Belgique

Le greffier du Parlement wallon : « Jusqu’il y a six mois, je n’ai entendu que des félicitations sur la jonction piétonne »

Oui j’ai rarement vu une affaire pareille. La présomption d’innocence a été foulée aux pieds. Il y a eu un procès politique et un procès médiatique. Je respecte profondément la justice. On entend une foule de suppositions mais des faits il y en a peu. Je viens avec des faits. Dans tout ce que j’ai entendu, il n’y a pas grand-chose qui tient la route. Je n’ai jamais profité, un seul instant, de l’argent public, je n’ai pas pris de décisions dans mon coin sans informer personne, comme un électron libre.

Certains députés pointent votre responsabilité dans les dérapages. Vous ne faisiez plus aucun compte rendu au Bureau sur l’état d’avancement des travaux du Parlement ?

C’est de la fiction. Il suffit de regarder le règlement du Parlement que les députés ont eux-mêmes voté. Ce règlement précise comment les dépenses sont faites. D’abord, aucune dépense n’est possible s’il n’y a pas de budget. Le budget, ce n’est pas le greffier qui le fait, seul dans son coin. C’est le Parlement qui l’adopte après un travail en commission. Ensuite, à la fin de l’exercice, il y a des comptes (NdlR : les montants réels des dépenses et des éventuelles recettes). J’ai introduit, il y a plusieurs années, un contrôle budgétaire au 30 juin. Pour quelqu’un qui voudrait faire le malin et ne pas être contrôlé, c’est assez saugrenu d’avoir fait ça. Chaque année, au début du mois de juillet, le Bureau reçoit l’exécution provisoire des comptes de l’année en cours. C’est très précis, contrairement à ce que disent certains députés. Qu’ils regardent les documents qu’ils reçoivent. Ça permet de voir où il y a des dépassements par exemple. Chaque année, le Bureau a décidé qu’il ne fallait pas revenir devant le Parlement. Il était donc conscient où on en était dans l’exécution du budget.

Les comptes sont vérifiés en fin d’exercice aussi ?

Ils sont vérifiés par des vérificateurs. En 13 ans, j’ai rencontré 17 vérificateurs au compte. Quand ils ont terminé leur travail, ils présentent leur rapport en commission. En 13 ans, il y a eu, au total, 32 députés qui ont eu à connaître des rapports de ces vérificateurs. Lorsqu’un rapport est adopté par la commission, il est envoyé aux députés. C’est un rapport d’une dizaine de pages qui synthétise le compte de résultat, le bilan et l’état du patrimoine. Quand j’entends que j’aurais pris toutes ces décisions dans mon coin et dépenser tout cet argent sans en rendre compte, les bras m’en tombent. Ça n’est pas la réalité.

Aucun député ne s’est ému de ces dépassements ?

Jusqu’il y a six mois, je n’ai entendu que des félicitations sur la jonction piétonne (NdlR : le fameux tunnel), son caractère pratique, mais aussi le gain en matière de sécurité. Quant à la maison des parlementaires, j’ai fait des visites avec des parlementaires qui trouvaient que c’était l’infrastructure dont on avait besoin, que c’était fonctionnel et qu’il n’y avait rien de luxueux. Tout à coup, c’est devenu un palais. J’accepte que les gens changent d’avis, mais je ne vois pas pourquoi cela suppose de jeter le greffier en pâture sur la place publique.

On vous reproche aussi un conflit d’intérêts dans un marché public touchant à l’informatique, vous avez respecté les règles ?

Il y a eu six offres. La décision d’attribution motivée fait dix pages et il n’y a eu aucun recours.

Il vous a été reproché des frais excessifs de téléphone à hauteur de 25 000 euros lors d’un voyage privé au Costa Rica…

… En avril 2015. Je reconnais que ce montant est énorme. La vérité de ce dossier est que je n’ai jamais entendu parler de cette facture. Que s’est-il passé ? Le fonctionnaire chargé de contrôler ces factures la reçoit, j’imagine, au mois de mai 2015 et plutôt que de venir m’en parler ou d’en parler au Bureau, que fait-il ? Il fait une copie de la facture. Et sept ans après quand on sort d’autres dossiers et qu’on est contrarié par la réforme des fins de carrière, on va livrer ce document à un journaliste. J’ai répondu que je suis bien allé en vacances au Costa Rica où j’ai traité 306 demandes d’interpellations et de questions orales pour la conférence des présidents qui avait lieu le jeudi de mon retour. Quand je découvre cette facture, je constate qu’elle représente 3, 3 gigas de données (NdlR : les frais de roaming sont très élevés hors Europe). Il faut savoir ce que représentent 3, 3 gigas de données. L’abonnement de base de Proximus, c’est 12 gigas.

Pourquoi deviez-vous accompagner les déplacements à l’étranger du Président du Parlement et des membres du Bureau ?

Parce qu’on voit mal, pour le voyage à Dubaï, par exemple, le président du Parlement débarquer seul à l’aéroport, prendre le bus pour aller à l’expo et s’occuper lui-même de fixer ses rendez-vous. Il y a un minimum d’égard à avoir. Le président du Parlement est, qu’on le veuille ou non, le premier des Wallons et il y a des aspects protocolaires. La tradition veut que le greffier qui travaille le plus souvent avec le président soit bien placé pour assurer l’accompagnement de ce type de déplacement. Quant à l’accompagnement du Bureau, je rappelle que j’en suis le secrétaire.