France

Prisons : « Au départ je voulais devenir pompier »… L’administration pénitentiaire tente de recruter les jeunes

Les Eris sont à l’administration pénitentiaire ce que le GIGN ou le Raid sont à la police et à la gendarmerie nationales : une unité d’élite composée d’agents lourdement armés, entraînés à intervenir rapidement lorsqu’une crise survient à l’intérieur d’une prison. Ce mercredi, vers 11 heures, un détenu menace de se faire exploser dans la cour d’honneur de la Santé, à Paris. Tandis qu’un négociateur tente de comprendre les raisons de son geste, les Eris font irruption dans le centre pénitentiaire sous les yeux médusés des spectateurs. Car il ne s’agit que d’une démonstration.

Dans le public, beaucoup de jeunes lycéens ou étudiants, qui ont été invités par l’administration pénitentiaire à découvrir ses métiers et ses missions. Quelques secondes plus tard, le faux prisonnier est menotté et – imagine-t-on – ramené à sa cellule sous bonne escorte.

Fayez, 15 ans, applaudit. « C’était super cool, très intéressant. Au départ je voulais devenir pompier, mais en voyant ça, j’ai envie de changer finalement. Je ne connaissais pas tous ces métiers », confie, impressionné, le lycéen qui souhaite intégrer, après le bac, cette force d’intervention.

Le directeur de la prison de la Santé le reconnaît : « La prison, c’est un service public qu’on n’a pas souvent l’occasion, heureusement, de côtoyer, contrairement aux écoles ou aux hôpitaux. On en parle assez mal dans les médias, ça reste assez nébuleux. Ce n’est pas un univers qui attire nécessairement. Il faut revaloriser les aspects positifs des métiers », explique Bruno Clément-Petremann. Cette « crise du recrutement » tombe mal, le nombre de détenus, en France, n’ayant jamais été si important, note-t-il.

« Un très gros challenge en matière de recrutement »

« L’administration pénitentiaire s’occupe de 250.000 personnes placées sous main de justice, dont 73.000 détenues », indique son directeur, Laurent Ridel. Et ce n’est pas terminé, le gouvernement ayant lancé un plan prévoyant la construction de 15.000 places dans les prisons d’ici 2027. « Il faut du monde pour les prendre en charge », poursuit Laurent Ridel, ajoutant que l’administration dont il est à la tête depuis juillet 2022 doit relever « un très gros challenge en matière de recrutement de surveillants ». « Les besoins sont énormes. » Pour réussir, il est nécessaire d’être « plus attractif, plus concurrentiel sur le marché de la sécurité ».

Lycéennes à Drancy (Seine-Saint-Denis), Fatoumata et Andréa posent des questions à une surveillante qui tente de les rassurer sur l’univers carcéral : « Il faut s’enlever l’idée de la tête que les détenus vont t’agresser. » Elle revient sur son parcours. « Après avoir passé un concours, il y a une formation de six mois, puis deux stages à faire. Après ça, on choisit son affectation. » Malgré ses explications très pédagogiques, elle n’aura pas réussi à convaincre les deux amies de passer le concours de l’administration pénitentiaire après le bac : l’une rêve d’être enquêtrice à la brigade criminelle, l’autre douanière. « Je vois beaucoup de reportages dessus à la télévision, mais il y en a moins sur les prisons », sourit-elle.

« Je pensais qu’ils restaient toute la journée assis »

Un peu plus loin, un surveillant montre à deux jeunes comment passer les menottes à un détenu. « On les tient fermement, les mâchoires mobiles vers soi », détaille-t-il. Avant de souligner : « Il faut le faire de manière sécurisée. Il ne faut pas se mettre en danger mais ne pas se montrer autoritaire pour autant. »

En se rendant à ce forum, Ryan, 16 ans, a découvert que les surveillants « faisaient beaucoup de choses ». « Alors que je pensais qu’ils restaient toute la journée assis sur une chaise », rigole l’adolescent, qui voudrait devenir policier. Laurent Ridel regrette ce « déficit d’image » dont souffre l’administration pénitentiaire. « Les gens pensent que les métiers proposés sont pénibles alors qu’il n’y a pas une journée qui se ressemble. Il faut rétablir la vérité. Tout le monde peut trouver sa place ici. Nos besoins sont énormes. »