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La famille royale et les correspondants royaux, une relation ambiguë: « Peu importe ce que vous dites, vous vous faites insulter »

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Le Royal Rota

Camilla Tominey a entamé sa carrière de correspondante royale pour l’édition du dimanche du Daily Express, politiquement le plus à droite et le plus nationaliste des tabloïds britanniques. Sa renommée faite, elle rejoint en 2021 The Telegraph, la bible des électeurs conservateurs, et obtient en prime en janvier 2023 sa propre émission sur la nouvelle chaîne de télévision GB News, elle aussi résolument à droite et nationaliste.

Ces deux journaux ont un point commun : ils appartiennent au Royal Rota, un groupe de sept quotidiens (The Daily Express, The Daily Mail, The Daily Mirror, The Sun, The Evening Standard, The Telegraph et The Times) qui reçoivent la primeur des informations sur la famille royale et se partagent la couverture de ses événements. Camilla Tominey et ses collègues sont ainsi régulièrement invités à couvrir les déplacements des Windsor, aussi bien ceux des membres de la famille méconnus du grand public que ceux du Roi et de la Reine.

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Des articles qui soulèvent les passions

Est-il ensuite aisé d’écrire sur eux sans tomber dans la révérence ? “L’erreur souvent commise est de penser que ces personnes sont d’une certaine manière nos amis”, prévient la journaliste. “Je me souviens d’une remarque d’un de mes collègues : ” Quand il s’agit des membres de la famille royale, il ne faut jamais confondre amabilité et amitié”. L’idée est donc de ne pas s’approcher trop près d’eux afin de rester aussi objectif que possible.”

Cette question de la proximité appropriée concerne tous les journalistes qui suivent un secteur attitré. À la différence près que les membres de la famille royale ne sont pas des interlocuteurs comme les autres puisqu’ils incarnent la tradition nationale et plus largement le pays. La passion autour des articles les concernant est donc plus intense que pour d’autres sujets. “J’ai écrit des choses qui paraissent négatives sur le prince Harry et j’ai été victime d’attaques sur les réseaux sociaux”, témoigne Camilla Tominey. “J’ai récemment dit dans un article qu’il devrait être accueilli à bras ouverts pendant le couronnement et j’ai également été victime d’attaques. En conclusion, peu importe ce que vous dites, vous vous faites quoi qu’il en soit insulter sur les médias sociaux”

Même si elle reconnaît que les médias pour lesquelles elle travaille sont favorables à la monarchie, la royalty watcher se défend de dire aux “gens s’ils doivent croire ou non en cette institution et en ses membres”. Camilla Tominey considère en effet que son travail couvre deux aspects : “J’écris sur la famille royale en tant qu’institution, mais aussi en tant que famille. Si les gens ne soutiennent pas l’institution, ils semblent s’intéresser, au regard des nombreuses discussions que j’ai, notamment avec des républicains, à eux en tant qu’individus.”

Accès au Windsor contre relative complaisance

Pourtant, le ressort de la relation entre les journalistes du Royal Rota et les Windsor est ambigu. L’accès privilégié dont bénéficient les premiers se répercute positivement sur les ventes de leurs journaux ; en contrepartie, la famille royale sait qu’elle bénéficiera de la complaisance de ces mêmes médias, qui ne mettront pas en cause sa légitimité. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que les enquêtes les plus pointues sur les finances de la famille royale et sur son influence secrète sur la vie politique du pays aient été publiées par The Guardian, un quotidien national ne faisant pas partie de ce groupe de privilégiés et clairement pro-républicain.

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Sur un sujet certes plus people mais tout aussi révélateur, les médias du Royal Rota semblent s’être rangés derrière la famille royale lors de la guerre larvée entre le duc et la duchesse de Sussex, plus connus sous leur prénom de Harry et Meghan. Camilla Tominey le réfute sans la moindre équivoque. “Ce n’est pas parce qu’un titre est négatif qu’il est faux, raciste ou sectaire”, défend-elle, répondant aux arguments avancés par les deux nouveaux résidents californiens. “Il se peut, plus simplement, que les gens ne soient pas parfaits et qu’ils commettent parfois des erreurs qui se retrouvent dans les journaux.”

De son côté, la journaliste répète son ambition : “Je continuerai à rapporter et à dénoncer sans crainte ni faveur. Parce que c’est mon travail en tant qu’observateur objectif de cette famille et de l’institution à laquelle elle appartient.”