France

Ouïghours : La justice classe une enquête préliminaire visant des géants de l’habillement

Revers pour les défenseurs des droits humains. La justice française a classé sans suite une enquête préliminaire ouverte en juin 2021 visant des géants de l’habillement tels Uniqlo et Inditex, accusés par des associations d’avoir profité du travail forcé des Ouïghours en Chine. Le Parquet national antiterroriste (Pnat), qui traite en France les dossiers de crimes contre l’humanité, a confirmé jeudi ce classement qui a eu lieu en avril a appris l’AFP par une source proche du dossier.

L’enquête avait été ouverte par le pôle crimes contre l’humanité de ce parquet après une plainte déposée en avril 2021 par l’association anticorruption Sherpa, le collectif Ethique sur l’étiquette, l’Institut ouïghour d’Europe (IODE) et une Ouïghoure ayant été internée dans la province du Xinjiang (nord-ouest de la Chine). Les plaignants entendent déposer une nouvelle plainte afin qu’un juge soit désigné, a indiqué leur avocat Me William Bourdon, sollicité par l’AFP.

Le Pnat incompétent pour les infractions visées

La plainte s’appuyait sur un rapport publié en mars 2020 par l’ONG australienne ASPI (Australian Strategic Policy Institute). Les plaignants reprochaient à Uniqlo France (propriété du groupe japonais Fast Retailing), Inditex (qui détient les marques Zara, Bershka, Massimo Duti), SMCP (Sandro, Maje, de Fursac…) et au chausseur Skechers de commercialiser des produits fabriqués en totalité ou en partie dans des usines où des Ouïghours sont soumis, selon ces associations, au travail forcé. Les plaignants estimaient aussi que ces sociétés ne justifiaient pas d’efforts suffisants pour s’assurer que leurs sous-traitants n’étaient pas impliqués dans les persécutions de cette minorité.

Le 12 avril, le Pnat a informé les plaignants dans un courrier dont l’AFP a eu connaissance que l’enquête était classée sans suite « pour motif d’absence d’infraction, en raison de l’incompétence du Pnat à poursuivre les faits visés dans la plainte ». Selon la première source proche du dossier, le ministère public a considéré qu’il ne pouvait poursuivre les géants du textile pour des recels d’infractions que s’il était également compétent pour les infractions principales visées, c’est-à-dire les crimes contre l’humanité et le génocide. D’après une autre source proche, le Pnat considère toutefois que ces crimes sont susceptibles d’avoir été commis en Chine par des entreprises chinoises, les fournisseurs des géants du textile dénoncés dans la plainte, ce qui le rendrait donc incompétent.

« Le tête-à-queue du Pnat est incompréhensible dans la mesure où une enquête avait été ouverte sur le fondement de recel de crimes contre l’humanité. Deux années après, c’est aujourd’hui considéré comme une qualification non pertinente », s’est étonné Me Bourdon.