France

Réforme des retraites : Non, la Nupes ne veut pas laisser le gouvernement passer à autre chose

« Comment ça,  »et maintenant » ? ! Maintenant, on est dans la rue ! », répondent, en résumé, les membres de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) quand on leur demande quel peut être désormais leur rôle dans la crise de la réforme des retraites, alors que l’étape parlementaire est désormais derrière nous. Enfin, pas exactement, s’empressent de rappeler les élus et élues de gauche : ils ont déposé plusieurs recours au Conseil constitutionnel, dans lesquels « il y a de la matière », affirme la présidente du groupe écologiste, Cyrielle Châtelain, en marge de la manifestation parisienne ce mardi.

Les spécialistes reconnaissent qu’il y a matière à censure, et pourquoi pas globale… Mais les mêmes sont peu nombreux à penser que les Sages iront contre le gouvernement. En tout état de cause, les parlementaires défendront leur cause le 4 avril. « Il y a le RIP ! », rappelle aussi Olivier Faure, le premier secrétaire du PS. Socialistes et communistes croient dur comme fer à ce référendum d’initiative partagée. « Ça peut être une vraie issue politique à la crise », croit le communiste des Bouches-du-Rhône Pierre Dharréville. Alors que chez LFI, on trouve le RIP peu efficace (car très long), le député insoumis Matthias Tavel s’imagine déjà participer à la campagne qui se mettait en place pour recueillir les signatures.

Pompon

Ils sont en tout cas nombreux à penser que les 4,8 millions de signatures nécessaires pour déclencher la procédure sont atteignables, même si jamais une pétition n’a – et de loin – atteint un tel niveau en France. « Mais si on a réussi à faire 1 million de signatures contre la privatisation d’Aéroports de Paris [c’est l’unique fois qu’un RIP avait été tenté, en 2019], un dossier bien plus technique, je suis certain que 4,8 millions en neuf mois pour les retraites sont jouables vu la mobilisation », expliquait un socialiste la semaine dernière. Là encore, il faudra passer par le visa du Conseil constitutionnel, et les spécialistes pensent la requête cette fois assez fragile.

La Nupes veut aussi continuer à pilonner le gouvernement sur le sujet des retraites lors de questions au gouvernement. « S’ils s’imaginent tirés d’affaires, nous, on va empêcher le changement de séquence, assure Olivier Faure. Le gouvernement ne va pas imposer son agenda. » L’exécutif cherche en effet à changer de sujet, via des concertations, la semaine prochaine, avec les différents groupes parlementaires. Cyrielle Châtelain n’a pas encore reçu son carton d’invitation, mais elle ira au rendez-vous méfiante : « Ils veulent qu’on suive leur pompon mais nous, on est dans la rue. Le sujet, c’est les retraites, le retrait de la réforme ou, au minimum, la prise en compte de la main tendue des syndicats. » Là-dessus, tout le monde est raccord à gauche.

« Bouger le gouvernement »

La présidente du groupe LFI, Mathilde Panot, selon qui « Emmanuel Macron doit céder » compte aussi profiter de la semaine de contrôle du gouvernement par l’Assemblée, début mai, pour pousser le sujet de la « répression du mouvement social ». Les manifs, justement, les insoumis misent beaucoup dessus : « On va continuer à venir en aide aux grévistes, les soutenir financièrement », annonce Mathilde Panot. David Guiraud appelle même à soutenir « des actions de blocages, illégales mais pas illégitimes ». Le député LFI du Nord croit que la présence d’élus ou d’élues ceints de leurs écharpes « légitime ces actions, cela aide les grévistes car il y a souvent moins de violences quand la police intervient. On dit qu’on souffle sur les braises, mais ce sont les syndicats et nous qui calmons les gens ! »

Mais la mobilisation a ralenti dans les rues ce mardi, et certains mouvements de grèves s’arrêtent, comme celui des éboueurs parisiens. « Il va falloir étendre la mobilisation au pouvoir d’achat ou à la question démocratique, projetait un député socialiste la semaine dernière. Si on ne reste que sur le sujet des retraites, ça va s’essouffler. » Cyrielle Châtelain veut « bouger le gouvernement sur les prix de l’alimentaire, on ne peut pas rester sans rien faire devant l’inflation ».

Enfin, d’autres, un peu plus rares, appellent à d’ores et déjà donner « une perspective de sortie de crise. On doit être la lumière au bout du tunnel, croit le co-coordinateur de Générations, Arash Saeidi. Il faut que les gens puissent se dire qu’il y ont à disposition un projet alternatif crédible, et qu’on est capable de remplacer le gouvernement actuel. » Il faut dire que chez Générations, on est chez les plus pro-Nupes des pro-Nupes. « Il faudra un débouché politique à cette conception de la vie et du monde qui mobilise des millions de Français, c’est l’évidence », assure Olivier Faure, qui appelle à renégocier le contrat de coalition négocié en mai dernier entre partis de gauche. Mais ceux qui se projettent ouvertement sont minoritaires. Au nom de l’actualité, pour certains : « Pour après, on aura plein d’idées. Pour le moment, c’est encore la bataille », juge Matthias Tavel. Pour d’autres, cela permet de ne pas se repencher tout de suite sur les sujets qui fâchent entre partenaires.