Belgique

Le greffier du Parlement wallon se confie à La Libre : « Demander de travailler à quelqu’un qui est payé pour cela, ce n’est pas du harcèlement”

Pourquoi vous exprimez maintenant et pas plus tôt ?

Je suis respectueux des procédures. Il y a d’abord le travail de la justice. J’ai été entendu hier (NdlR, le jeudi 23 mars) par les enquêteurs pendant six heures et demie. Je pense que ça peut libérer un peu la parole même si je ne m’exprimerai pas sur le fond des dossiers. Ensuite, j’ai voulu laisser le Bureau du Parlement travailler dans la sérénité. J’ai été suspendu en raison du climat social. On pouvait imaginer que le Bureau allait l’apaiser et que j’allais pouvoir reprendre mes fonctions. Au lieu de ça, j’ai été à nouveau suspendu et je fais désormais l’objet d’une procédure disciplinaire. Je me permets de dire que j’ai reçu le dossier et je ne vois pas ce qui pourrait m’être reproché.

Au bout de cette nouvelle suspension, vous pourriez donc retrouver votre poste ? Sereinement ?

Oui, je pourrais le récupérer si la sérénité est rétablie. Mais ce n’est pas à moi d’en décider. Je n’ai pas voulu cette situation. Et elle me vaut beaucoup de problèmes avec l’opinion publique puisqu’il en ressort que je suis payé à ne rien faire alors que j’ai toujours beaucoup travaillé. Je voudrais pouvoir justifier mon salaire. J’ai proposé à plusieurs reprises des médiations pour apaiser les conflits. Cela a été refusé à chaque fois.

On évoque 14 plaintes pour harcèlement. Qu’est-ce que vous pouvez dire ?

L’accès au dossier m’a été refusé jusqu’à présent. Il est donc difficile de parler de ce qu’on ne connaît pas. Mais je peux parler de la problématique globale du harcèlement. Je veux dire que l’exercice de l’autorité hiérarchique, ce n’est pas du harcèlement. Demander de travailler à quelqu’un qui est payé pour cela, ce n’est pas du harcèlement. Formuler des griefs à l’égard de quelqu’un qui ne remplit pas les objectifs qui ont été convenus, ce n’est pas du harcèlement. À côté de ça, je reconnais bien volontiers qu’il a pu y avoir des mots et des comportements ressentis plus ou moins bien.

Il y a un enregistrement où les mots que vous employez sont durs, violents même…

Je comprends qu’on puisse en avoir cette perception. Mais en aucun cas, ce ne sont des menaces de mort. Je n’ai jamais proféré de menaces de mort à l’égard de quiconque. Il s’agit d’une formule (NdlR: “Tu seras à la morgue à midi”) dont on a fait une sentence. Ils ont été prononcés dans un contexte extrêmement grave. Ils ont été prononcés plutôt d’homme à homme que de supérieur hiérarchique à collaborateur. Vous me permettrez de réserver l’explication de ce contexte grave à l’auditeur du travail.

On évoque aussi une révision du statut des agents du Parlement qui aurait créé de l’animosité à votre égard ?

C’est lié bien sûr. Il suffit de faire une ligne du temps et de voir ce qu’il se passe. Je reprends la base du problème. Il y a un contrôle de l’ONSS qui porte sur des avantages concédés au personnel…

Quels avantages ?

La prise en charge de la moitié du minerval des enfants des agents par exemple. Je fais donc rapport de ce contrôle au Bureau et celui-ci me dit qu’il faut réformer les statuts et que c’est l’occasion de faire une réforme plus globale. Il y a plusieurs réunions du Bureau où l’on discute de la philosophie de la réforme. D’autres axes sont identifiés. Le premier vise à lutter contre l’absentéisme endémique. Le deuxième touche à l’allongement de la durée des carrières. Enfin le troisième axe, qui a été l’élément détonnant, c’était de mettre fin à un système de préretraite hors du temps. Les agents peuvent partir à 59 ans en conservant 100 % de leur traitement la première année. Et si on fait la moyenne de ce qu’ils conservent sur les cinq premières années, c’est 75 % de leur traitement, sans devoir travailler. Tout cela a crispé un certain nombre de fonctionnaires qui entendaient bénéficier du système. Au sein du Bureau, qui avait pourtant adopté cette réforme à l’unanimité, certains ont encouragé les agents qui n’étaient pas contents à manifester leur révolte.

Qui sont-ils ?

Je ne dirai pas les noms pour l’instant mais je le dirai un jour. Tout cela conduit à l’affaire que nous connaissons et qui est surtout très mauvaise pour la Wallonie, son, Parlement et la démocratie.

Par le passé, vous avez déjà fait l’objet d’une plainte pour harcèlement au niveau du Parlement wallon. En 2018, vous aviez gagné…

Je n’aime pas l’idée de gagner. Ce qui est intéressant lorsqu’il y a une plainte c’est l’analyse qui est faite et les conclusions qu’on en tire. On retrouve dans cette plainte tout ce qu’on me reproche partout depuis tant d’années. C’est-à-dire d’être exigeant, rigoureux et de tenir des objectifs. Que dit le tribunal ? “Les actes posés par Monsieur Janssens sont légitimes compte tenu des devoirs de sa charge, mais il est possible qu’en fonction du ressenti de telle ou telle personne des difficultés surgissent”. Cela n’invalide pas du tout mon management.

Est-ce que vous vous êtes quand même interrogé sur votre manière de vous comporter ?

Bien sûr. J’ai suivi des sessions de coaching et j’ai réfléchi aux mots et aux comportements. Je ne conteste pas que j’ai pu manquer d’empathie, que j’ai eue des mots et comportements ressentis négativement par certains. Je regrette profondément que des agents du Parlement aient eu à souffrir de difficultés dans leur vie professionnelle. Il n’y a rien qui justifie ça, si ce n’est le contexte professionnel dans lequel on est. Mon métier c’est de concilier les exigences parlementaires et les moyens qui sont à ma disposition. J’ai toujours considéré que les parlementaires devaient avoir les meilleures conditions pour exercer leur mandat et parfois les moyens ont posé des difficultés.