Belgique

La police fédérale bientôt sans grand patron, ni successeur désigné : “La gestion politique de ce dossier est honteuse”

Confrontées à un manque de moyens dans un contexte de guerre contre la drogue, contre la criminalité financière ou encore contre la menace terroriste, les forces de l’ordre se sentent surchargées et peu entendues. S’ajoutent à cela les cas de violence à l’égard de policiers qui se multiplient – avec le triste exemple du meurtre du policier Thomas Montjoie, en novembre 2022 à Schaerbeek – et donnent l’impression à certains policiers d’être délaissés par leur propre hiérarchie.

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Lassé, coincé et en manque de popularité, Marc De Mesmaeker s’en ira donc. Son mandat se termine le 15 juin 2023, soit dans huit semaines. Sauf qu’à l’heure actuelle, rien n’a été fait pour l’ouverture du poste et permettre son remplacement. La perspective d’une chaise vide à un tel poste inquiète dans les rangs de la police, d’autant plus que la situation pourrait durer de longs mois, voire quelques années.

En effet, la procédure de nomination prend au moins six mois, et elle est conditionnée à d’autres éléments, notamment politiques. L’an 2024 étant une année électorale, aucune nomination ne pourrait être effective tant qu’un gouvernement ne sera pas officiellement en place. Quand on voit combien de temps il fallut pour que naisse la Vivaldi, autant dire que la crainte de ne pas voir de véritable chef à la tête de la police préoccupe grandement les policiers.

Règles linguistiques

À cela, s’ajoutent d’autres incertitudes concernant la succession d’André Desenfants, qui était directeur général de la police administrative (DGA), mais qui n’est plus en poste. Celui qui fut donc numéro deux de la police fédérale a vu sa popularité s’effriter après l’affaire Jozef Chovanec, du nom de ce passager d’origine slovaque mort quelques jours après son interpellation à l’aéroport de Charleroi, en février 2018. Il aurait pu rester en poste malgré tout, mais a décidé de plier bagage et de prendre sa retraite.

Un successeur à André Desenfants doit donc aussi être trouvé. Mais, cette fois, une ouverture du poste a bien eu lieu. Quatre candidats ont été entendus, trois francophones et un néerlandophone. Et c’est Wald Thielemans, bras droit d’André Desenfants, qui est arrivé premier aux différents tests. Problème : c’est un francophone qui doit, en principe, reprendre la place laissée par André Desenfants. Wald Thielemans est considéré comme un néerlandophone. Sa nomination ne respecterait pas la parité linguistique en vigueur dans la hiérarchie policière.

En effet, les quatre fonctions les plus élevées à la police fédérale – commissaire général ; directeur général de la police administrative (DGA) ; directeur général des ressources humaines (DGR) et directeur général de la police judiciaire (DGJ) – sont soumises à un équilibre linguistique : deux fonctions reviennent aux francophones et deux fonctions, aux néerlandophones.

À l’heure actuelle, le commissaire général, Marc de Mesmaeker est néerlandophone. À la tête de la DGR, il y a la néerlandophone Dominique Van Rykeghem. Et c’est le francophone Eric Snoeck qui est à la tête de la police judiciaire. Reste donc la place à occuper par le remplaçant d’André Desenfants qui, selon ce principe linguistique, revient donc à un francophone. Mais c’est bien Wald Thiemens qui occupe actuellement le poste, induisant un déséquilibre au niveau linguistique. Pour éviter toute infraction à ce principe, Wald Thielemans n’a pas été officiellement nommé, il est en place ad interim.

”Au moment opportun”, dit la ministre

L’absence d’ouverture de poste pour trouver un successeur à Marc De Mesmaeker et le fait que le numéro deux de la police fédérale ne soit pas officiellement nommé inquiètent bon nombre de policiers.

Selon de nombreuses sources, ce jeu de chaises musicales (et de chaises vides) serait le reflet d’une “stratégie politique” en vue de placer les “bons pions, au bon endroit”.

”Ce qui se passe actuellement, avance un policier, c’est qu’on a 14 000 personnes qui vont continuer à bosser sans avoir de véritable patron. De Mesmaeker s’en va, mais Madame Verlinden n’ouvre pas l’appel à candidature, ce qui signifie qu’on aura personne à sa place avant un bon bout de temps. La gestion politique de ce dossier est honteuse. Il n’y a que la Belgique qui est capable d’avoir une police sans chef.

Contacté, le cabinet de la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden (CD&V) a répondu “qu’au moment opportun, et en concertation avec le ministre de la Justice, un appel à candidatures pour le mandat de commissaire général de la police fédérale sera publié au Moniteur belge. Dans ce cadre, je prendrai les décisions relatives à la déclaration de vacance du mandat et à la date limite d’introduction des candidatures, ainsi qu’à la composition de la commission de sélection. Dès la publication, un calendrier pourra être établi pour la sélection et la nomination”. Et d’ajouter que “le processus de sélection pour le mandat de DGA est en cours. Entre-temps, Wald Thielemans occupe le poste ad interim”.