Belgique

Georges Gilkinet sur la crise de l’accueil : “On a essayé de nous forcer à plusieurs reprises à un accord”

La crise de l’accueil s’éternise depuis de longs mois. Pourquoi a-t-il fallu tant de temps pour que la Vivaldi accorde ses violons ?

C’est une matière délicate, qui est à la fois technique et humaine. Surtout, on se trouve dans une situation extraordinaire sur le plan international, avec la guerre en Ukraine et de nombreux conflits ailleurs dans le monde. Objectivement, la pression est très forte. Et puis, Theo Francken (ancien secrétaire d’État à l’Asile, N-VA) et le gouvernement précédent ont un peu fait tabula rasa avant de partir, en désorganisant des structures d’accueil qui fonctionnaient bien, qu’il a fallu recréer, parfois pour des coûts très élevés. Donc, techniquement et budgétairement, c’est un dossier très complexe.

Crise de l’accueil : la Vivaldi accouche d’un accord mais doit encore convaincre

Ecolo a-t-il bloqué les négociations, comme on a pu l’entendre ?

On a essayé de nous forcer à plusieurs reprises à un accord. Mais ce n’était pas possible pour nous d’accepter un paquet législatif sur la politique migratoire tant qu’on n’avait pas trouvé une solution pour l’accueil à proprement parler. La symbolique du squat de la rue des Palais ou du village de tentes devant le Petit Château était trop forte : il fallait des solutions. En 2023, dans un pays riche, c’est inacceptable de laisser dormir des gens à la rue. Aujourd’hui, il y a encore près de 2 000 personnes qui ont droit à l’accueil mais qui n’ont pas obtenu une place dans les centres. C’est compliqué de faire partie d’un gouvernement qui ne rencontre pas ses obligations et qui est condamné par la justice belge et européenne. Donc, effectivement, j’ai bloqué à plusieurs reprises le dossier “migratoire”, pour pouvoir débloquer le dossier “accueil”. On était engagé dans un véritable bras de fer, mais les débats sont toujours restés respectueux. Aujourd’hui, on a abouti à un accord, mais je ne vais pas dire que c’est une victoire. On a simplement fait notre devoir.

Pourquoi PS et Ecolo défendent une ligne dure dans la crise de l’accueil

Outre certaines avancées sur la protection des personnes vulnérables, le nouveau paquet de mesures se dirige tout de même vers un durcissement des règles, notamment en termes de regroupement familial. Pouvez-vous réellement être satisfait de ce deal ?

On a dû trouver des équilibres. L’accord est certainement différent que si j’avais dû le négocier avec moi-même. Mais globalement, nos demandes ont été entendues. Dans ce paquet, il y a des progrès fondamentaux en termes de droits, pour la protection des femmes, des victimes de violences conjugales, des victimes de mutilations génitales. Il y a aussi la reconnaissance des apatrides. Et surtout, l’interdiction d’enfermer des mineurs en centre fermé. C’est quelque chose d’essentiel pour les écologistes, qu’on a défendu bec et ongles : on n’enferme pas un enfant, point.

L’accord exclut par contre toute forme de régularisation collective par le travail, une piste qui avait été évoquée par Ecolo

On n’a pas pu aller au bout sur ce point-là. Vu le caractère vraiment irrationnel du débat et la pression – notamment venue de Flandre, il faut la nommer – c’est difficile d’avoir des discussions sereines sur le sujet. Mais je ne désespère pas d’y arriver un jour. Parce que c’est finalement le bon sens. Il y a des centaines de métiers en pénurie et d’emplois qui ne demandent qu’à trouver des candidats. Ça ne doit pas être un tabou de dire à des personnes qui ont envie de travailler de se mettre au travail, de payer des impôts, des cotisations sociales, et de créer de la plus-value pour notre pays. C’est ce qui se passe en Allemagne, et ce n’est pas pour rien que c’est la première économie d’Europe. C’est la meilleure manière aussi de lutter contre le travail au noir, ainsi que de recréer du bien-être et de la prospérité en Belgique.

Des sans-papiers pour exercer les métiers en pénurie? L’idée est loin de faire l’unanimité

On parle de la création de 2 000 places d’accueil supplémentaires. Aura-t-on suffisamment de personnel pour gérer ces nouveaux centres ?

C’est évidemment un autre enjeu. Après avoir trouvé des lieux d’accueil, il faut trouver du personnel. Mais c’est une des difficultés qu’on observe dans plusieurs secteurs de l’économie. C’est pour ça aussi qu’on a vraiment insisté – et ça a été accepté – pour que les personnes qui sont en demande d’asile puissent elles-mêmes donner un coup de main et être actives dans les centres.

L’objectif du gouvernement est de garantir l’accueil à tous ceux qui ont le droit d’en bénéficier d’ici l’hiver 2023-24. Est-ce réaliste ?

Oui, mais on ira progressivement. J’ai insisté pour qu’il y ait une évaluation régulière et intermédiaire de ces objectifs. On a des clauses de rendez-vous avec la secrétaire d’État. On sait malheureusement que les objectifs énoncés ne sont pas toujours atteints, car il peut y avoir des contraintes techniques. Mais on va pouvoir, très rapidement, voir comment ça évolue, ajuster les mesures et venir avec d’autres pistes – comme un plan de répartition obligatoire entre les communes – si nécessaire.