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Guerre en Ukraine: « Un changement pourrait régler la situation à moyen terme »

Guerre en Ukraine : aveuglé par sa soif de grandeur, Vladimir Poutine a commis une grosse erreur au début du conflit

“Nous sommes dans une stratégie de communication pure, juge Tanguy De Wilde, professeur de relations internationales à l’UCLouvain. Et en même temps, c’est une opération secrète donc si les services secrets ukrainiens ont été capables d’attaquer le Kremlin avec des drones, il est évident que Kiev va nier. La confirmation, on ne l’aura pas mais comme on est dans une forme d’incertitude permanente, le doute plane. Côté russe, on est dans la subtilité en la matière pour indiquer que le territoire russe ou le président serait attaqué de manière directe par l’Ukraine, c’est aussi un argument mobilisateur pour les troupes russes, qui en ont bien besoin en ce moment”.

Zelensky vainqueur par K-O de la guerre de communication

Selon l’expert, la guerre de communication fait rage des deux côtés et elle a même sûrement atteint son paroxysme ces dernières semaines. Dans les médias et sur les réseaux sociaux, le conflit entre Moscou et Kiev est raconté et mis en scène depuis le début de l’invasion russe. Entre la guerre des mots orchestrée par Kiev, la fébrilité des autorités russes, l’intensification des actes de sabotage, la contre-offensive ukrainienne destinée à reconquérir les territoires occupés par la Russie, notamment dans l’Est et le sud, a déjà commencé sur le plan stratégique et communicationnel.

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Numériquement, les Russes ont plus de potentiel mais la qualité est du côté ukrainien »

“Dans cette guerre de communication, Zelensky est vainqueur par K-O depuis longtemps dans l’Occident, estime-t-il. Mais cette guerre fait rage aussi en interne en Russie, qui communique vis-à-vis d’elle-même et des 80 % de Russes qui ne vont jamais à l’étranger et qui sont nourris par la propagande, il y a aussi la nécessité de remotiver les troupes. Cela fait des semaines que l’on parle d’une contre-offensive ukrainienne qui allait arriver, notamment parce que la mobilité est plus aisée au printemps. En janvier, du matériel dont des chars ont également été livrés et l’objectif est de récupérer des territoires occupés, tous ces éléments convergent donc pour créer le suspens autour d’une offensive imminente. La seule chose que l’on peut dire, c’est que passer à la contre-offensive est très coûteux, notamment en vie humaine, et qu’il est plus facile de défendre que d’attaquer à cet égard. Mais pour les Ukrainiens, la récupération de territoires est essentielle à leurs yeux, beaucoup plus que pour les Russes tant que leur pays n’est pas directement touché ou la Crimée, la mobilisation nationaliste est donc plus compliquée chez eux”.

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Dimanche dernier, le chef du groupe paramilitaire russe Wagner, Evgueni Prigojine, déclarait d’ailleurs qu’une contre-offensive ukrainienne pourrait représenter “une tragédie” pour la Russie alors que ses hommes manquent cruellement de munitions. “Nous n’avons que 10-15 % des munitions dont nous avons besoin”, a assuré le patron de Wagner, qui s’attend à une attaque ukrainienne vers la mi-mai. Si la Russie aurait déployé 97 % de toutes ses forces terrestres en Ukraine, le Kremlin a annoncé récemment qu’elle allait mettre en œuvre des “changements importants” au sein de son armée d’ici 2026, notamment dans sa composition, alors que ses effectifs doivent être portés à 1,5 million de soldats contre un million actuellement, et qui, selon les États-Unis, ont perdu 100 000 hommes, dont 20 000 tués et 80 000 blessés, depuis le mois de décembre 2022.

Quelle tournure prendra le conflit dans les mois à venir ?

Malgré d’importants efforts depuis 2014, l’armée ukrainienne dispose pour sa part sur 190.000 hommes et d’un budget militaire 15 fois inférieur à celui de la Russie. Mais d’après de nombreux experts en questions militaires, compte tenu de la qualité de l’équipement et de la qualité de la préparation, les Ukrainiens seraient en situation de force pour remporter une victoire sur un front de taille réduite.

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La situation pourrait être réglée à moyen terme par un changement de pouvoir en Russie »

“Si les Russes ont reculé pendant l’hiver, ils ont prouvé qu’ils s’étaient bien réorganisés au niveau défensif à plusieurs endroits stratégiques, avec notamment une ligne défensive longue de 800 km, de la Crimée à Kharkiv, explique Sven Biscop, professeur de géopolitique à l’UGent. Par ailleurs, on observe des capacités sporadiques de Moscou de pouvoir détruire des installations ukrainiennes et des points vitaux, avec par moments des bavures mais il y a une capacité d’envoyer des missiles ou des obus et d’infliger des destructions importantes à l’égard d’éléments logistiques. Côté ukrainien, il semblerait qu’on ait lancé des drones en Crimée dans le but de détruire des installations de communications et des postes de commandement, voilà donc un peu où on en est. Numériquement, les Russes ont plus de potentiel mais la qualité est du côté ukrainien, notamment au niveau des combats et dû au matériel envoyé par l’Europe. On voit également peu de soldats quitter le front de la guerre alors que ce phénomène a l’air de se multiplier côté russe”.

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Plus d’un an après le début de la guerre en Ukraine, le front est presque gelé autour de plusieurs régions où les combats les plus violents se poursuivent. D’après la plupart des experts, la résolution du conflit paraît alors encore lointaine. La progression éclair des troupes russes dans les premières semaines a laissé place à l’enlisement, et la contre-offensive ukrainienne attendue tarde à se matérialiser.

“Un conflit gelé d’une dizaine d’années n’est pas un scénario improbable, évalue Tanguy De Wilde. On l’a déjà vu par le passé, comme avec le conflit en Géorgie. Et pour le moment, nous sommes ici dans l’expectative. On peut imaginer qu’il y ait à un moment donné une légère inversion du rapport de force avec la récupération de territoires côté ukrainien, le front serait alors à nouveau stabilisé. Dans ce cas, on peut imaginer un cessez-le-feu avec une diplomatie qui devrait être englobée dans un processus de sécurité européen complet. J’entends par là que l’on se trouverait dans une forme de cessation des activités avec une démarcation de la ligne de front, on ne serait donc pas en situation de guerre ni de paix. Et on peut imaginer que le territoire ukrainien tel qu’il est actuellement demande à entrer dans l’organisation euroatlantique pour préserver ce qu’il en reste. On serait dans une posture d’attente, ce qui fût le cas avec l’Allemagne qui a fini par se réunifier mais qui a mis du temps. La situation pourrait également être réglée à moyen terme par un changement de pouvoir en Russie où chacun pourrait dire qu’il a gagné, la Russie en ayant obtenu plusieurs territoires et l’Ukraine en entrant dans l’UE”.