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En Grèce, la rue n’en finit pas de réclamer des comptes: « Il faut un changement »

Thomas Katsaros appelle les manifestants à ne pas courir alors que les forces antiémeutes chargent. Les manifestants sont partis se réfugier dans les rues autour du Parlement ou ils étaient 25 000 au moins rien qu’à Athènes, selon la police ; 35000 selon les syndicats et autant dans le reste du pays, paralysé par une grève générale. Tous appellent à la démission du Premier ministre conservateur, Kiriakos Mitsotakis.

Des sondages accablants pour le Premier ministre conservateur

Donné favori pour les prochaines législatives anticipées prévues le 9 avril, avant l’accident, Kiriakos Mitostakis a entamé depuis une descente aux enfers totalement inattendue. L’écart avec son rival Alexis Tsipras, ex-Premier ministre du parti de gauche Syriza de 2015 à 2019 se réduit comme peau de chagrin. Il est à moins de 3 % alors qu’il y a quelques semaines, il dépassait les 4 % et que les élections sont finalement annoncées pour la fin mai, avec un second tour début juillet.

Contesté par la rue qui lui reproche d’avoir laissé se dégrader l’ensemble des services publics, Kiriakos Mitostakis cumule les boulettes, de l’avis général. Une de ces gaffes qui ne passe pas consiste en l’adoption d’un projet de loi qui ouvre la voie à une privatisation du secteur de l’eau, le samedi qui a suivi la tragédie, en plein deuil national. “On pleurait nos morts, et lui continuait ses privatisations. Que voulez-vous que je vous dise ?” enrage Marianthi 70 ans venue manifester malgré ses difficultés à marcher.

Une accumulation de colères

Cette femme manifestement malade, s’étrangle d’indignation et ne peut retenir ses larmes, “Ce n’est pas que le train. Il y a toutes les autres privatisations, l’électricité, les routes, le chômage, la cherté de la vie. On craque. Les gens se soulèvent. Il faut bien que cela arrive. Il faut un changement”. Et de poursuivre : “J’ai trois fils, deux sont partis à l’étranger durant la crise car il n’y avait plus d’espoir pour eux ici. Je ne veux pas que le troisième parte aussi”.

Son amie Maria, 75 ans est aussi de la partie mais, pour elle, il s’agit surtout “d’honorer les morts et d’aider les familles”. C’est là qu’intervient le second faux pas de Kiriakos Mistotakis. Ce dernier a en effet annoncé onze mesures pour aider les familles des victimes : une rente à vie quatre fois supérieure à la retraite minimale nationale, l’effacement des dettes fiscales, un rééchelonnement des emprunts bancaires, la possibilité d’un emploi dans le public, etc. Des mesures jugées “insultantes” alors que la sécurisation des trains sera finalisée en octobre. Elles ont donné lieu à un déchaînement d’humour noir sur les réseaux sociaux. Ainsi un internaute a demandé pardon à son père endetté : “Papa, excuse-moi si j’avais su qu’ils donnaient une prime je serais monté dans le train”.

Autant dire que la grogne monte sérieusement. Au sein du parti conservateur notamment, car le ministre des Transports démissionnaire, Konstantin Karamalis figure toujours sur les listes électorales. De plus, le soutien le plus acharné du Premier ministre vient de l’extrême droite de son parti. Ainsi le ministre des Investissements, Adonis Gerogiadis, le “yes man” du gouvernement, n’a pas hésité à affirmer sur les plateaux télé, “qu’il n’était pas possible que le ministre des Transports dise au Parlement que les trains n’étaient pas sécurisés car plus personne n’y serait monté”. Il n’a pas été rappelé à l’ordre.

Aussi les analystes penchent-ils pour une coalition des conservateurs avec l’extrême droite, déjà très présente au gouvernement, si aux prochaines élections aucune majorité ne se dégage. Ce qui sera probablement le cas.

La gauche plus désunie que jamais ne fera pas non plus le plein des voix car le plus grand parti sera celui des indécis. La Grèce entre donc dans une nouvelle période d’instabilité politique, qui risque de s’installer durablement.