International

Le chef du gouvernement grec se pose en “rempart” de la Grèce et de l’Europe contre “l’invasion de migrants”

Mitsotakis va se présenter à la frontière gréco-turque

Aussi l’une de ses visites les plus médiatisées de cette campagne a été effectyée par le chef du gouvernement conservateur le long du fleuve Evros, frontière naturelle entre la Grèce et la Turquie au nord-est du pays. Une muraille en métal haute de deux mètres et surmontée de barbelés longe le fleuve Evros, sur 37,5 kilomètres. Kyriakos Mitsotakis a décidé de la prolonger d’ici un an de 35 kilomètres – le projet a été adopté au Parlement grec – et de 100 kilomètres supplémentaires d’ici 2026, s’il est réélu.

Le cap vers une Europe forteresse reste inchangé

Pour bien enfoncer le clou, le Premier ministre a choisi de se présenter dans cette circonscription. Une première pour la famille Mitsotakis qui domine la vie politique grecque depuis près de 70 ans et qui se présente traditionnellement sur l’île de Crète, d’où elle est originaire.

Ce faisant, M. Mitsotakis, a fait d’une pierre deux coups, magistraux. D’abord, le Premier ministre se pose en rempart “sur les frontières de l’Europe” comme il aime le rappeler dans tous ses discours. Mais il se présente aussi comme la figure décidée à faire face au président turc Recip Tayip Erdogan. Personne en Grèce, et surtout pas dans la région de l’Evros n’a oublié le printemps 2020, où M. Erdogan a poussé des milliers de migrants à forcer la frontière grecque pour passer en Europe.

Ceci expliquant cela, le discours musclé du Premier ministre grec est reçu cinq sur cinq dans cette région traditionnellement ancrée à droite. D’autant que Kyriakos Mitsotakis a appelé l’Union européenne (UE) à financer la construction de ce mur car justement “la Grèce est l’ultime rempart” contre, selon ses propres mots, un bis repetita de “l’attaque” de 2020.

Dans le dossier migratoire, le Parlement européen se cogne aux murs

Le président du Conseil européen Charles Michel a reconnu récemment “qu’il faut réfléchir” à la possibilité de financer ce type de construction. Les groupes de droite et d’extrême droite au parlement européen ont fait passer un amendement en ce sens dans un rapport sur le budget, ce qui a entraîné le rejet de l’ensemble du texte, les partis de gauche et les centristes ayant voté contre. Les appels de Mitsotakis sur la question font cependant chou blanc, parce que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s’y oppose fermement. Pour l’instant.

La gauche d’Alexis Tsípras gênée aux entournures

Cela n’empêche pas les médias favorables au gouvernement de crier victoire et de dénoncer la politique laxiste du Syriza, le parti de gauche de l’ex-Premier ministre Alexis Tsipras. En visite, lui aussi, le long de la frontière gréco-turque, M. Tsípras a commis la maladresse politique de demander que cette clôture, dont le coût est estimé à 100 millions d’euros, soit financée par les Grecs. Une perche inespérée pour les conservateurs. “Monsieur Tsipras veut vous faire payer une clôture qui bénéficie à l’ensemble de l’Union européenne. Il n’a pas dit s’il compte la démonter ou la prolonger comme je promets de le faire”, répète en substance Kyriakos Mitsotakis. Il appelle les Grecs “à choisir entre un Premier ministre qui garde les frontières du pays et un qui les ouvre comme en 2015.” D’où le casse-tête du Syriza : afficher une politique anti-migrants le couperait de sa base mais se montrer trop accueillant envers les réfugiés lui ferait perdre les voix des centristes ou des indécis qui, l’un dans l’autre, sont plus de 15 %.

Comment la Grèce fait la chasse aux migrants et aux ONG qui leur viennent en aide

Kyriakos Mitsotakis a par ailleurs, et c’est un argument majeur de sa politique migratoire, doté le pays de tout un arsenal juridique visant à limiter l’action des Organisations non gouvernementales (ONG) pro-migrants, voire à les “criminaliser”, selon l’avocate Anna Kurtovic. “Avec toutes ses nouvelles lois, le ministère a transformé les ONG en organismes qui dépendent du gouvernement”. Pour cette militante de la première heure l’exemple le plus criant est la loi sur leur financement : il ne passe plus par le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés mais par le ministère de l’Immigration qui le distribue au compte-gouttes aux organisations qu’il valide.