France

Toulon : La nouvelle maire Josée Massi sera-t-elle une « marionnette » d’Hubert Falco ?

Impossible de le manquer. La salle du conseil municipal de la préfecture du Var a été construite de sorte que le fauteuil du maire de Toulon, plus grand, plus imposant que les autres, domine l’assistance. Il est au centre d’un cercle, où siègent les adjoints, donnant au tout un air de clan. Les conseillers municipaux et de la majorité, eux, sont relégués au fond de la salle, et font face à cet anneau de pouvoir.

Mais en ce mercredi matin, le fauteuil est vide. A gauche du maire fantôme, entre deux soupirs, la doyenne du conseil municipal qui ouvre la séance lit péniblement son discours, la feuille collée sur le nez.

« Un hommage tant mérité »

« En préambule, je tiens à rendre tout d’abord un hommage à Hubert Falco, lance Marcelle Gherardi. En effet, je travaille avec Hubert Falco depuis 2001 et je tiens absolument que tout le monde lui rend un hommage tant mérité. Pour moi, il n’est pas facile de prendre parole aujourd’hui au bout de vingt-deux ans passés avec Monsieur Hubert Falco sans aucun reproche à faire. »

Le discours a des airs d’éloge funèbre. Mais il y a un petit détail. Hubert Falco n’est pas mort. Loin de là, même. Si le maire de Toulon depuis 22 ans est absent du conseil municipal ce mercredi matin, c’est parce que la justice en a décidé ainsi. Le 14 avril dernier, Hubert Falco a été condamné pour détournement de fonds dans l’affaire dite du « frigo ». Et la sanction aux airs de tremblement de terre est tombée : l’édile doit rendre son écharpe de maire.

Josée Massi, maire malgré elle

En urgence, il a fallu penser la succession du patron de toujours. « Etre maire, ce n’était pas franchement mon souhait », reconnaît Josée Massi. Première adjointe au maire depuis 2020, après un premier mandat comme adjointe déléguée à la petite enfance, cette professeur de mathématiques à la retraite se définit comme une novice politique et proche d’Hubert Falco. Plutôt du genre discrète et pas franchement avide de pouvoir. Et c’est elle pourtant qui se retrouve, depuis ce mercredi matin, maire de la préfecture du Var, élue avec 50 voix, soit plus de 80 % des suffrages.

Un vote aux airs de plébiscite, sans surprise, puisque Josée Massi avait été adoubée par Hubert Falco dans une lettre à ses administrées adressée quelques jours après son éviction par la justice.  « Elle saura veiller aux destinées de la ville pour que les engagements que mon équipe et moi-même avons pris auprès des Toulonnais en 2020 soient respectés jusqu’à la fin du mandat », estime Hubert Falco.

« Vous voulez que je me présente ? » Voilà les tout premiers mots de la maire fraîchement élue à la presse. Une introduction pas vraiment banale, signe que sa place, à l’origine, ne devait pas être celle-là. Quand le conseil municipal l’a élue, Josée Massi a été prise d’un sentiment vertigineux. « Un tsunami. J’étais pas configurée pour ce poste. Ça nous est tombé dessus. On a tous vécu ça comme un traumatisme. »

Une vice-capitaine

Mais elle a accepté le rôle de première magistrate par « loyauté ». « Mes collègues et l’équipe municipale m’ont choisi en tant que première adjointe, rappelle-t-elle. « On dit que je n’ai pas l’envergure, le poids, le charisme, l’épaisseur. Je suis désolée. Je fais 55 kilos. Je n’ai pas encore d’embonpoint. »

Un choix fait à la lumière de la position hiérarchique de Josée Massi, selon l’équipe municipale. « Pour prendre une métaphore chère à Hubert Falco qui validerait certainement, puisque nous sommes dans l’ombre d’Hubert Falco, dans un match de rugby, lorsque le capitaine sort, le match continue », estime Robert Cavanna, deuxième adjoint au maire en charge des finances et homme fort de la majorité toulonnaise.

« Quand le capitaine d’une équipe quitte le terrain, il revient au vice-capitaine de rugby de reprendre le brassard », insiste Laurent Bonnet, adjoint au maire de Toulon en charge des sports. « De même que sur le terrain, une équipe qui perd son capitaine reste soudée et poursuit le match entamé, il nous appartient de continuer la partie avec la même cohésion jusqu’à la fin du temps réglementaire, abonde Josée Massi, visiblement bien inspirée par la culture rugbystique de Toulon pour justifier la situation politique de la ville. Ce sera notre façon de faire honneur à Hubert Falco. »

Les « conseils » d’Hubert Falco

Et la nouvelle capitaine de Toulon a une particularité. « C’est une personne réellement à l’écoute, estime Laurent Bonnet. Elle est loyale et sait écouter autant que nécessaire avant de décider le temps venu. » Et, dans ces prises de décision, Laurent Bonnet n’en doute pas : « pour certaines décisions, Josée Massi ne se privera pas de consulter Hubert Falco le cas échéant. » Et de justifier : « Je pense qu’il serait peu intelligent de ne pas se servir de l’expérience de quelqu’un comme Monsieur Falco, qui a un cap pour Toulon, pour demander des avis et des conseils », estime l’adjoint aux sports.

« Hubert Falco est un ami, insiste Josée Massi. Ça fait trente ans. Je crois pas qu’il était puni d’amitié. Donc c’est quelqu’un qui a de l’expérience. Et je crois que les conseils, c’est toujours bon. Et c’est pas quand quelqu’un est à terre qu’on met son pied dessus. Je suis loyale. Je suis fidèle. J’ai travaillé en mairie bien avant d’être avec lui. On a fait des choses formidables et je ne vais pas renier l’amitié que j’ai pour Hubert Falco. »

« Une main cachée dirige encore tout »

Ecarté juridiquement du pouvoir, Hubert Falco va-t-il donc continuer en coulisses à tirer les ficelles à Toulon, avec l’aide d’une de ses plus proches fidèles ? Dans l’opposition, la crainte est grande. « Une main cachée dirige encore tout », accuse Amaury Navaranne, conseiller municipal RN à Toulon. « Les Toulonnais ne veulent pas d’un nouveau maire fantoche téléguidé par son prédécesseur. C’est mépriser les Toulonnais que de leur faire croire qu’un nouveau maire issu de la majorité municipale se démarquera du système mis en place depuis vingt ans. »  « Ce n’est pas un changement de personne qu’il faut, réclame André de Ubeda, conseiller PCF d’opposition. C’est un changement de système. »

« Seul l’avenir nous le dira mais on sera extrêmement vigilant à ce que la décision de justice soit respectée, mais j’ai peur que la maire devienne un porte-voix ou la marionnette d’Hubert Falco », s’alarme Cécile Muschotti, conseillère municipale d’opposition issue de la majorité présidentielle. « Je ne suis pas une plante verte », martèle Josée Massi. Et d’insister : « Oui, on est différent. Je vais prendre une métaphore. Monsieur Falco a construit la maison. Il a fait les murs. L’architecture est faite. C’est le programme sur lequel on a été élu. Je suis différente. J’ai une touche sociale. »

Maire intérimaire

Encore faut-il que la nouvelle maire se projette en tant que tel sur le long terme. A en croire certains adjoints, Josée Massi serait plus une maire intérimaire qu’autre chose, en attendant le retour du chef. « L’appel a été interjeté, rappelle André Cavanna. Il n’est pas impensable d’envisager, on a déjà l’exemple sur la commune de Montauban, que le juge d’appel soit beaucoup moins sévère, et que pourquoi pas, Hubert Falco puisse reprendre son mandat de maire de Toulon. » Interrogée sur le sujet, Josée Massi a refusé de répondre, rappelant que « ce serait la décision du conseil municipal ».