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Le Conseil de l’Europe ne cède pas sur l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme concernant la Russie

Cette agression armée d’un État membre du Conseil de l’Europe par un autre État membre a secoué très profondément cette institution créée pour assurer la stabilité du continent par la justice, la coopération internationale et le respect des droits humains.

Directe émanation du Conseil de l’Europe, la Cour européenne des droits de l’homme joue un rôle fondamental dans ce cadre et il est crucial que les arrêts qu’elle prononce à l’encontre des États européens mis en cause par leurs citoyens soient bien exécutés.

En charge de la surveillance de cette mise en oeuvre, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe rassemble les 46 représentants permanents des ministres des affaires étrangères des différents États membres.

Il se réunit plusieurs fois par an afin de faire le point sur cette vaste question et travaille avec les gouvernements nationaux pour faire avancer des dossiers souvent complexes en publiant, chaque année, un rapport d’étape.

Publié ce jeudi, celui de 2022 accorde une large part aux affaires russes tant la situation les concernant est inédite.

Silence radio de Moscou

Bien qu’exclue du Conseil de l’Europe, la Russie est toujours tenue d’exécuter les arrêts la concernant puisqu’elle est restée liée à la Convention européenne des droits de l’homme jusqu’en septembre 2022, six mois après son expulsion.

Toutes les affaires relatives à des faits antérieurs continuent donc à être du ressort de la Cour et la vérification de l’exécution des arrêts reste à charge du Comité des ministres envers et contre le silence radio de Moscou qui ne répond pas plus aux propositions de réunions qu’aux demandes d’information ou aux courriers adressés au ministre des affaires étrangères Lavrov par la Secrétaire générale du Conseil de l’Europe.

Le Comité des ministres s’est ainsi vu contraint à mettre en place des « stratégies novatrices » a déclaré Claire Ovey, cheffe du service de l’exécution des arrêts du Conseil de l’Europe lors d’une conférence de presse organisée mercredi.

Les contacts et les réunions avec la société civile russe, les ONG de défense des droits de l’homme et d’autres organes internationaux comme le comité des droits de l’homme de l’ONU ont ainsi été multipliés lors de l’examen de 25 affaires ou groupes d’affaires russes comprenant des affaires interétatiques Géorgie c. Russie, des violations des droits de l’homme en Transnistrie et dans le Caucase, d’autres liées aux violences domestiques ou policières ou bien encore le cas d’Alexeï Navalny, opposant à Poutine toujours emprisonné alors que la Cour a réclamé sa libération.

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À la question de savoir pourquoi le Comité des ministres s’obstine à traiter ces affaires russes, Claire Ovey répond qu’il est « important » de faire valoir que, quelques soient les circonstances, un État reste lié par les obligations contractées lors de la ratification de la Convention européenne des droits de l’homme.

Il s’agit aussi d’exprimer une « solidarité avec la société civile russe et les requérants » en prenant des décisions qui pourront être « utiles » ultérieurement, poursuit-elle avant de conclure que « le message porte sur les valeurs du Conseil de l’Europe ».

À savoir la défense de la démocratie, de l’état de droit et des droits humains.

Des mots pour l’heure sans écho à Moscou.

Et la Belgique ?

Au rang des « avancées » significatives, le « Rapport 2022 sur la surveillance des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme » cite l’arrêt concernant l’affaire belge « Lachiri c. Belgique » (2018) concernant la liberté de religion et l’exclusion de la requérante d’une salle d’audience pour avoir refusé d’enlever son hijab.

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L’article du Code judiciaire justifiant cette exclusion prévoyait que « celui qui assiste aux audiences se tient découvert, dans le respect et le silence : tout ce que le juge ordonne pour le maintien de l’ordre est exécuté ponctuellement et à l’instant ».

« Les autorités belges ont apporté une solution aux questions soulevées par l’arrêt de la Cour en supprimant le mot « découvert » », précise le rapport, « ce qui supprime l’obligation d’enlever un hijab, une kippa ou tout autre couvre-chef ».

Au 31 décembre 2022, la Belgique avait encore 44 affaires en attente d’exécution. Elles concernent notamment les conditions de détention dans les prisons, la détention inappropriée de personnes atteintes de troubles mentaux, le droit à des élections libres et l’absence de recours pour en contester les résultats ainsi que la durée excessive des procédures civiles et pénales.