France

Landes : Après dix ans de galère, un agriculteur « sans terre » a réussi à s’installer grâce à l’épargne citoyenne

« C’était mon rêve et là je le réalise, glisse avec émotion Vivian Santos, 41 ans. Et je ne reviendrai jamais en arrière. » Depuis début mars, Vivian, sa femme Julie, 38 ans, et leurs deux enfants, ont repris la ferme céréalière du Trey à Parleboscq dans les Landes, à la limite du Gers. Bordée de bois et proche d’un étang, l’exploitation s’étend sur 167 jolis hectares vallonnés qui étaient cultivés en maïs, et que Vivian Santos a l’ambition de diversifier.

C’est avec une grande fierté qu’il parle de ses projets pour diminuer la consommation d’eau, varier les semences, améliorer la qualité du sol et se lancer dans l’agriculture biologique. Et pourquoi pas un peu d’élevage quand ses enfants auront grandi ? Installés depuis seulement quelques semaines, ils ont déjà bien investi les lieux et comptent bien en faire leur petit paradis.

Pas issus d’une famille d’agriculteurs

Depuis tout petit, Vivan veut travailler la terre. Mais, même avec son BTS agricole en poche et beaucoup de détermination, il va multiplier les projets de reprises ratés pendant près de dix ans sans parvenir à se sentir « chez lui ».  « Les exploitants sont fusionnels avec leurs outils de travail, estime-t-il avec le recul. Ils veulent louer leurs biens pour améliorer leur retraite mais si plus tard, par chance, il y a un petit-fils, un neveu ou un cousin qui souhaite reprendre, ils arrêtent le bail et installent l’héritier tandis que vous, vous repartez les mains dans le dos ».

Ni Vivian ni son épouse ne sont issus d’une famille d’agriculteurs et le prix du foncier agricole est alors un sacré obstacle. « C’est en moyenne 6.000 euros l’hectare en France, qui n’est pas le pays le plus cher puisque la Safer joue un rôle régulateur, commente Vincent Kraus, cofondateur de « Fermes en vie » (FEVE). Mais pour la ferme de La Trey, par exemple, cela établit sa valeur à environ deux millions d’euros, ce qui est difficilement accessible ». Il y a un peu plus d’un an, le couple tombe sur une annonce de location avec option d’achat émise par « Fermes en vie » qui va changer sa vie et rendre son projet possible. « Au lieu d’avancer un montant à sept chiffres, on en débourse un à six chiffres, résume Vivian Santos. Et c’est beaucoup plus souple comme financement. »

L’entreprise à mission « Fermes en vie » achète la ferme (bâtiments et terre) et la loue au couple, qui est propriétaire du matériel agricole. La durée minimale du contrat de location est de sept ans et au bout de cette période, l’option d’achat peut-être activée. Si la trésorerie le permet, c’est ce qu’aimeraient alors faire Vivian et son épouse, qui est, elle, en charge du très important volet comptabilité et administratif de l’entreprise familiale. Mais s’ils ne se sentent pas les reins assez solides, ils pourront continuer à louer puisque le bail court sur 25 ans. « On n’a aucune corde au cou, on est sereins », se réjouit Vivian Santos, alors que les oiseaux pépient en fond sonore.

Accélérer la transition agroécologique

La foncière « Fermes en vie », a été lancée en juillet 2021 avec l’ambition d’« accélérer la transition agroécologique », en soutenant financièrement l’installation de nouveaux agriculteurs. D’ici dix ans, la moitié des agriculteurs français sera partie à la retraite et l’idée de l’entreprise est d’aider les deux tiers des candidats à l’installation qui sont, comme Vivian et Julie, hors cadre familial.

L’entreprise collecte les investissements des particuliers à partir de 500 euros. « On dispose d’un agrément de l’économie sociale et solidaire et, en plaçant son épargne au sein de la FEVE, cela ouvre droit à une réduction d’impôts de 25 %, précise Vincent Kraus. L’objectif de rentabilité se situe entre 2 à 3 % en dehors de cette réduction ». Depuis son lancement, elle a collecté sept millions d’euros auprès de 700 personnes avec un montant moyen investi de 10.000 euros. Les citoyens qui y placent leur épargne deviennent actionnaires.

Sept projets d’installation ont été soutenus depuis le lancement de la foncière dont cinq en Nouvelle-Aquitaine. « Il faut trouver le bon porteur de projet et le bon site, commente Vincent Kraus, mais aussi un montant de transaction correct car on ne veut pas faire perdre d’argent aux investisseurs. » Cette année 10 à 15 projets d’implantation seront accompagnés par la FEVE qui veut doubler ce nombre en 2024. Elle réalise en parallèle des audits des fermes installées, pour s’assurer du respect de la charte agroécologique.

Au lieu-dit du Trey, tout est prêt pour semer dans les jours qui viennent les premières graines de différentes sortes de maïs et de tournesol, avant des diversifications plus poussées. La FEVE se prépare, elle, à faire sortir de terre de nouvelles fermes alors qu’on dénombre, selon l’Insee, quatre fois moins d’agriculteurs exploitants qu’il y a quarante ans.