Belgique

”Non, la ministre n’a pas dévié de sa ligne”: mise à mal par des mails internes, Hadja Lahbib se défend mais la pression pour une démission s’accentue

L’attention est désormais entièrement tournée vers la ministre libérale.

La députée belgo-iranienne N-VA Darya Safai a encore réclamé le départ de Hadja Lahbib sur La Première ce lundi matin, rappelant que l’octroi de visas est une responsabilité fédérale et non régionale. “C’est sa signature qui est sur les lettres.”

Bouchez : “Hadja Lahbib a notre soutien à 300 %”

Même si une figure telle que Didier Reynders, ancien ministre des Affaires étrangères, a discrètement pris ses distances, la ministre peut globalement compter sur le soutien de son parti et surtout de son président, Georges-Louis Bouchez. “Elle n’est en rien responsable de cette invitation”, nous indique Georges-Louis Bouchez, qui estime qu’elle ne pouvait pas entraver l’action diplomatique d’une Région. “Pour le reste, elle a notre soutien à 300 % car elle réalise un travail formidable. Par ailleurs, quand on connaît complètement le dossier, il n’y a aucune raison de la blâmer.” Une démission serait un coup très rude pour le Montois, qui l’a lui-même désignée pour ce poste. Ce soutien indéfectible pourrait compter, car une démission menacerait potentiellement la viabilité de la Vivaldi.

Le Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD), a lui-aussi défendu Hadja Lahbib ce lundi sur VTM.

Les prochains jours seront cependant agités pour la ministre libérale. La N-VA, Défi et les Engagés ont, depuis l’opposition, réclamé sa démission. Le PS, depuis la majorité, l’a plus que suggérée.

”Troublés par les e-mails…”

Les verts ne feront pas non plus de cadeaux. “À ce stade, nous sommes troublés par les éléments mis en lumière par les e-mails de Pascal Smet et par le positionnement de M. Bouchez qui semble nier qu’il s’agit d’une compétence fédérale exclusive”, souligne Gilles Vanden Burre, chef de groupe Écolo-Groen à la Chambre. En résumé, la ministre n’est plus soutenue que par les libéraux

Hadja Lahbib, qui s’expliquera à nouveau devant la Chambre ce mercredi, aura fort à faire pour convaincre après la publication par Pascal Smet de tous leurs échanges de mails.

Certains sont interpellant. Le 20 mars, le SPF Affaires étrangères se montre très clair. Il remet un avis négatif, jugeant qu’inviter ces Iraniens n’était pas recommandable.

Pascal Smet se range d’abord à cet avis. Mais après avoir pris contact avec Metroplis, l’ONG qui co-organise le sommet bruxellois, il revient à la charge pour demander de délivrer un visa aux membres de la délégation iranienne. Le socialiste reprend contact avec les Affaires étrangères le 3 mai. Le 10 mai, en pleine négociation pour la libération d’Olivier Vandecasteele, il a une conversation téléphonique avec Hadja Lahbib. Cette conversation change la donne. Un collaborateur de Pascal Smet en livre la teneur dans un mail du 11 mai, d’après le compte rendu que lui en a fait le secrétaire d’État. Il écrit au SPF affaires étrangères que “la ministre Lahbib a confirmé hier” que son administration n’allait “pas bloquer/refuser les visas ». Et dans un mail envoyé le 16 mai au cabinet de Nicole de Moor, secrétaire d’État à la Migration, un collaborateur de Smet écrit que les “Affaires étrangères étaient initialement réticentes, mais (que) la ministre Lahbib a ensuite confirmé directement à Smet que leur arrivée ne leur posait aucun problème.”

”Non, la ministre n’a pas dévié”

”Non, la ministre n’a pas dévié de la ligne des Affaires étrangères, se défend la porte-parole de Hadja Lahbib. Elle a toujours pensé qu’il ne fallait pas inviter ces personnes. Dans cet appel téléphonique, elle a dit à Pascal Smet qu’elle n’allait pas bloquer, et que les visas allaient suivre la route normale. L’OCAM, la VSSE (Sûreté de l’État) et l’Office des Étrangers ont fait une vérification. Nous avons une responsabilité pour la sécurité, mais la responsabilité politique, c’est Pascal Smet qui l’a prise. De notre côté, nous avons d’abord dit non (Ndlr : en rendant un avis négatif en mars). Nous avons ensuite fait le suivi administratif, à la demande de M. Smet. À partir de là, si toutes les instances donnent leur feu vert, nous donnons le visa. En pratique, on ne bloque pas les demandes d’une Région, et d’un secrétaire d’État qui est compétent pour les affaires internationales, si toutes les vérifications d’usage ont été effectuées.”

La ligne de défense libérale est claire : Pascal Smet serait le seul responsable. Après la démission du Bruxellois, elle pourrait ne pas suffire. Hadja Lahbib pourrait aussi insister sur le fait que l’Office des Étrangers n’a émis aucune objection au sujet de la liste des participants. Une manière de diluer la responsabilité ?

guillement

« Ce n’est que quand ils ont des doutes sur un cas que les Affaires étrangères envoient une demande à l’Office des étrangers (OE). Ils pouvaient le faire. A ce moment-là, seulement, l’OE est responsable pour prendre une décision sur un visa. Mais cela n’a pas été fait ».

Le cabinet de Nicole de Moor, qui exerce la tutelle sur l’Office des étrangers lui renvoie la balle avec vigueur. “Hadja Lahbib a raison quand elle dit qu’elle ne peut pas refuser un visa. Ce n’est que quand ils ont des doutes sur un cas que les Affaires étrangères envoient une demande à l’OE. Ils pouvaient le faire. À ce moment-là, seulement, l’OE devient responsable pour prendre une décision sur un visa. Mais cela n’a pas été fait”, souligne la porte-parole de la secrétaire d’État à la Migration.

L’Office des étrangers a pourtant bel et bien été impliqué dans ce dossier. “Nous avons eu des échanges d’informations, ça c’est clair. Mais il n’y a pas eu d’avis ni de décision prise par l’OE ”, ajoute le cabinet de Nicole de Moor.

La démission de Hadja Lahbib sera clairement dans la balance ce mercredi.

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