France

« Le don d’organes permet de sauver des vies mais aussi de bien vivre », rappelle un champion du monde des transplantés

Emmanuel Gastaud est rentré de Perth avec trois breloques autour du cou. « Une en bronze pour la course à pied par équipes sur 5 km, une en or pour la même distance, mais en individuel, et une deuxième du même métal, la plus belle, pour le triathlon en format sprint, dans la catégorie des 40-49 ans », raconte cet habitant de Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes), encore « jet-lagué » après son retour d’Australie. La quatrième ville du pays accueillait la semaine dernière les 24e Jeux mondiaux des transplantés, « le plus grand événement de sensibilisation au monde » pour le don d’organes, selon les organisateurs.

« Il permet de sauver des vies mais aussi de bien vivre. C’est le message qu’on veut envoyer en participant à cet événement », appuie Emmanuel Gastaud, 42 ans, lui-même deux fois greffé du rein. Cet employé du Parc national du Mercantour en la preuve. Sportif dès que son état de santé le lui a permis, il devenait déjà, en 2017 le premier transplanté à avoir gravi le Mont-Blanc en ski de randonnée. Et ces trois nouvelles médailles sont, pour lui, « une victoire de plus de la vie sur la maladie ».

Vous avez bouclé 500 m de natation, 20 km de vélo et 5 km de course à pied en un peu moins d’une heure [59 minutes et 20 secondes], c’est une sacrée performance…

Merci [rires], mais c’est quand même beaucoup moins bien que le temps qu’une personne non-transplantée aurait pu réaliser. C’est reconnu par les médecins et par des athlètes qui ont eux-mêmes subi une greffe : nos performances sont diminuées. Il y a des causes physiologiques à cela. Les greffés peuvent avoir de l’hypertension et d’autres soucis annexes. Moi, par exemple, je fais beaucoup d’anémie. Les traitements influent aussi. Ils nous fatiguent. On fait de notre mieux pour s’entraîner, mais il y a un niveau qu’on ne peut pas dépasser. Je m’en suis bien rendu compte pendant le championnat. Au niveau des premières places, on se situe tous dans un mouchoir de poche.

Que représentent pour vous ces titres de champion du monde ?

Avant les résultats, ces jeux sont surtout une superbe fête, avec beaucoup de bienveillance entre athlètes. On est tous dans le même bateau [rires]. Il y avait même le plus vieux greffé de France, qui a fêté ses 40 ans de transplantation. Les médailles, pour moi, c’est avant tout une victoire sur la maladie. Personnellement, j’ai eu un souci à la naissance, on a dû m’enlever un rein. J’ai vécu comme ça une grosse partie de mon enfance, mais ma fonction rénale s’est détériorée. Ma première greffe a été réalisée l’âge de 17 ans. J’ai fait un rejet chronique pendant dix ans, puis on a dû me remettre sous dialyse. J’ai ensuite attendu pendant quatre ans la nouvelle transplantation. J’avais 31 ans. Depuis ça va, mais je sais très bien que ce rein-là, ce ne sera pas pour toute la vie. Il faudra y repasser mais je ne sais pas quand. C’est la difficulté. Il faut vivre avec ça. Mais, c’est ce qui fait qu’on a envie de profiter de chaque moment, de chaque instant. D’aller à fond dans tout ce qu’on fait. Il y a une certaine urgence quand on est confronté à ça.

Emmanuel Gastaud, à Perth, avec ses trois médailles autour du cou
Emmanuel Gastaud, à Perth, avec ses trois médailles autour du cou – E. Gastaud

C’est pour cela que ces championnats ont aussi une vocation de communication ?

Ils sont avant tout faits pour ça. A mon sens, en tout cas. Ces compétitions donnent encore plus de la légitimité au don d’organes. Il permet de sauver des vies, ça, on le savait déjà. Mais aussi de bien vivre. Ces jeux mondiaux, c’est une occasion de se retrouver, d’échanger, mais surtout de montrer tout ça. De faire passer un message.

Parce que le don d’organes n’est pas assez développé ?

En France, ça stagne. En effet. Ça fait des années que ça ne bouge pas. Malgré la loi de 2017 qui renforce l’idée d’un consentement présumé, il y a encore un tiers de refus. C’est pour ça qu’il est très important d’en parler en famille, qui est décisionnaire en dernier lieu. Quand certains parents ou conjoints sont confrontés au décès proche et soudain d’un des leurs, s’ils refusent que les organes soient prélevés, c’est notamment par méconnaissance. Par manque de temps aussi car la décision doit être donnée très rapidement. Si la vie des personnes greffées était davantage mise en avant, je pense qu’on arriverait sans doute à aller plus loin dans ce domaine. A l’heure actuelle, dans l’Hexagone, près de 11.000 personnes attendent un organe pour revivre. Alors qu’en 2022, seulement 5.500 greffes ont été réalisées.