Belgique

Les experts Covid évoquent un regret, trois ans après le début du confinement: « Une mesure aurait pu changer la donne »

À la veille du troisième anniversaire du premier confinement avait lieu ce mercredi la toute première journée internationale de sensibilisation au Covid long, une pathologie qui affecte le quotidien des patients. Comme pour rappeler, dans l’indifférence générale, que le virus continue de sévir. L’année dernière, chaque vague épidémique a entraîné une augmentation des hospitalisations et des décès avec un taux de formes graves certes très réduit grâce à la vaccination et l’immunité hybride mais pas nul.

Si le virus n’est pas éliminé et encore moins éradiqué de la planète, il ne le sera peut-être pas avant de nombreuses années, les experts accordent à dire qu’il est nécessaire de poursuivre les efforts visant à réduire le fardeau du Covid dans la population, de réduire les risques de Covid longs, et de limiter la mortalité.

« On aurait pu faire autrement, notamment avec plus d’anticipation »

Si l’heure n’est plus à l’état d’urgence qui justifiait il y a encore peu le port obligatoire du masque, les mesures drastiques prises il y a trois ans étaient-elles pour autant disproportionnées ?

“C’est une approche qui se comprend car on ne savait à l’époque pas grand-chose sur le virus, estime l’infectiologue Yves Van Laethem, qui ne croule plus sous les appels des journalistes. Quand on a compris l’impact sur notre santé, notamment en voyant les hôpitaux italiens empiler les morts, je pense qu’on a bien fait de fermer toutes les écoutilles. Il fallait prendre des mesures de précaution sans connaître l’intensité de la vague. À ce moment-là, un confinement avait du sens, surtout pour les pays à haute densité de population. Pour ceux qui ont suivi, on peut en rediscuter. Il y avait sûrement moyen de faire autrement, notamment avec plus d’anticipation”.

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”Notre prise de conscience a été lacunaire et trop tardive”

Et à côté des images dramatiques d’unités de soins débordées en Italie et ailleurs dans le monde, il y a les faits. Et s’ils ne trompent pas. “Ce qui était perturbant, c’est que pour un nouveau virus, le taux de mortalité observé au départ était très élevé (de l’ordre de 10 %), se souvient le virologue Steven Van Gucht. C’était nouveau et c’est un élément qui s’est révélé inquiétant au fil des infections. De plus, le profil des patients à l’hôpital était varié, il n’y avait pas que les personnes âgées. C’est là que je me suis dit que c’était différent d’une grippe. Je me rappelle d’ailleurs que le premier lockdown s’est décidé en trois jours. Quand je vois les chiffres de la première vague (10.000 morts en quelques semaines), je me dis que c’était nécessaire”.

De la destruction des masques à la “grippette”, Maggie De Block (Open Vld), ministre dans deux gouvernements et députée sous quatre législatures, s’est retrouvée sous le feu des critiques. “Encore une drama queen !”. Ces mots, Maggie De Block, ministre de la santé flamande du gouvernement à l’époque, les traîne comme un boulet. La libérale les a écrits le 28 février sur Twitter pour discréditer le les experts qui tentaient d’alerter le gouvernement sur le risque de débordement des hôpitaux, attendu avec le Covid.

“Notre prise de conscience a été clairement lacunaire et beaucoup trop tardive, déplore l’infectiologue. La prise de conscience politique a été trop molle au départ, ils n’ont pas pris conscience de l’intensité du risque. Quand on s’est rendu compte de la gravité de la situation, l’ennemi était déjà dans les couloirs. Généralement, on a trop longtemps eu un coup de retard sur le virus. Il faut dire que beaucoup de scientifiques, dont moi, n’ont pas pensé que ça irait aussi loin, on a été dépassé par la taille du tsunami”.

« On a manqué de bons sens et de clarté dans notre communication »

Pour Van Gucht, la principale lacune tourne autour du manque de préparation. “Nous n’étions pas prêts à faire face à une telle pandémie, résume Van Gucht. Nos structures de soins et de suivi des virus étaient sous-financées, nous n’avions pas assez d’inspecteurs d’hygiène ni de systèmes de prévention. On ne pouvait pas organiser de tracing à grande échelle, il y avait un manque cruel de soignants dans les hôpitaux et les maisons de repos et la première ligne n’était pas assez bien formée. Par la suite, nous n’avons pas réussi à être consistants dans nos mesures, et c’est encore le cas aujourd’hui. Il ne fallait pas trop assouplir puis renforcer la garde au moindre rebond, on a manqué de clarté et de bon sens dans la communication”.

Le Belgique prête à affronter de nouvelles épidémies ?

Si le port du masque buccal reste obligatoire encore aujourd’hui auprès de certains prestataires de soins et dans certaines institutions de santé, cette protection aura mis du temps avant de faire l’unanimité. “Au départ, il n’y avait aucune recommandation scientifique, même de la part de l’OMS, poursuit Van Laethem. Pourtant, si on l’avait introduit beaucoup plus tôt, les confinements successifs auraient été moins intenses. Le problème, c’est qu’à l’époque, rien ne permettait de l’ériger en dogme. Les études actuelles montrent qu’il est efficace mais que cette mesure seule ne suffit pas. Par la suite, on a balbutié avec l’obligation du port du masque, comme dans tous les autres pays et globalement, on a manqué de prévoyance”.

Effets indésirables des vaccins, inquiétude au sujet des variants…: les dix questions que l’on se pose encore sur le Covid-19

Quelques mois après l’apparition du virus, le vaccin est également venu soulager les hôpitaux et alléger le quotidien de la population. Les vaccins anti-Covid-19 auraient même sauvé 19,8 millions de vies dans le monde, d’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Une estimation qui recoupe d’ailleurs des affirmations portées par d’autres sources sur le sujet. Toutefois, si les vaccins ont sauvé des vies, ils ne réduisent pas la circulation du virus, selon la majorité des experts. C’est pourquoi il faut continuer à investir dans de nouveaux vaccins et dans des remèdes plus faciles à administrer, comme avec un spray nasal.

“Avec la vague Alpha en Angleterre puis Delta en Inde, on s’est rendu compte que les populations vaccinées étaient bien moins présentes en soins intensifs, tout comme le taux de mortalité était plus faible, rappelle-t-il. C’est un facteur qui démontre toute son importance. D’ailleurs, si vous êtes vaccinés aujourd’hui, les statistiques de Sciensano montrent qu’il y a un gain de 80 % de protection face aux formes graves de la maladie. C’est pour cela qu’il reste vivement conseillé pour les personnes âgées et les gens à risques, malgré les dires de certains courants anti-vaccins”.