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Guerre en Ukraine: un 9 mai 2023 entre guerre et paix

En Russie, comme dans d’autres États de l’ex-URSS, on célèbre le 9 mai – et non le 8 – le Jour de la Victoire, commémorant la capitulation sans condition de l’Allemagne nazie et la fin de la Grande Guerre patriotique, comme on appelle à Moscou la Seconde Guerre mondiale. Car lorsque l’acte a été signé, à la demande de Staline, le 8 mai 1945 à Berlin peu après 23h, il était déjà plus d’1h du matin à Moscou, le 9 mai.

Lorsque l’acte de capitulation a été signé le 8 mai à Berlin peu après 23h, il était déjà plus d’1h du matin à Moscou le 9 mai.

Attaqué par son grand voisin depuis 14 mois, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a soumis ce lundi un projet de loi au Parlement afin de faire du 8 mai le jour de commémoration de la victoire contre l’Allemagne nazie et du 9 mai la Journée de l’Europe, comme à Bruxelles ou Paris. L’occasion aussi d’accueillir mardi à Kiev, pour la 5e fois, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

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Des célébrations en demi-teinte

C’est Leonid Brejnev qui, en 1965, avait fait du 9 mai un jour férié, 20 ans après la fin de la guerre, dans toute l’URSS. “Après les fanfaronnades de Nikita Khrouchtchev, qui voulait rattraper et dépasser les États-Unis, il fallait trouver un horizon moins lointain et moins utopique que l’arrivée du communisme. On s’est donc tourné vers le seul épisode véritablement glorieux de cette histoire qui était la victoire dans la Grande Guerre patriotique”, explique Nicolas Werth, spécialiste de l’histoire de l’Union soviétique. Vladimir Poutine “a repris cette partie-là de l’héritage idéologique soviétique et en a rejeté d’autres”, nous dit-il. Il a grandi dans le culte de la Seconde Guerre mondiale, plus que de la révolution bolchevique d’Octobre. Staline est “glorifié”, Lénine envoyé “dans les poubelles de l’histoire”.

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Au fil des ans, depuis son arrivée au pouvoir, le président russe a fait de ce 9 mai une véritable célébration nationale, avec défilé sur la place Rouge, pour projeter une image de puissance militaire et alimenter la ferveur patriotique. Depuis une dizaine d’années, des millions de Russes marchent aussi ce jour-là, arborant le portrait d’un de leurs proches, qui a combattu les nazis – comme Vladimir Poutine lui-même avec la photo en noir et blanc de son père Vladimir Spiridonovitch. Ils forment ainsi le Régiment immortel, une initiative à l’origine civile et informelle, qui a été récupérée par le régime, manipulée (avec fourniture de portraits à ceux qui n’en avaient pas), et n’a cessé de prendre de l’ampleur.

Ce mardi, cependant, les différentes marches n’auront pas lieu. Selon un ancien fonctionnaire du Kremlin, cité par The Moscow Times, les autorités redoutent que des parents endeuillés ne viennent avec les photos de leurs proches tués dans la guerre contre l’Ukraine. L’anniversaire que Vladimir Poutine aurait aimé grandiose donnera probablement lieu cette année aux célébrations les plus modestes de son règne.