France

Malgré les pluies de printemps, 68 % des nappes dans le rouge

Certes, il a plu ces deux derniers mois. Une bonne partie des Français peuvent l’attester. Les Bretons en tête. Les Franciliens aussi. Mais ces précipitations ont-elles permis d’améliorer la situation des nappes phréatiques en France ?

A la sortie de l’hiver, la situation brossée par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l’organisme public en charge de leur suivi, avait de quoi inquiéter. A la sécheresse de l’été dernier s’est ajoutée une sécheresse hivernale aggravant un peu plus l’état des nappes. « Au 1er avril, 75 % d’entre elles étaient en dessous des normales de saison », rappelle Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique.

Les nappes « réactives » en amélioration

Ce mercredi, le BRGM publie un nouvel état de la situation, cette fois à partir des niveaux enregistrés au 1er mai. Si le cumul des précipitations a été excédentaire sur une grande partie du territoire ces deux derniers mois, l’impact sur les nappes est très hétérogène. Ne serait-ce parce qu’il a plu de manière inégale sur le territoire. Dans le sud de la France, les pluies infiltrées en profondeur « ont été insuffisantes voire inexistantes ».

Et puis même là où il a plu, la situation ne s’est pas forcément améliorée. Christophe Poinssot, directeur général par intérim du BRGM, invite à ne pas oublier : « Une pluie qui arrive fin avril ou en mai, comme actuellement, profite surtout à la végétation et va très peu dans les nappes, contrairement à une même pluie qui serait tombée en mars ».

Tout de même, certaines nappes affichent des niveaux en hausse. Celles dites « réactives », sur lesquelles des pluies abondantes (ou l’inverse) ont des effets rapides, notamment parce qu’elles sont peu profondes. Il s’agit notamment des nappes du Grand-Est, de Bourgogne-Franche-Comté et du nord du Massif central, pour lesquelles la recharge se poursuivait courant avril, note le BRGM. Même chose pour les nappes du Massif armoricain, de la Bretagne et de la Vendée, qui ont elles aussi bénéficié des pluies excédentaires en mars et en avril, même si l’atténuation des pluies « efficaces » sur les quinze derniers jours d’avril fait que ces nappes sont affichées avec des niveaux en baisse ou stable sur la nouvelle carte du BRGM. Toutefois, ce quart nord-ouest du pays s’affiche dans un bleu foncé qui traduit un niveau des nappes haut.

Inquiétude pour le couloir rhodanien et le pourtour méditerranéen

Voilà pour les bonnes nouvelles. Elles ne doivent pas faire oublier que 68 % des nappes restent à des niveaux modérément bas à très bas, dont 20 % à des niveaux très bas, contre 19 % en mars. « A la même époque l’an dernier, le ratio était de 58 %, et on se rappelle tous comment la saison s’est terminée », rappelle Christophe Béchu.

Christophe Poinssot attire l’attention sur les zones où les nappes sont à des niveaux critiques signalées par la couleur rouge. « Elles ont augmenté significativement par rapport à l’an dernier », pointe-t-il. Tout le couloir rhodanien et le pourtour méditerranéen s’affichent dans cette couleur. La situation est aussi préoccupante dans le bassin parisien, « où les niveaux sont globalement très bas par rapport à tous les mois d’avril des années précédentes », signale le BRGM.

Pourquoi donc, alors qu’il y a beaucoup plus depuis avril ? « On est, cette fois-ci, sur une nappe inertielle avec des écoulements très lents, ce qui la rend peu réactive à ce qui se passe en surface, explique Christophe Poinssot. Les faibles pluies tombées cet hiver et celles, certes plus importantes, ces dernières semaines, n’ont pas suffi à rattraper la baisse des niveaux entamée cet été. » Et à moins qu’il pleuve tout l’été, situation peu probable, cette tendance à la baisse devrait se poursuivre, précise-t-il.

La carte des risques de sécheresse d'ici la fin de l'été 2023.
La carte des risques de sécheresse d’ici la fin de l’été 2023. – @Ministère de la Transition écologique

Des territoires avec des risques très probables de sécheresse

A ce stade de l’année, à part pour les nappes les plus réactives, la recharge est désormais finie, reprend Christophe Poinssot. Autrement dit, il va falloir faire avec les niveaux enregistrés au 1er mai jusqu’à la fin de l’été. De cette première carte découle alors une seconde, qui croise les données du BRGM, de Météo France et d’autres organismes et qui anticipe cette fois-ci les risques de sécheresse d’ici la fin de l’été. Ce risque est jugé très probable sur une grande partie du bassin parisien, les Deux-Sèvres et la Vienne, ainsi que tout le sud de la France, des Hautes-Pyrénées aux Alpes-Maritimes, en remontant jusqu’au département de l’Ain.

Dans certains territoires, c’est déjà une certitude : l’insuffisance marquée et durable de la ressource en eau ne permettant pas de faire face jusqu’à la fin de l’été à l’ensemble des usages. C’est le cas dans les Pyrénées-Orientales, département touché par une sécheresse historique depuis un an et où plusieurs bassins ont été placés en crise sécheresse par le préfet jusqu’au 13 juin. Certains villages n’ont d’ores et déjà plus accès à l’eau potable.