Belgique

Machine à voix, ultra-populaire dans sa région mais un homme simple… Paul Furlan est parti sans faire de bruit

Ministre stakhanoviste entre 2009 et 2017, année où, rattrapé par l’affaire Nethys, il sert de fusible d’un gouvernement wallon dépassé par les événements. En charge des pouvoirs locaux, sa compétence de prédilection, il n’avait pas compris que la double casquette de son chef de cabinet adjoint, Claude Parmentier, qui siégeait aussi au sein du conseil d’administration de Nethys, était problématique. Ayant la tutelle sur les intercommunales, il était nécessaire, pour son cabinet et pour lui-même, de présenter au moins l’apparence de la distance. Mais à l’époque, au PS, personne n’embêtait Moreau, ténor discret mais puissant du socialisme liégeois. Furlan, raisonnablement ambitieux, n’allait pas non plus faire le boulot que d’autres au PS se refusaient de faire.

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Mais quand le président du CDH, Benoît Lutgen, demanda sa tête à son homologue du PS, Elio Di Rupo, et au ministre-Président Paul Magnette, Furlan, bon soldat, mit sa plus belle et peut-être sa seule cravate pour annoncer, devant des journalistes convoqués en dernière minute, qu’il quittait ses fonctions. La gorge nouée et la larme taquinant son œil, il suivait les directives données par des chefs, plus coupables que lui d’avoir laissé prospérer Moreaux et consorts. Sans se plaindre, sans réclamer, sachant trop bien, sans doute, que la vie politique peut être cruelle et injuste. Au moment de démissionner, il déclara : “Si par mes actes, j’ai pu contribuer à ce qui va désormais se passer en Wallonie en termes de gouvernance, eh bien j’en suis fier.” Si, chez d’autres, de tels propos peuvent apparaître comme de la démagogie, chez Furlan, on est prêt à parier qu’ils étaient sincères.

Communication du Gouvernement wallon : Carlo Di Antonio , Paul Magnette , Maxime Prévot et Paul Furlan
Carlo Di Antonio, Paul Magnette, Maxime Prévot et Paul Furlan ©Jean Luc Flemal

Furlan n’était ni un ancien ni un moderne. Il penchait, néanmoins, un peu plus, qu’on le veuille ou non, dans la deuxième catégorie. Venant du privé, il savait ce qu’était la vie d’un petit entrepreneur. Mais il savait aussi que la politique, même à gauche, est parfois un cloaque.

Ce député-bourgmestre parmi tant d’autres réussira presque à sublimer la fonction de président de l’Union des Villes et Communes de Wallonie, tant et si bien que lorsqu’il passa la main, on se battait dans les rangs socialistes pour lui succéder. Il faut dire que le municipaliste était devenu ministre, ce qui fait rêver. Et comme ministre, d’ailleurs, il travaillait. Là, où d’autres que lui peinaient à faire passer leurs décrets, le ministre de pouvoirs locaux et du Tourisme qu’il était en 2014 se permettait, dans La Libre, d’annoncer qu’il avait rempli ses objectifs. Tous ses décrets étaient passés, il pouvait aborder la campagne électorale dans la sérénité, satisfait du travail accompli.

Et après le scrutin de mai 2014, il rempile et reçoit, en plus des Pouvoirs locaux, l’Énergie et le Logement. Lunettes rouges, pour la vue de près, tantôt sur le nez, tantôt sur le front, il a son style, son phrasé. Furlan n’était pas un orateur impressionnant mais il avait un charisme qui lui était propre. Serrer la main ? Très peu pour lui. Vous le connaissiez à peine qu’il vous faisait déjà la bise. Ancien fumeur, il aimait bien, parfois, encore en griller une. Plutôt que d’arrêter complètement de fréquenter les clous de cercueils, il avait simplement cessé d’en acheter. “Comme j’ai dit à mes amis que chaque fois que je leur taxe une clope, je leur paie un verre… je paie beaucoup de verres”, disait-il en souriant.

Machine à voix, ultra-populaire dans sa région, Paul Furlan était surtout un homme simple aux qualités humaines indéniables. Quelqu’un qui n’a jamais chopé ce goût malsain du pouvoir qui anime nombre de ses contemporains, ne supportant pas l’inévitable déclassement politique. Malade depuis un certain temps, il espérait, sans doute, gagner son combat et la politique n’était plus sa priorité. Paul Furlan a donc déposé ses outils, sans bruits… et sans cravate cette fois-ci.