Belgique

John Pitseys (Ecolo): « Dire aux Bruxellois qu’il faut un métro sans avoir les moyens de le payer, c’est irresponsable »

Le gouvernement, pourtant, prévoit d’augmenter les tarifs du ticket Stib, via une indexation. Le signal est contradictoire, alors que STIB avait été rendue gratuite pour les jeunes. “Globalement, on a quand même fait beaucoup en termes d’accessibilité des transports collectifs durant cette législature. Il y a quand même une quasi-gratuité pour les jeunes et les personnes âgées, avec un maintien des tarifs préférentiels. Et surtout, depuis 10 ans, il n’y avait pas eu d’indexation des tarifs”, ajoute ce diplômé en philosophie, ancien membre du Centre de recherche et d’information socio-politiques (Crisp).

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« Les acteurs politiques favorables au métro peuvent être aussi nombreux qu’ils veulent, cela ne fait pas grand chose face à trois milliards d’euros. »

Alors que les investissements dans la mobilité ont occupé une grande partie des débats budgétaires, le métro en a été paradoxalement relativement absent. Les travaux du métro 3 entre la station Albert et la gare du Nord, certes, se poursuivront. Le gouvernement de Rudi Vervoort a par contre refilé à la prochaine majorité une fameuse patate chaude : la question de la poursuite, ou non, du très coûteux tronçon du Métro 3 entre la gare du Nord et la station Bordet. “C’est une décision sage, pointe John Pisteys parlant de ce décision de reporter cette question à 2024. Elle devra être suivie par une discussion forcément importante sur la pertinence de financer ce deuxième tronçon. Le métro fait partie de ma vie. Quand j’étais adolescent, je tombais dans chaque rame sur une publicité que les gens de ma génération connaissent par cœur. On voit un homme tendre la main. En dessous, il est marqué : ‘Besoin d’argent ? Maurice Noël, prêt à tempérament’. Mais voilà, Maurice Noël n’existe pas. Si ce n’est pas Maurice Noël, qui paie ?”

Le projet de financement présenté par Sven Gatz dans la Libre,incluant notamment la taxe kilométrique, n’a pas convaincu le chef de groupe Écolo. “J’aurais aimé avoir un timing, une méthode et un plan de financement, mais à ce stade, personne ne les trouve. Le plan de financement de l’opposition tient en une phrase : ‘On a besoin d’une ambition pour Bruxelles’. Et quand on leur demande comment on la paye, ils répondent : ‘On a besoin d’une ambition pour Bruxelles’. Moi aussi, j’ai de l’ambition pour Bruxelles. Mais je la mets dans la nécessité de reconstruire des piscines, comme récemment avec Neptunium, de créer des terrains de sport, d’aménager l’espace public, de mettre du vert dans la ville, de constituer des nouvelles lignes de tram et de bus. Moi, je ne travaille pas pour le béton de Bruxelles.”

Écolo, clairement, juge le métro infinançable. Pourquoi dès lors ne pas le dire simplement et tout arrêter, sans attendre 2024 ? “Ce n’est pas à moi qu’il faut poser la question. Je sais qu’il y a pas mal d’acteurs politiques qui sont favorables au métro. Mais ils peuvent être aussi nombreux qu’ils veulent, ce nombre ne fait pas grand-chose face à trois milliards d’euros (NdlR : le coût du trançon de métro entre la gare du Nord et Bordet), rétorque le député bruxellois. Si le MR veut financer le métro qu’il propose quelque chose de sérieux. Se contenter de dire qu’il faut un partenariat public privé, ce n’est pas sérieux, déjà pour les habitants. Cela veut dire recommencer à zéro l’ensemble des travaux d’ouvrage. Et promettre aux Bruxellois qu’ils auront un métro dans 5 ans, en sachant pertinemment qu’ils ne l’auront dans 10 ou 15 ans, au mieux.”

Dans ces conditions, la question qui se pose est claire : Écolo veut-il, ou non, sauver le métro bruxellois ? “(Très longue pause). Dire aux Bruxellois qu’il faut un métro sans avoir les moyens de le payer, c’est irresponsable. S’engager dans des travaux sans être sûr de les financer d’une part, tout en étant certain, d’autre part, qu’ils vont éventrer des quartiers entiers de Bruxelles pendant 5 ou 10 ans, c’est irresponsable également. Celui qui se présente devant les Bruxellois sans avoir une vision de la mobilité ni savoir comment lutter contre les inégalités territoriales, c’est jouer du banjo.”

John Pitseys vise le MR, et David Leisterh, qui espère remplacer le PS à la ministre Présidence. “J’ai lu l’interview de Ridouane Chahid dans La Libre (chef de groupe PS au Parlement bruxellois.) Il a presque été charitable avec le MR. Parce qu’il estimait qu’avec ce MR-là, ce ne serait pas facile de gouverner. Pour que la question de gouverner avec eux se pose, il faut d’abord que le MR soit clair sur sa volonté de gouverner plutôt que de simplement gagner les élections. Le MR est dans l’opposition depuis 20 ans et les Bruxellois n’ont pas la moindre idée de ce qu’il ferait s’il devait accéder aux responsabilités. Et ça, ce n’est pas responsable. À ce stade de maîtrise de l’écran de fumée, ça relève des beaux-arts.”

Ridouane Chahid (PS): « Si le MR continue d’avoir un discours proche de l’extrême droite, ce sera compliqué de gouverner avec eux »