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Qui a peur de Boris Johnson?

Une popularité tenace, envers et contre tout

Ce coup de sang a été largement analysé comme la dernière carte que pouvait sortir un politicien en perte de vitesse. Pourtant, au regard des dix derniers jours, ceux qui ont déjà enterré Boris Johnson ne devraient pas se réjouir trop vite. Tout au long de sa carrière, le grand blond échevelé a été annoncé mort politiquement avant de ressusciter.

Le comportement de Rishi Sunak en est le premier signe. Au pouvoir depuis le désastreux interlude Liz Truss, il a loué le travail produit par le comité parlementaire, sans toutefois se prononcer sur la suspension de nonante jours attribuée à son prédécesseur. Ces derniers jours, il a refusé de dire s’il voterait pour entériner les conclusions du comité et donc la suspension de son prédécesseur, à l’issue du débat organisé lundi en fin d’après-midi à la Chambre des communes. Il n’a même pas obligé ses députés à aller voter, alors qu’il aurait été en droit de le faire.

« Partygate »: Boris Johnson coupable d’avoir menti au Parlement

La raison de ce manque d’assurance ? L’entourage de Rishi Sunak ne veut pas rappeler aux adhérents et aux électeurs conservateurs qu’il est à l’origine de la chute de Boris Johnson. Ce dernier demeure en effet apprécié par une partie de ses anciens supporters : un sondage de l’institut YouGov diffusé la semaine dernière a révélé que 49 % des électeurs conservateurs aimeraient son retour à la Chambre des communes. Les députés conservateurs craignent également d’être désélectionnés par leur propre association locale, chargée de déterminer au cours des prochains mois qui sera leur candidat lors de l’élection générale prévue en 2024.

L’acharnement des travaillistes depuis sa démission est aussi à la hauteur de leur soulagement. Accusé lundi d’être “lâche”, d’avoir “menti” aux députés et même à ses collaborateurs les plus proches, il a été dépeint comme un dictateur en devenir, dont les méfaits ont pris fin grâce au scoop de journalistes consciencieux et au courage des membres d’un comité glorieux. Le ton hargneux et moralisateur de nombreux élus travaillistes aura satisfait les détracteurs de l’ancien dirigeant conservateur mais il n’aura convaincu personne. Des députés conservateurs opposés à Boris Johnson et décidés à voter en faveur des conclusions du comité sont même intervenus pour exprimer leur agacement…

La menace du chroniqueur

Les craintes des opposants à Boris Johnson, conservateur comme travaillistes, ne sont pas infondées. Si Boris Johnson n’est plus membre du Parlement, ce qui l’empêche de pouvoir briguer la direction du parti conservateur, il a révélé vendredi dernier un pan de sa nouvelle vie : chroniqueur pour le tabloïd The Daily Mail. Pendant plus d’une décennie, il avait égayé les pages du Telegraph de ses textes, rémunéré pour ce faire 250 000 livres sterling (293 000 euros) par an, une somme qu’il avait un temps qualifié de “ridicule”. Cette fois-ci, son contrat s’approcherait du million de livres sterling.

Outre qu’elle le met à l’abri de toute contingence financière, elle lui offre une place de choix pour commenter la vie du pays. Dans une vidéo diffusée avec sa première chronique, il annonce “devoir traiter de politique de temps en temps, le moins possible, à moins que ce soit absolument nécessaire”. Une menace évidente dirigée vers les deux côtés des Communes. Mais Boris Johnson a pour le moment choisi de faire profil bas : sa première chronique a concerné son incapacité à perdre du poids malgré l’utilisation d’une pilule soi-disant miracle. La vengeance est un plat qui se mange froid.