France

Paris : « Pour une première expérience, nous n’avons pas à rougir », l’assemblée citoyenne fière de son travail

Ils ont fait voter leurs travaux le 16 mars dernier, et peuvent enfin souffler. Les habitants et habitantes qui forment la nouvelle Assemblée citoyenne, tirée au sort en 2021 par la Ville de Paris, viennent de vivre une expérience pas banale : passer 18 mois ensemble, à raison d’une soirée de travail par mois et de quelques assemblées plénières, pour aboutir à formuler trois propositions, qui viennent d’être adoptées en Conseil de Paris. Comment ont-ils et elles vécu la chose ? 20 Minutes s’est entretenu avec cinq d’entre eux.

Inutile de prolonger le suspense, autant vous donner tout de suite l’impression globale qui s’en dégage : pour nos témoins, c’est une réussite. « Je suis contente du résultat, on a fait des choses concrètes, et ce n’était pas gagné », témoigne par exemple Magali Marx, une économiste de 46 ans et mère de trois enfants, qui habite dans le 13e… « Pour une première expérience nous n’avons pas à rougir. Pour des gens non formés, 18 mois de travail avec une séance par mois, on ne peut pas demander la lune», ajoute cette chercheuse à la Banque de France, qui résume la situation ainsi : « Faire petit, mais faire ».

Petit, enfin, pas tant que ça : au lieu d’un texte comme initialement prévu, ce sont trois textes qui sont sortis de ces réunions de travail. Le premier livre une feuille de route pour un nouveau « Code de la rue », et les autres des recommandations en matière de lecture et de rénovation énergétique, pour lever les freins que rencontrent les propriétaires parisiens.

« On a été très soutenus »

Pour s’accorder sur ces recommandations, élaborées sous la forme de trois vœux, les citoyennes et citoyens ont été bien accompagnés, disent-ils tous et toutes en chœur. « On nous a mis à dispo un secrétaire général très discret, qui nous a bien épaulés pour la rédaction, les rencontres, c’était bien » , explique Martine Verlaguet, ex-cadre supérieure dans la fonction hospitalière à la retraite, 68 ans, et habitante du 18e arrondissement.

Tous et toutes disent avoir pu rencontrer les experts ou expertes ou plus généralement les personnes qu’ils ou elles voulaient auditionner. « Pour tous les gens qu’on a demandé à rencontrer, ou les lieux qu’on a voulu visiter, on a eu des retours positifs », commente ainsi Magali Marx, qui ajoute : « Les services de la Ville de Paris ont vraiment mouillé la chemise pour que ce soit possible, on a été très soutenus ».

De nombreuses défections

Il n’empêche que tout n’a pas coulé de source. Les autres citoyens et citoyennes interviewées pointent du doigt les défections nombreuses chez les personnes tirées au sort, ce qui a obligé la mairie à changer son fusil d’épaule, en autorisant les 50 suppléants à siéger comme les autres, pour avoir un quorum d’au moins 50 personnes. « Il y a une contrainte d’implication personnelle, la vie quotidienne est faite de difficultés, il faut du temps pour se consacrer à ça, mais l’expérience était très intéressante » relativise Alessandro d’Ambrosio, 31 ans, un ingénieur à la RATP qui habite dans le 16e.

Salma, 52 ans, coach praticienne, habitante du 17e et Française d’origine algérienne comme elle se décrit, fait partie des gens qui ont quitté cette assemblée, après 6 mois de travail qui ont fait émerger le sujet du code de la rue. « Le sujet vers la fin, je ne m’y reconnaissais pas. Cela ne m’a pas paru pertinent par rapport aux autres problématiques comme l’ouverture des lignes de métro 24h/24 ». 

Un cadrage mal vécu par certains

Les membres de l’Assemblée citoyenne ont en effet trouvé difficile de s’accorder au départ sur le choix des sujets à traiter. Les organisateurs souhaitant laisser les membres libres, la situation a laissé la place à un peu de chaos. « On a commencé les petites réunions, c’était compliqué de choisir le thème sur lequel on voulait travailler. Il fallait qu’on décide, on n’avait pas de feuille de route, elle était vierge, on a un peu galéré au départ pour savoir comment ça se passerait » explique Rémy Cuenin, commercial de 65 ans et habitant du 12e arrondissement. 

C’est en raison de cette relative errance que l’exécutif parisien s’est mis à proposer des axes de travail, expliquent nos témoins, un cadrage parfois mal vécu « On s’est retrouvés à travailler sur le Code de la rue mais on a eu l’impression que c’était un peu téléguidé… Je n’aime pas le mot « téléguidé » parce que cela voudrait dire que la mairie nous a emmenés de force,  mais on a fait ce choix parce que c’était plus simple, on était un peu perdus », se souvient Rémy Cuenin. 

Un référendum sur les propositions ?

Pour la prochaine assemblée citoyenne, les porte-parole aimeraient justement que l’organisation soit plus resserrée. « On a suggéré qu’il y ait un temps de sélection des sujets plus courts », explique Magali Marx. « Il serait bon de lancer d’emblée une enquête sur les thématiques que l’assemblée souhaite examiner », complète Alessandro d’Ambrosio, qui suggère aussi l’idée « de faire voter par référendum ensuite les propositions », dans une forme de démocratie plus directe.

Entre autres améliorations, les membres que nous avons interviewés estiment que la représentativité de l’assemblée pourrait être mieux pensée, en proposant aux employeurs et employeuses des citoyens et citoyennes qu’ils allouent du temps dédié. Si les séances sont indemnisées à hauteur de 44 euros par demi-journée, aucune solution de garde pour les enfants n’était par ailleurs prévue ou compensée financièrement, alors que les familles monoparentales forment un tiers des foyers parisiens.

« Cela m’a donné envie de faire bouger les choses »

Si cette assemblée peut sans doute s’améliorer dans son fonctionnement, nos témoins gardent quand même un très bon souvenir de l’expérience, qui leur a permis de « voir comment ça se passe de l’intérieur », comme le résume Rémy Cuenin. « Cela a été aussi intéressant d’être accueillis dans le palais de la Mairie de Paris, ce sont des lieux pleins d’histoire et qui apportent beaucoup d’émotions », se souvient Martine Verlaguet.

Les uns et les autres soulignent avoir pu nouer des liens avec des Parisiens et Parisiennes de tous milieux et d’âges différents, conformément à la représentativité voulue par les organisateurs et organisatrices, et d’avoir acquis ainsi une meilleure connaissance de la ville. Ces liens perdurent parfois pour certains, puisque des petits groupes continuent de se parler et de se voir, comme le 19 mars dernier, à l’occasion d’une visite de la Tour Eiffel.

Enfin, et c’est un des effets réjouissants de cette assemblée, cela a donné envie à certains de ses membres de s’investir plus encore dans la vie citoyenne, comme Martine Verlaguet, qui devait filer au moment où l’interview se termine « à une conférence sur l’eau à l’Académie du climat », qu’elle a découvert par ce biais. Tout comme Rémy Cuenin, qui a d’ores et déjà accepté de faire le lien avec la nouvelle assemblée et réfléchit à s’investir dans d’autres structures : « Cela m’a donné envie de faire bouger les choses. »