Belgique

Entre craintes, appréhensions et interrogations, l’absence de futur chef au sein de la police fédérale ne laisse pas indifférent

Outre Wald Thielemans, ancien bras droit d’André Desenfants et actuel directeur général ad interim, on évoque Eric Delhez, le patron de la DAB (la police en charge de la sécurisation d’infrastructures critiques), Eric Snoeck (actuellement à la tête de la police judiciaire fédérale) ou encore Olivier Libois (chef de corps de la police de Namur) comme candidats potentiels, soit au poste de commissaire général, soit au poste de directeur général.

Avec de tels pedigrees, la ministre de l’Intérieur semble avoir l’embarras du choix pour éviter le vide à la tête de la police. Mais elle ne fait rien pour que ça soit réglé. C’est digne de la Belgique, un tel bazar”, glisse une source, particulièrement en colère. “Ou alors, la ministre n’a pas trouvé son bon soldat. Après tout, il ne suffit pas d’avoir le bon CV”, lance une autre personne.

Une question de timing

N’y avait-il donc pas de candidat à la bonne étiquette linguistique et apte à occuper la fonction de manière officielle, et permettre ainsi d’avoir au moins un grand patron effectif à la tête de la police ? C’est justement l’une des nombreuses questions que se posent les policiers rencontrés.

Le jeu est politique mais aussi linguistique, lance un interlocuteur. Actuellement, c’est un flamand qui est à la tête de la police, et la logique voudrait que ce soit un flamand qui le remplace. Dans ce cas-là, Wald Thielemans ne pourra pas rester numéro deux, car lui-même est flamand et occupe, ad interim, la place d’un francophone. Il ne pourra rester que si une piste se dégage : celle permettant qu’on nomme un francophone à la place de Marc De Mesmaeker, et ainsi garder un néerlandophone en tant que numéro deux. Dans ce cas-là, Thielemans pourra rester en poste tranquillement et être officiellement nommé. C’est malin.

Une autre source nuance. “Quand la commission de sélection a classé Wald Thielemans premier, la ministre de l’Intérieur a pris un arrêté qui permet de le désigner ad interim, dans l’attente d’une désignation officielle. Cela tient la route d’un point de vue réglementaire puisque cela ne rentre pas dans le calcul linguistique. De plus, une véritable nomination pourrait avoir lieu du jour au lendemain », commente cette personne. Qui estime que la ministre de l’Intérieur attend sans doute le bon timing pour lancer les processus de renouvellement. “Les commissions de sélection auront probablement lieu après le 15 juin et Verlinden verra sans doute si c’est un francophone ou un néerlandophone qui sera classé premier. En fonction de cela, les deux nominations – pour un commissaire général et pour un directeur général – pourront avoir lieu en même temps. Cela ouvre donc toutes les portes du possible, que l’on soit francophone ou néerlandophone, peu importe le poste visé.”

« Déni de démocratie »

Mais pour un autre interlocuteur, le problème central de ce dossier – et qui risque de fragiliser le fonctionnement de la police – réside dans le fait que la ministre de l’Intérieur n’ouvre pas rapidement la place de commissaire général. “Même le ministre de la Justice demande que cela se fasse au plus vite, mais la ministre de l’Intérieur ne bouge pas. Je trouve ça aberrant.”

Une autre source ajoute : “Si le commissaire général s’en va sans qu’un appel soit lancé au plus vite, cela veut dire qu’on aura sans doute quelqu’un ad interim à sa place alors que, dans le même temps, le numéro deux est déjà ad interim. Donc nous n’aurions en fait aucun décideur, que des remplaçants avec zéro possibilité d’apporter de véritables changements, ni de prendre de décisions. C’est la plus mauvaise situation que l’on pouvait imaginer à la tête de la police. Madame Verlinden a une énorme responsabilité car la situation actuelle ressemble à un déni de démocratie”.

Enfin, selon une autre source, la situation n’est pas si catastrophique que cela, d’autant, rappelle cette personne, qu’il n’est pas rare de voir des hauts responsables occuper un poste ad interim. “Le parquet du procureur du roi de Bruxelles, le plus grand du pays, fonctionne bien sans qu’un procureur soit nommé. À la tête de l’Ocam (Office de coordination de l’analyse de la menace), c’est aussi une personne ad interim. Je pense donc qu’on s’inquiète sans raison. Le plus important, c’est d’avoir un futur patron avec un certain leadership, un rassembleur, quelqu’un qui bénéficie de la confiance des policiers et du politique. Ce type de profil, il y en a. La ministre de l’Intérieur le sait et elle a toutes les cartes en main pour nommer les bonnes personnes à la bonne place.”