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Guerre en Ukraine : Wagner reconnue comme organisation terroriste, qu’est-ce que ça changerait ?

Le rôle de Wagner dans la guerre en Ukraine est de plus en plus mis en lumière. Ce mardi, une nouvelle résolution appelle à classer comme terroriste ce groupe de mercenaires russes, accusé de crimes en Ukraine comme en Afrique. Portée par le député Renaissance de Paris, Benjamin Haddad, elle vise à inscrire cette entité sur la liste de l’Union européenne des organisations terroristes, notamment pour ses « nombreuses exactions contre la population civile en Ukraine ».

Mais qu’est-ce que cela change d’être classé comme une organisation terroriste ? Quelles conséquences cela pourrait-il entraîner ? 20 Minutes fait le point pour vous avec le député à l’origine de ce projet, Benjamin Haddad, et la professeure des universités en études russes et soviétiques à l’université Rennes-II, Cécile Vaissié.

Pourquoi qualifier Wagner de groupe terroriste ?

« Il y a deux objectifs à cette résolution », affirme le député Benjamin Haddad, à l’origine de cette dernière. « D’abord, un objectif symbolique et politique qui consiste à nommer les choses : c’est un groupe terroriste qui massacre, désinforme et a fait de la France son ennemi numéro un en Afrique afin de renforcer l’influence de la Russie. L’autre objectif consiste à renforcer considérablement les moyens financiers, judiciaires et juridiques afin de lutter contre ce groupe et son influence », énumère le député. Cette résolution « s’inscrit dans un cadre, des textes précis au niveau de l’Union européenne, souligne Cécile Vaissié qui ajoute qu’elle se base sur des faits. Tout ce qui est dit dans le projet de résolution, sur les violences de Wagner et la terreur exercée en ce qui concerne l’Ukraine et la Syrie est absolument exact. »

« Les mercenaires de Wagner ne respectent absolument pas les règles de la guerre donc, effectivement, ça se rapproche d’une organisation terroriste », analyse la professeure des universités en études russes et soviétiques à l’université Rennes-II. Grâce à cette résolution, cosignée par des députés de différents groupes comme le PS, LR ou encore les Verts, « on pourrait imaginer un nouveau régime de sanctions ou viser tout l’écosystème qui permet à l’organisation d’opérer », explique Benjamin Haddad, président du groupe d’amitié France-Ukraine.

Qu’est-ce que ça changerait pour l’Ukraine ?

« La législation antiterroriste de l’Union européenne peut permettre de renforcer nos moyens pour lutter contre ceux de Wagner », assure Benjamin Haddad. Or, le groupe paramilitaire Wagner a une importance cruciale dans le conflit en Ukraine. Les mercenaires sont au cœur de la bataille clef de Bakhmout et érigent des lignes de défense afin de protéger les territoires occupés d’une contre-offensive ukrainienne. Et pourtant, « en Russie les mercenaires sont interdits. Le groupe Wagner n’a donc pas d’existence légale, même dans la loi russe. Un ministère de la Défense a une légitimité reconnue mais les mercenaires de Wagner n’en ont même pas aux yeux de la Russie qui, pourtant, se sert d’eux et les décore », analyse Cécile Vaissié. En qualifiant de terroriste l’organisation d’Evguéni Prigojine, l’Union européenne délégitimerait donc encore plus le groupe.

Cela constituerait une victoire symbolique pour l’Ukraine. « Le terme de terroriste validerait l’idée qu’il s’agit d’une guerre entre une société organisée et des individus qui ne respectent rien » alors que Kiev « accuse la Russie d’être un Etat terroriste, dont les pires représentants sont les mercenaires de Wagner », souligne Cécile Vaissié. Plus concrètement, « des sanctions particulières peuvent être prises contre les individus qui financent une organisation terroriste et les personnes reconnues victimes d’actes terroristes ont droit à des compensations spéciales », ajoute l’experte de la Russie. La dénomination de Wagner comme groupe terroriste ouvrirait donc le droit à une forme de réparation après la guerre.

Quelles conséquences cela pourrait-il avoir pour les opérations extérieures de Wagner ?

Le groupe paramilitaire Wagner s’impose par la force, et souvent par la barbarie, sur de nombreux théâtres de conflit dans le monde. Au-delà de l’Europe et de la guerre en Ukraine, Wagner sévit en Syrie, en Libye, en République centrafricaine, au Soudan, au Mali, au Burkina Faso ou encore à Madagascar. La résolution portée devant l’Assemblée nationale déplore que le groupe Wagner y mène « depuis plusieurs années des opérations d’influence et de désinformation afin de déstabiliser les autorités en place dans plusieurs pays africains et les remplacer par d’autres favorables à sa cause, alimentant également le sentiment antifrançais ». « C’est une question politique, en particulier pour la France qui se voit chassée de certains pays d’Afrique par le groupe Wagner », note Cécile Vaissié. « La France a commencé à s’inquiéter de Wagner quand ses mercenaires sont arrivés en Afrique et ont commencé à la bousculer sur des terrains où nous sommes traditionnellement présents », décrypte-t-elle.

« Nous devons avoir une Europe qui a les outils et les instruments pour protéger ses valeurs et ses intérêts », souligne Benjamin Haddad, insistant sur l’importance de la « souveraineté européenne ». Alors que l’influence de la nébuleuse Wagner ne cesse de grandir sur le continent africain, la résolution permettrait donc d’envoyer « un message très clair aux dirigeants » qui font appel à cette organisation paramilitaire, estime Cécile Vaissié. « On peut analyser ça comme un avertissement aux pays africains qui emploient Wagner. Certains gouvernements africains demandent aux forces françaises de partir mais ils seront remplacés par des mercenaires de Wagner, donc des « terroristes » », explique la professeure à l’université Rennes-II. « C’est une façon de dire : « Vous ne pourrez pas dire qu’on ne vous avait pas prévenu » », lance-t-elle.