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Taïwan : Tensions, autonomie, Etats-Unis… Tout comprendre aux exercices d’encerclement de l’île menés par la Chine

Pas moins de 12 navires de guerre et 91 avions au dernier jour de l’opération, ce lundi. Tels étaient les chiffres communiqués par Taïwan, alors que la Chine mettait fin à trois jours de manœuvres militaires dans la région. Le ministère des Affaires étrangères de Taïwan a accusé dans la foulée Pékin de saper « la paix et la stabilité », assurant également que « l’armée ne relâchera jamais ses efforts pour renforcer sa préparation au combat ». Mais quel était l’objectif de ces manœuvres ? Pourquoi Washington et le Japon ont mis leur grain de sel ? Et pourquoi Pékin, soutenue par le Kremlin, menacerait-elle « la paix et la stabilité » ? 20 Minutes fait le point sur l’exercice « « Joint Sword », censé démontrer « de manière approfondie la capacité de combat » interarmées de la Chine et qui prouve que cette dernière peut, en trois jours, encercler Taïwan.

Que s’est-il passé ce week-end à Taïwan ?

L’armée chinoise a annoncé ce lundi avoir « achevé avec succès » l’exercice « Joint Sword », soit des manœuvres militaires ayant visé à encercler pendant trois jours l’île autonome de Taïwan. Du 8 au 10 avril, le commandement militaire chinois « a accompli avec succès diverses tâches » de préparation militaire « autour de l’île de Taïwan, revendiquée par Pékin comme une province chinoise », a indiqué l’armée dans un message diffusé sur les réseaux sociaux.

Des avions de chasse et des navires de guerre ont simulé des bombardements ciblés contre l’île. Et Taipei a annoncé que 12 navires de guerre avaient été détectés ce lundi à 18 heures (heures locales) autour de l’île. De son côté, le commandement du théâtre d’opérations Est de l’Armée chinoise a précisé que le Shandong, l’un des deux porte-avions de la Chine, avait « participé à l’exercice du jour ».

Sur une vidéo publiée lundi sur le compte WeChat du commandement du théâtre d’opérations Est de l’Armée, un pilote chinois dit être « arrivé près de la partie nord de l’île de Taïwan » avec des missiles « verrouillés en place ». Dans une autre vidéo, accompagnée d’une musique dramatique, le coup de sifflet d’un officier fait courir le personnel militaire en position tandis qu’un barrage simulé sur Taïwan apparaît à l’écran.

Des exercices à tirs réels ont été quant eux menés dans le détroit de Taïwan à proximité des côtes du Fujian (est), la province qui fait face à l’île, selon les autorités maritimes chinoises locales.

Pourquoi la Chine a-t-elle lancé ces manœuvres ?

Commencées samedi, les manœuvres chinoises visaient à protester contre une rencontre entre la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen et le président de la Chambre américaine des représentants, Kevin McCarthy. Cette rencontre doit se tenir mercredi. Ces exercices « servent de sérieux avertissements contre la collusion entre les forces séparatistes recherchant  »l’indépendance de Taïwan » et les forces extérieures, ainsi que leurs activités provocatrices », a averti un porte-parole de l’armée chinoise, Shi Yi.

Au-delà de cet aspect diplomatique, l’objectif était de simuler un « bouclage » du territoire de 23 millions d’habitants réclamé par Pékin, a expliqué l’armée chinoise. Et notamment un « blocus aérien », selon la télévision d’Etat CCTV. La chine a « testé de manière approfondie sa capacité de combat » interarmées « en conditions réelles », a expliqué le commandement militaire chinois, précisant aujourd’hui « être prêt pour le combat, à n’importe quel moment, et résolu à écraser toute forme de séparatisme pour l’indépendance de Taïwan et tentatives d’interférences étrangères ».

Quelles sont les réactions à l’international ?

Ces manœuvres ont reçu lundi le soutien de la Russie. « La Chine a le droit souverain de réagir (aux) actions provocatrices » des Etats-Unis, « notamment en conduisant des manœuvres », a ainsi déclaré le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov. Quant aux Etats-Unis, ils ont appelé à la « retenue » tout en semblant eux aussi vouloir faire une démonstration de force : le destroyer américain USS Milius a mené ce lundi une « opération de liberté de navigation » dans un secteur de mer de Chine méridionale revendiqué par Pékin. Une « intrusion » immédiatement dénoncée par la Chine. Le Japon a, lui, indiqué avoir fait décoller ces derniers jours des avions de chasse en réponse à ceux ayant décollé et atterri du porte-avions Shandong.

« L’armée ne relâchera jamais ses efforts pour renforcer sa préparation au combat », a, pour sa part, assuré le ministère de la Défense taïwanais. Et après la fin des manœuvres, le ministère des affaires étrangères de Taïwan a d’emblée accusé la Chine d’avoir sapé « la paix et la stabilité » dans la région.

Pourquoi la « paix » dans la région de Taïwan est-elle si fragile en ce moment ?

La Chine voit avec mécontentement le rapprochement ces dernières années entre les autorités taïwanaises et les Etats-Unis qui, malgré l’absence de relations officielles, fournissent à l’île un soutien militaire substantiel. Elle considère Taïwan comme une province qu’elle n’a pas encore réussi à réunifier avec le reste de son territoire depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949. Pékin envisage cette réunification par la force si nécessaire. Pour preuve, les mots prononcés ce jour par Wang Wenbin, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères : « L’indépendance de Taïwan et la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan s’excluent mutuellement. »

Rappelons-nous le dernier déploiement important autour de l’île qui avait eu lieu en août : la Chine avait engagé des manœuvres militaires sans précédent autour de Taïwan et tiré des missiles en réponse à une visite sur l’île de la démocrate Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre américaine des représentants. Depuis, Pékin est épidermique sur le sujet quand Taïwan, elle, envoie des banderilles.

Reste que ces nouvelles manœuvres ont eu de quoi inquiéter la population : « Nous, les gens ordinaires, on veut juste une vie simple et stable, confie Lin Ke-qiang, habitant de 60 ans de l’île Beigan sur l’archipel de Matsu qui appartient à Taïwan mais est visible de la côte chinoise. Si une guerre arrive, maintenant que leurs missiles sont si avancés, nous n’avons aucune chance de résister, on sera écrasés. »