France

Le dernier repas de Christian Sinicropi pour le jury du Festival de Cannes

Il y avait un deux étoiles et une double palme d’or, ce lundi soir au Martinez. Christian Sinicropi côté fournaux avec sa « tribu », entendez sa brigade, auréolé de deux étoiles au Guide Michelin, Ruben Östlund récompensé par deux palmes à Cannes avec son jury dns la salle. Aucune tristesse mais beaucoup d’émotions du côté du premier qui officiait pour son dernier dîner – le vingt-deuxième – dédié à un président de jury à la veille de l’ouverture du Festival de Cannes.

Et Ruben Östlund et son jury ont été gâtés ! Quelques jours auparavant, le chef s’était renseigné sur leurs goûts et leurs éventuelles allergies avant de se mettre au travail. « Avec ma femme Catherine qui crée des assiettes en céramique spécialement pour l’occasion, on a revu tous ses films, Sans filtre, The Square et Snow Therapy, explique Christian Sinicropi à 20 Minutes. On s’en est inspiré pour rendre hommage à son cinéma. »

Du cinéma en cuisine

The Square et Sans filtre, lauréats de la Palme d’or, leur ont donné de bien belles idées poétiques et gustatives. De la « cuisine d’auteur » qui se contemple puis se déguste comme une œuvre d’art. L’assiette The Square, noire de jais, a accueilli dans son carré une variation sur le « cru de la mer » puis un dessert magique. « J’ai vu le carré comme un sanctuaire de confiance et de bienveillance », insiste le chef.

Manger chez le chef Sinicropi n’est pas qu’un régal : c’est une expérience ! Sa façon de travailler le « vivant » pour en extraire la substance surprend constamment, notamment avec une tarte au chocolat qui donne l’impression de se retrouver en forêt tant tous les sens sont mis à contribution au moment de la dégustation. « Les présidents du jury ont toujours été très réceptifs, se souvient le chef Sinicropi. Quentin Tarantino est revenu avec son équipe pour lui faire goûter une recette. Steven Spielberg était comme un enfant quand il a vu que j’avais créé un plat inspiré des Dents de la mer et Spike Lee voulait m’acheter les assiettes inspirées de sa filmographie ! » Comme Ruben Östlund et ses prédécesseurs, le réalisateur américain était reparti avec ses assiettes en cadeau.

Christian Sinicropi ne s’est pas laissé griser par la reconnaissance des stars. L’œil à tout, le verbe toujours courtois à l’égard de sa « tribu » qui s’affairait en cuisine, il communiquait avec la salle par oreillette pour s’assurer du bon accueil de ses plats. « Rien n’est jamais acquis, précise-t-il. Il faut toujours s’assurer que les convives sont heureux. Mon métier, c’est de donner du bonheur. » Le chef cannois en a aussi reçu avec la médaille du festival qui lui a été remise à l’issue du dîner. Un trophée que cet homme pudique s’est empressé de rapporter en cuisine pour le partager avec sa tribu. Il quittera le Martinez à la fin du mois pour de nouvelles aventures. On a un pincement au cœur pour le jury 2024 qui ne connaîtra pas ces joies-là.