Belgique

Au procès des attentats de Bruxelles, la Sûreté maintient le silence radio sur Oussama Atar

Juges, jurés et avocats ont tenté d’en savoir plus, mais Pascal Pétry s’en est tenu aux trois notes qui ont été versées par la Sûreté au dossier judiciaire. Oussama Atar – probablement tué par une frappe en Syrie en novembre 2017 – est accusé dans ce procès. Il a déjà été condamné à perpétuité en France pour son rôle de dirigeant dans les attentats de Paris.

Les neuf ans passés par Atar en Irak, en grande partie dans des prisons américaines ? “Informations classifiées”. Ses nombreuses visites en 2012-2013 à ses cousins El Bakraoui en prison : la Sûreté savait-elle ? “Je ne sais pas quel est le niveau d’informations disponible à ce moment-là. La Sûreté avait peut-être une appréciation différente du niveau de risque de cette personne-là. À l’époque, on s’intéressait à Belkacem et à Sharia4Belgium”. À quel moment la Sûreté a-t-elle compris le rôle grandissant d’Atar ? “Pas de commentaires”. Atar était-il vraiment malade en Irak ? “On n’est pas un service médical, on est un service de renseignement”.

Dans le fond de la salle, un homme se lève à son tour. Il est le père d’Aline Bastin, tuée à Maelbeek. Il voudrait savoir si l’accusé numéro un a été suivi par la Sûreté lorsqu’il est rentré d’Irak et inculpé en 2012. Le patron de la Sûreté n’en dit pas plus : “Il semblerait qu’il y ait eu des discussions sur son suivi, mais on ne sait pas si ce suivi a eu lieu. Un rapport existe sur cela. Mais il est classifié”.

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Un secret qui vaut aussi pour la police fédérale

Tout au long de la journée, la Sûreté a donc maintenu le dossier Atar sous le sceau du secret, et même du Top secret. Selon nos informations, cet exceptionnel silence est maintenu non seulement à l’égard de l’opinion publique, mais aussi, depuis le début de l’affaire, face aux questions de la division antiterroriste DR3 de la police fédérale et celles des procureurs du Parquet fédéral. La Sûreté invoque la “sécurité nationale”.

À l’audience, Pascal Pétry n’a pas donné les raisons de son silence, mais dans les préliminaires de son intervention, il a expliqué les contingences d’un service de renseignement. “Classifier des informations, secret, très secret, ce n’est pas pour le plaisir de le faire. Les méthodes doivent rester discrètes”, a-t-il dit en référence aux écoutes réalisées par elle dans la prison de Bruges entre les détenus Abdeslam, Nemmouche et Bakkali. Il a également insisté sur la règle du tiers service, dont le respect par la Sûreté garantit qu’elle sera prise au sérieux par les services étrangers. “Si un service anglais, français, américain nous donne une information, nous ne pourrons partager l’information qu’avec son accord”, a-t-il dit.

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Si un service anglais, français, américain nous donne une information, nous ne pourrons partager l’information qu’avec son accord.

Le représentant de la Sûreté était entendu en même temps que Paul Van Tigchelt, directeur de l’Ocam jusqu’en 2020, et Jean-Claude Claeys, magistrat lui aussi, qui préside la commission BIM qui contrôle les méthodes de recueil de données par la Sûreté, comme les écoutes ou l’ouverture du courrier postal. Bien qu’invité à s’exprimer par la Cour, le service de renseignement de l’armée, le SGRS, a décliné l’invitation estimant qu’il n’avait “quasiment rien fait” dans le dossier des attentats.

Les services s’attendaient à un attentat en Belgique

Le trio a été plus bavard sur le travail réalisé dans les années 2015-2016, juste avant le 22 Mars. Paul Van Tigchelt a confirmé que quatre des dix accusés – Mohamed Abrini, Bilal El Makhoukhi et Oussama Atar, partis en Syrie, mais aussi Salah Abdeslam – se trouvaient sur la liste des Foreign Terrorist Fighters (FTF) de l’Ocam à cette période. Pour lui et pour M.Pétry, l’alerte a débuté dès l’attentat du musée juif en mai 2014, une façon de déjouer à l’avance les plaidoiries de certains avocats de la défense pour qui le 22 Mars est la conséquence des frappes de la coalition contre Daech, entamées en Irak en août 2014.

Les services s’attendaient à ce qu’un attentat se produise en Belgique, notamment contre les transports en commun, car cela avait été le cas à Madrid (2004) et à Londres (2005). Mais des centaines d’informations parvenaient aux services. “Traditionnellement, nous recevons entre 36 000 et 40 000 informations sur le terrorisme par an, mais à ce moment-là, nos chiffres étaient au plus haut”, a souligné Pascal Pétry. Difficile de faire le tri. “Il faut regarder les choses avec les yeux de cette époque-là. On avait des choix à faire”. Aujourd’hui, la Sûreté se porte “mieux”, a-t-il répondu à une question de la présidente, Laurence Massart.