Belgique

Ces « indemnités spéciales » de plusieurs milliers d’euros dont bénéficient des députés, en marge de leur pension et de leur indemnité de départ

Les indemnités de départ des parlementaires
Les indemnités de départ des parlementaires ©IPM Graphics

Un régime spécial plus favorable

La Chambre des représentants offre le régime spécial le plus favorable à ses élus, suivie du Parlement bruxellois, tandis que le Parlement de Wallonie et le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont réduit ces avantages depuis 2009.

Avec les « indemnités spéciales », le Parlement bruxellois octroie jusqu’à 449 000 euros d’indemnité de départ aux membres de son bureau pléthorique

À la Chambre, des indemnités de sortie complémentaires sont ainsi accordées “aux membres sortants, qui ont exercé une fonction spéciale maximum un an avant la fin de leur mandat”, comme nous précise le cabinet d’Eliane Tillieux, présidente de la Chambre. La durée d’octroi de cette indemnité spéciale se calcule comme pour l’indemnité de sortie classique (2 mois d’indemnité par année de mandat et maximum 24 mois).

Cette indemnité spéciale de sortie correspond à la rémunération supplémentaire déjà octroyée pour l’exercice de ces fonctions spéciales. Elle concerne potentiellement les 10 chefs de groupe, la présidente, les trois vice-présidents, les cinq autres membres du bureau et les présidents de commission permanentes. Les montants alloués, nous précise la présidence de la Chambre, ont tous été soumis récemment à une diminution de 5 % à 20 %.

Citons quelques exemples. Valérie Van Peel (N-VA), vice-présidente de la Chambre depuis 2019, et qui a annoncé qu’elle quitterait la Chambre en 2024, aura ainsi droit à 34 920 euros (brut) d’indemnités spéciales, en plus de son indemnité de départ classique (228 300 euros, étalés sur 20 mois).

Un poste de chef de groupe d’au moins 12 députés donne droit à 3 902 euros d’indemnité de départ complémentaire par mois. Maggie De Block, cheffe de groupe Open VLD, et qui a annoncé son retrait de la politique en 2024, aura donc droit à 39 020 euros de supplément, en plus de son indemnité de départ classique.

Ce complément se limite à 2 926 euros pour un chef de groupe de 5 à 11 députés, tandis qu’un membre du bureau percevra 3 414 euros de supplément en cas de départ et que le président d’une commission permanente en touchera 1 463 euros.

Quant au président, le règlement lui octroyait jusqu’il y a quelques semaines un supplément d’indemnité de sortie de 10 273 euros par mois… “Mais cette règle a été retirée, et les présidents qui en ont bénéficié vont devoir rembourser”, nous assure Eliane Tillieux, selon qui ce mécanisme d’indemnité complémentaire est en fait celui qui a permis à Herman De Croo (Open VLD) et Siegfried Bracke (N-VA), ainsi qu’à des hauts fonctionnaires, de bénéficier de ce qui a été présenté alors comme des compléments de pension.

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Ce système a été supprimé pour les présidents. André Flahaut et Patrick Dewael n’y auront, par exemple, pas droit. Et moi non plus. Le système d’indemnités de départ supplémentaires pour les autres fonctions spéciales n’a par contre pas encore été remis en cause. »

C’est bien de ça dont il était question. Mais ce système a été supprimé pour les présidents. André Flahaut et Patrick Dewael n’y auront, par exemple, pas droit. Et moi non plus”, confirme Eliane Tillieux. On peut toutefois légitimement s’étonner : pourquoi avoir supprimé l’avantage octroyé aux présidents, et pas aux autres fonctions spéciales. “Pour les présidents, le système pouvait excéder deux ans. Le système d’indemnités de départ supplémentaires pour les autres fonctions spéciales n’a par contre pas encore été remis en cause. Mais il y aura un débat en interne pour savoir si ces indemnités sont encore nécessaires.

En Wallonie, les cas Marcourt et Antoine

Au Parlement de Wallonie, comme au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, cette indemnité spéciale, d’un montant indexé de 1 445 euros par mois, n’est accessible qu’aux seuls présidents de Parlement, et anciens présidents.

L’indemnité n’est effectivement versée qu’à partir du moment où le Président sortant de charge n’est plus parlementaire. En d’autres termes, d’anciens présidents d’assemblée percevront une indemnité spéciale de départ pour une charge qu’ils n’occupent parfois plus depuis des années. C’est l’un des seuls privilèges qui a été maintenu après la réforme menée par l’ancienne présidente Emily Hoyos (Écolo), en 2009.

Ainsi de Jean-Claude Marcourt (PS), qui a démissionné de sa fonction de président du Parlement de Wallonie à la fin 2022. Lorsqu’il quittera le Parlement de Wallonie, il obtiendra 8 mois d’indemnité spéciale, soit 11 560 euros bruts. Cette indemnité spéciale s’ajoutera à son indemnité classique, qui devrait atteindre le plafond des 24 mois (273 960 euros bruts).

Son successeur, André Frédéric (PS) pourra bénéficier lui aussi de l’indemnité spéciale lorsqu’il quittera le Parlement, de même que Christophe Collignon (PS) et Maxime Prévot (Les Engagés), qui ont occupé plus brièvement ce perchoir, et auront droit à 4 mois d’indemnité spéciale chacun (5 780 euros).

Le cas d’André Antoine (Les Engagés) est plus spécifique.

Le Brabançon, député wallon depuis 1995, pourra percevoir 38 mois d’indemnité de départ classique (433 770 euros), s’il quitte le Parlement en 2024. “Je ne me suis jamais renseigné à ce propos, j’aime trop le Parlement”, souligne André Antoine. L’ancien bourgmestre de Perwez est en effet autorisé à dépasser le plafond actuel de l’indemnité classique. De fait, la limitation de l’indemnité à 24 mois ne s’applique pas aux députés déjà en place en 2014, lors de la modification du règlement. Selon l’article 17 du règlement en vigueur au Parlement de Wallonie et relatif aux indemnités, ces députés de l’ancien régime peuvent échapper au plafond. André Antoine, président du Parlement wallon de 2014 à 2019, pourra en plus demander 10 mois d’indemnités spéciales (14 450 euros). Il aura donc droit, s’il quitte le Parlement en 2024, à 448 220 euros d’indemnité au total.

Nombre de mois d’indemnité de départ classique Montant de l’indemnité de départ classique Nombre de mois d’indemnité spéciale Montant de l’indemnité spéciale Indemnité de départ totale
André Antoine (Les Engagés) 38 mois 433 770 euros 10 mois 14 450 euros 448 220 euros

Philippe Courard, Jean-Charles Luperto et Françoise Schepmans

Le même régime d’indemnités classiques et spéciales s’applique aux anciens présidents du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Ainsi, Philippe Courard (PS), Jean-Charles Luperto (PS) et le président actuel Rudi Demotte (PS) pourront chacun recevoir, à la fin de leur mandat, une indemnité spéciale de 14 450 euros, toujours en plus de leur indemnité classique, tandis que François Schepmans (MR) pourra bénéficier de 8 mois (11 560 euros) d’indemnité spéciale.

Le système est a priori légal. Il pose toutefois question, de par les fortes disparités des règles existantes et l’opacité du système.