héléna Soutadé de son vrai nom. Cette institutrice, élevée par les sœurs du couvent des Minimes à la mort de ses parents, est morte en 1885 à l’âge de 50 ans. Mais elle trouve rarement le repos puisque les Toulousains lui prêtent encore le don de rendre meilleur le destin de leurs enfants ou de les guérir. Cette conseillère d’orientation d’outre-tombe intercéderait aussi dans les affaires amoureuses. On raconte que deux tourterelles ont suivi son cortège funèbre jusqu’à Terre-Cabade.

La tombe de Sainte Héléna.
La tombe de Sainte Héléna. – B. Colin / 20 Minutes

A Lyon, Loyasse au label Refuge LPO

Entre Rhône et Saône, on le surnomme le « Père Lachaise lyonnais ». Le cimetière de Loyasse, niché sur la colline de Fourvière, est l’un des plus riches de France en matière de patrimoine funéraire. Il présente une variété très importante de chapelles et monuments du 19e siècle, réalisés par des grands noms de la sculpture ou de l’architecture lyonnaise. C’est là également que sont enterrées plusieurs personnalités de la ville comme l’ancien maire Edouard Herriot, le médecin Amédée Bonnet, Emile Guimet ou encore Pauline Jaricot. En 2017, il est également devenu le premier cimetière de France à être labellisé Refuge LPO (ligue protectrice des oiseaux)

Le cimetière de Loyasse, niché sur la colline de Fourvière à Lyon, est l’un des plus riches de France en matière de patrimoine funéraire.
Le cimetière de Loyasse, niché sur la colline de Fourvière à Lyon, est l’un des plus riches de France en matière de patrimoine funéraire. – JEFF PACHOUD

A Richebourg, hommage aux soldats indiens

C’est à Richebourg, dans le Pas-de-Calais, entre Lille et Béthune, que se trouve le mémorial de Neuve-Chapelle, l’un des rares monuments érigés en hommage aux soldats indiens morts au combat, en France et en Belgique, lors de la Première Guerre mondiale. L’endroit n’a pas été choisi au hasard pour bâtir cet édifice circulaire, orné d’une colonne flanquée de deux tigres portant des inscriptions en anglais, arabe, hindi et gurmukhî qui reflètent la diversité ethnique présente en Inde. Car si les soldats indiens ont été mis à contribution dès le début de la guerre, c’est lors de la bataille de Neuve-Chapelle, en mars 1915, que plus de 4.000 d’entre eux sont tombés sur le champ de bataille. Pour autant, le mémorial ne comporte aucune tombe, la grande majorité des soldats ayant été incinérés, alors que d’autres ont été enterrés en Allemagne où ils sont morts en captivité. Pour l’anecdote, le mémorial de Neuve-Chapelle, conçu par l’architecte britannique Sir Herbert Baker, a été inauguré en octobre 1927 par le maréchal Foch, lord Birkenhead, secrétaire d’État britannique à l’Inde, le maharadjah de Kapurthala et le célèbre romancier Rudyard Kipling.

Le mémorial de Neuve-Chapelle (Pas-de-Calais), l’un des rares monuments érigés en hommage aux soldats indiens morts au combat.
Le mémorial de Neuve-Chapelle (Pas-de-Calais), l’un des rares monuments érigés en hommage aux soldats indiens morts au combat. – Mikaël Libert

Le cimetière marin, l’identité de Saint-Trop’

Bienheureux celui qui a choisi ce lieu comme dernière demeure, en bord de mer, avec une vue imprenable sur le golfe de Saint-Tropez. Un lieu si particulier qu’il est même répertorié dans les guides touristiques, au même titre que la célèbre Eglise Notre-Dame-de-l’Assomption et son clocher qui font l’identité de Saint-Trop’. Le cimetière marin de Saint-Tropez est un des endroits les plus insolites de la Côte d’Azur. Les Tropéziens reposent en paix ici depuis 1791. Et l’on trouve parmi ses occupants quelques célébrités, comme Pierre Bachelet, Roger Vadim, et, évidemment, Eddie Barclay, dont la tombe toute blanche est ornée de vinyles.

Le cimetière du Château témoin de l’histoire niçoise

Ce n’est pas pour rien que le cimetière du Château figure en bonne place parmi les « activités » dont il faut profiter à Nice, selon TripAdvisor. Construit en 1783 sur la colline que les Grecs phocéens avaient eux-mêmes choisie pour fonder, il y a plusieurs millénaires, l’Antique Nikaïa, le lieu de recueillement est un témoin de l’histoire de la ville. Avec une vue à couper le souffle, de la mer à la montagne. Les sépultures de nombreuses personnalités niçoises, parmi lesquelles celle de l’écrivain Louis Nucéra, figurent dans la liste des 2.351 emplacements funéraires recensés par la municipalité. René Goscinny, l’un des deux papas d’Astérix, le réalisateur Georges Lautner et le joaillier Alfred Van Cleef y sont également inhumés. Le cimetière accueille aussi un mémorial hommage aux victimes du tragique incendie de l’opéra de Nice, survenu juste avant une représentation, le 23 mars 1881. Ce jour-là, près d’une centaine de personnes avait perdu la vie.

Le cimetière du Château et sa vue imprenable sur Nice.
Le cimetière du Château et sa vue imprenable sur Nice. – Ville de Nice

« Faire vivre nos cimetières, c’est en finir avec l’angoisse de la mort », rebondit encore Sarah Dumont, avant d’évoquer ces lieux « d’apaisement, ces îlots de fraîcheur et de biodiversité ». « On a tendance à protéger les enfants de la mort, à être dans le déni. On refuse de la côtoyer alors qu’elle est partout, dans toutes les séries télé. S’y retrouver entre différentes générations, c’est aussi l’occasion d’en parler plus sereinement, de se renseigner, de mieux l’appréhender », conclut encore l’autrice qui prêche pour que les cimetières deviennent de « chouettes lieux de vie ».